par Dominique Raizon
Article publié le 23/01/2007 Dernière mise à jour le 23/01/2007 à 18:03 TU
«Le patient va bien», a déclaré le professeur Laurent Lantieri, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice du CHU Henri-Mondor, au lendemain de la troisième greffe partielle du visage dans le monde, réalisée dimanche 21 janvier. «Bravo, et tant mieux», a déclaré son confrère, le Pr Bernard Devauchelle, auteur de la première greffe effectuée en France poursuivant : «Nous ne sommes pas là pour faire des premières, nous sommes là pour traiter des malades».
La première opération de ce type a eu lieu le 27 novembre 2005 en France et, la seconde, en avril 2006 en Chine. Ces deux précédentes opérations étaient consécutives à des accidents : la patiente française, 38 ans, avait été défigurée par son chien et le patient chinois, 30 ans, par un ours. Cette fois-ci, le patient, 27 ans, souffrait de la maladie de Von Recklinghausen (ou «neurofibromatose»), une maladie génétique entraînant des tumeurs cutanées bénignes, gênantes et inesthétiques. L’opération a duré quinze heures.
En mars 2004, le chirurgien Laurent Lantiéri avait sollicité le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), l’invitant à se prononcer sur les problèmes éthiques posés par une «reconstruction d’un visage par allo-transplantation (*) de tissus composites», autrement dit pour la reconstruction d’un visage à partir d’un nez, d’une bouche etc. provenant d’un donneur d’organes visibles. Le CCNE avait rendu «un avis défavorable» à une greffe totale, évoquant tous les risques que cette opération pouvait engendrer sur le plan à la fois médico-chirurgical et psychologique. Le même CCNE avait toutefois laissé une porte ouverte en précisant que ce type d’intervention chirurgicale, qui suscitait de nombreuses interrogations éthiques, relevait du «domaine de la recherche et de l’expérimentation à haut risque et ne [pouvait] donc être pratiqué que dans le cadre d’un protocole précis».
Projet britannique d’une reconstruction totale du visage
Point d’obstacle juridique donc et en damant en quelque sorte le pion au Pr Laurent Lantiéri, le 27 novembre 2005, le Pr Jean-Michel Dubernard, en collaboration avec l’équipe de Bernard Devauchelle du CHU d’Amiens, avait effectué la première greffe du visage sur Isabelle Dinoire, une femme de 38 ans, mutilée par un chien. Vingt-quatre heures d’opération chirurgicale ayant rendu «un bas de visage normal» à la patiente, cette première mondiale eut un retentissement international et a marqué un véritable tournant dans l’histoire de la médecine chirurgicale.
Les deux équipes, celle du Pr Laurent Lantiéri ainsi que celle des Pr Jean-Michel Dubernard et Bernard Devauchelle entendent, maintenant, «confronter leurs résultats et les problèmes techniques [rencontrés]», selon les déclarations des chirurgiens. Selon le Pr Bernard Devauchelle, il y a «des différences d’approche, pas tant sur le plan chirurgical que sur le plan du traitement immuno-supresseur», c’est-à-dire le traitement administré à la personne greffée et qui lui permet de lutter contre le rejet du greffon. Isabelle Dinoire avait effectué, au début de la greffe, deux débuts de rejet de son greffon mais «actuellement, nous sommes dans une période d’équilibre et c’est très bien. Nous sommes arrivés à équilibrer son traitement immuno-supresseur aux doses les plus petites possibles, avec une excellente tolérance du transplant», assure le Pr Devauchelle.
La technique de l’«allo-transplantation» étant estimée au point, le professeur Peter Butler fut le premier à mettre l’idée sur la place publique, en juillet 2002, dans la revue médicale The Lancet. En octobre 2006, il a obtenu le feu vert du comité d’éthique du Royal Free Hospital d’Hamstead (nord de Londres), pour une première mondiale, la reconstruction totale d’un visage.Sur le même sujet