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Environnement

Sous la glace, un vaste réseau de lacs

par Dominique Raizon

Article publié le 19/02/2007 Dernière mise à jour le 19/02/2007 à 19:27 TU

La plus grande masse d’eau douce de la planète se trouve dans les glaciers et sous la calotte glaciaire du pôle sud. Les glaciologues avaient déjà identifié l’existence d’environ cent-quarante-cinq lacs d’eau douce sous l’Antarctique. Une étude satellitaire vient de révéler l’existence de nombreuses connexions entre eux. Cette découverte a été présentée par Helen Fricker, océanographe à l’université de San Diego, lors de la conférence annuelle de l’Association américaine pour la promotion de la science (AAAS), qui se terminait ce lundi, à San Francisco (Etats-Unis, ouest).

L’Antarctique, situé au pôle sud de la Terre, contient 90% de la glace du globe et 70% des  réserves d’eau douce de la planète. Les glaciologues savent depuis longtemps que ce continent (14 millions de km²) comporte de nombreuses étendues d’eau sous l’inlandsis, c’est-à-dire sous le glacier continental, plus connu sous le nom de calotte glaciaire. Sous cette nappe de glace, qui recouvre la majeure partie des terres et qui s’étend localement sur la mer en barrière de glace flottante, environ cent-quarante-cinq lacs ont déjà été repérés.

Lors de la conférence annuelle de l’Association américaine pour la promotion de la science (AAAS) qui s’est tenue du 15 au 19 février 2007, Helen Fricker, océanographe à l’université de San Diego et ses collègues de la Nasa ont signalé un vaste «réseau de lacs et de canalisations géantes [existant] sous les deux grands courants de glace qui partent du tablier de Ross pour se jeter dans l’océan au sud», à environ 750 mètres de profondeur. C’est ce réseau qui retient l’attention des scientifiques. Le Figaro cite Helen Frocker selon laquelle : «Nous pensions que les mouvements intervenaient sur plusieurs années, voire plusieurs décennies ; or, c’est en semaines ou en mois que ces mouvements s’établissent».

Quel est l’impact de cette découverte ? Jean-Robert Petit, chercheur au Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement à Grenoble (France, sud-est) confirme la surprise des scientifiques quant à la vitesse avec laquelle l’eau douce passe d’un lac réservoir à l’autre. Il précise que ce sont des études topographiques et des relevés altimétriques sur les sédiments des cavités des lacs qui ont permis de mettre en évidence la rapidité de circulation des eaux. Le chercheur explique également que si le glacier repose sur ces nappes d’eau douce mouvantes, la stabilité de l’Antarctique pourrait s’en trouver gravement affectée, surtout l’Antarctique ouest.

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Pourquoi ? Parce que dans l’Antarctique ouest, en effet, le niveau du glacier est situé en-dessous du niveau de la mer. Un glissement rapide des eaux douces sur lesquelles repose le glacier, conjugué au réchauffement climatique qui entraîne lui-même une fonte des glaces, pourrait provoquer une décharge massive et accélérée de blocs de glace vers la mer, ce qui augmenterait alors de manière significative le niveau de celle-ci.

Cette réserve d’eau douce serait-elle susceptible, à l’avenir, de résoudre les problèmes d’alimentation en eau de la planète ? «On ne sait pas encore comment aller puiser cette eau et l’acheminer vers les continents. On ne dispose pas de la technologie qui, en termes financiers serait faramineuse», souligne Jean-Robert Petit. Quant à savoir si ces eaux profondes gardent jalousement la mémoire des origines de la vie, le chercheur signale que, pour l’heure, les résultats des travaux ne permettent pas d’affirmer que des découvertes capitales ont été faites. En revanche, les techniques utilisées pour la prospection font progresser une technologie susceptible de servir, par la suite, pour effectuer des recherches analogues sur d’autres planètes, raison pour laquelle, souligne Jean-Robert Petit, la Nasa s’implique dans ces études menées sur la vie des pôles.

En 1993, par exemple, c’est une observation par satellite qui avait permis de détecter l’existence du plus grand lac subglaciaire identifié jusqu’à présent, soit une cavité grande comme la Corse (France, sud) ou comme le lac Ontario (Canada), et ce au beau milieu du continent. Baptisé lac Vostok, ce dernier est enfoui à plus de 3 700 mètres sous l’inlandsis : isolé de la surface de la glace à la dernière glaciation, il y a environ 35 millions d’années, celui-ci n’a plus vu la couleur du ciel depuis.