par Danielle Birck
Article publié le 15/05/2009 Dernière mise à jour le 19/05/2009 à 16:10 TU
A deux jours de l’ouverture au public, on sent encore les odeurs mêlées de peinture et du bois fraîchement décapé des escaliers qui mènent au deuxième étage de cette partie de l’aile Orient, restaurée pour accueillir les collections de 1643 à 1814. Dans les salles, il faut slalomer entre des câbles, des échelles métalliques, et des machines à laver le sol. Le rythme des travaux de finition a dû s’accélérer brusquement : la visite du ministre de la Défense, prévue le lendemain a été avancée de 24 heures… Ce sera donc au pas de charge, que le directeur du musée, le général Bresse, nous guidera au milieu des armes, uniformes et tableaux illustrant cette période de l’Histoire. Ces pièces, issues des très importantes collections du musée dont certaines majeures comme la redingote de Napoléon, sont mises en valeur dans la nouvelle redistribution de l’espace et la scénographie.
Des objets qui racontent des histoires
Si l’architecte - Adeline Rispal (agence Repérages) - a conservé, à de rares exceptions près, le rythme des cloisonnements tels qu’ils existaient au XVIIe siècle lorsque les ailes abritaient les chambrées des soldats retraités (et parfois invalides), l’espace est démultiplié par un jeu de miroirs et l’organisation de la visite en plusieurs couloirs de circulation thématiques. Des couloirs que chacun peut croiser à sa guise, pour marier l’histoire des collections et la grande Histoire.
La scénographie bénéficie du design simple et rigoureux du mobilier d’exposition, avec notamment des vitrines à fond de miroirs qui permettent de démultiplient les uniformes pour obtenir un effet de masse et d’en voir toutes les faces. Si l’éclairage en douceur protège les tissus des uniformes, il fait aussi miroiter le métal des boucles, casques et armes, tandis que des grands tableaux, qui jusque là ornaient le bureau du directeur du musée, restituent à la fois une histoire incarnée par ses personnages et l’émotion de certains moments de cette histoire.
Comme par exemple le tableau de Gros où l’on voit le général de Lariboisière faire ses adieux à son fils le 7 septembre 1812 avant la bataille de la Moskowa où celui-ci trouvera la mort quelques heures plus tard. Ou encore ce portrait de l’empereur Napoléon seul dans son cabinet à Fontainebleau, carrément affaissé sur son siège, le regard absent, fixé au loin. On est le 31 mars 1814 et l’abdication et l’exil sont désormais inéluctables.
Une mise en valeur des collections – qui seront d’ailleurs pour partie présentées en rotation – destinée à « faire voir des objets qui n’étaient pas visibles », souligne la conservatrice de ce département, Emilie Robbe, mais aussi à « faire comprendre et aimer des objets qui racontent des histoires », en direction d’un public, français et étranger, moins « commémoratif », davantage mu par un désir de connaissance de l’histoire au sens large, que par une révérence obligée vis-à-vis des reliques de celle-ci. Il ne s’agit pas toutefois de faire des Invalides « le Musée de l’Histoire de France » mais celui de « l’histoire des armées terrestres de ce pays sur huit siècles », indique le général Bresse, avec pour fil rouge, « le lien armée-nation », lequel constitue « le cahier des charges du directeur du musée », rappelle-t-il.
Pour cela il était nécessaire à la fois de dépoussiérer l’image « vieillotte » de l’établissement et de faciliter la circulation dans un site particulièrement complexe. D’où le plan de restauration et de rénovation ATHENA (Armes, Techniques, Histoire, Emblèmes, Nation, Armée) entamé en 1996 et qui doit s’achever en 2010.
C’est dans cet esprit qu’en novembre 2009, l’ensemble des salles du Département Moderne (de 1643 à 1870, de Louis XIV à Napoléon III) entièrement rénovées seront rouvertes au public, sur 3700 mètres carrés répartis sur deux étages de l’aile Orient des Invalides.
Mêler l'Histoire et l'imaginaire
En attendant, cette nouvelle édition de la Nuit des musées, va permettre d’en avoir un avant goût, avec l’ouverture d’une première partie des salles de ce Département Moderne, consacrées à la période de louis XIV à Napoléon 1er, et les animations et spectacles proposées à ces premiers visiteurs nocturnes. Pour Philippe Penguy, metteur en scène, comédien, auteur, à qui a été confiée l’organisation de cette soirée, il s’agit de « mêler l’Histoire et l’imaginaire, de passer de l’intime au grand spectacle ».
Au total, six « animations historiques », renouvelées chacune trois fois, seront proposés au public dans la cour d’Honneur des Invalides, les nouvelles salles, l’auditorium ou encore dans un ancien réfectoire (la salle Turenne).
Les personnages qui auront illustré les différentes époques de cette période (1643-1814) revivront pas le truchement de comédiens : d’Artagnan et ses mousquetaires, le prince de Conti transformeront la cour d’Honneur en vaste salle d’escrime, tandis que les grenadiers de la Garde Impériale y exécuteront des mouvements de troupes. L’époque napoléonienne sera également restituée par le fameux « duel » qui opposa pendant près de 15 ans deux officiers de l’armée de l’empereur.[1]
L’auditorium accueillera Le Salon littéraire de Madame Récamier, avec deux comédiens et deux musiciens, tandis que des personnages, historiques ou fictifs, incarnés par des comédiens, évolueront au milieu des collections dans les nouvelles salles, et que le « vent de la Révolution » soufflera dans la salle Turenne avec des extraits de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et des discours de Robespierre et Danton…
Le ton sera donné dès l’entrée, à la grille d’honneur des Invalides, avec une haie de soldats de l’Ancien Régime et de Grognards de l’Empire, pour accueillir le public.
En espérant que la pluie aura cessé de mouiller les pavés...
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