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Découverte

Faut-il exhumer Qinshi Huangdi, 1er empereur de Chine ?

par Dominique Raizon

Article publié le 26/02/2007 Dernière mise à jour le 26/02/2007 à 20:13 TU

Chantier archéologique phare de toute la Chine, Xi'an (nord-ouest) n’a pas fini de révéler ses secrets. Les économistes font pression : la mise à jour du tombeau de l’empereur Qinshi Huangdi (259-210 avant Jésus-Christ), premier empereur à avoir unifié la Chine, serait, selon eux, une manne touristique extraordinaire pour la ville, et pour le pays. Les scientifiques, cependant, s’opposent à la poursuite des fouilles sur ce site archéologique classé «huitième merveille du monde» par l’Unesco. Pour ces derniers, les techniques d’exploitation et de conservation ne sont pas au point.

L’armée Terracotta de plus de 7 000 soldats en terre cuite. Les guerriers Terracotta furent découverts successivement en 1974, 1976 et 1994 près de Xi'an, dans la province chinoise du Shaanxi. 

		(Photo : AFP)
L’armée Terracotta de plus de 7 000 soldats en terre cuite. Les guerriers Terracotta furent découverts successivement en 1974, 1976 et 1994 près de Xian, dans la province chinoise du Shaanxi.
(Photo : AFP)

En 1974, une découverte accidentelle a réveillé 2000 ans d’histoire dont la République populaire de Chine des années Mao Zedong avait pourtant voulu faire table rase, au moment de la Révolution culturelle. Un passé, cependant, que la Chine actuelle se réapproprie avec intérêt, comprenant bien que son patrimoine culturel constitue aussi une manne touristique appréciable. Il y a une trentaine d’années donc, des paysans, puis les archéologues, découvrent, à 40 kilomètres du centre-ville de Xi'an, toute une armée de terre cuite, comprenant huit milliers de sculptures polychromes grandeur nature, des soldats en armure, des chevaux et des chars. Il s'agit de la fameuse armée de l'empereur Qinshi Huangdi, le premier empereur à avoir unifié le pays, trois siècles avant Jésus-Christ.

Cette découverte aiguise aussitôt la curiosité de tous les historiens et attire les visiteurs du monde entier. Ces vestiges enfouis dans la terre humide, dans des sortes de grandes fosses maçonnées, ne sont qu’une partie d’un trésor beaucoup plus important, dont l’existence était, de facto, attestée dans Mémoires historiques du premier empereur, un manuscrit légué à la postérité par l’historien Sima Quian (145-86 avant Jésus-Christ ). Un texte qui promet d'autres découvertes fabuleuses à faire.

Directrice de mission archéologique sino-française au Xinjiang (à l’ouest de Xi'an), Corinne Debaine renvoie à ce manuscrit où, par le menu, l’historien décrit non seulement l’existence de cette armée -dont seule une partie a été exhumée- mais encore celle d’une copie du «palais de l’empereur au plafond incrusté de bijoux figurant les étoiles, la lune et le soleil, tandis qu’au sol, du mercure représente la terre». Au-delà du palais, «c’est tout un environnement qui est reproduit de la même manière, en terre et sous la ville, traversé par des rivières, bref, un véritable microcosme», précise Corinne Debaine. Faut-il alors continuer de prospecter pour retrouver ces trésors et ouvrir le mausolée de l'empereur Qinshi Huangdi ?

Savoir sauvegarder les découvertes

La question, depuis, fait débat. Elle oppose les scientifiques et les promoteurs du tourisme. «Les enseignements culturels qu’apporteront les fouilles de la tombe de Qinshi Huangdi dépasseront ceux des pyramides d’Egypte», a proclamé la semaine dernière l’économiste Zhang Wuchang de l’université de Hong Kong qui estime que «l’ouverture de la tombe, une parmi les quelque deux mille deux cents que compte la région, pourrait doubler la manne touristique pour l’ancienne capitale impériale de la Chine, située dans la province pauvre du Shaanxi». 

Certes, la fascination et le désir d’apprécier, à l’avenir, l’autre partie du trésor, qui est encore préservé de la lumière, fait l’unanimité. Mais, s’insurge Duan Qingbo, chef des fouilles au mausolée de Qinshi Huangdi, «beaucoup de responsables ne pensent qu’aux bénéfices. Ils font fi de la science. Or les archéologues chinois ont abîmé de nombreux objets parce que les fouilles n’étaient pas menées correctement. Même la peinture des guerriers de terre cuite a disparu lorsqu’ils ont été exposés à l’air. Si nous devons creuser, il faut d’abord nous assurer que nous saurons sauvegarder les découvertes».  Selon lui, les techniques chinoises de fouilles  archéologiques ne sont pas encore au point.

«Ce chantier suscite, en fait, autant d’attirance que de crainte», souligne pour sa part la chercheuse française au CNRS Corinne Debaine. «Nul ne sait si le mausolée n’a pas été détruit pas l’incendie qui a déjà provoqué l’effondrement des plafonds en bois, au IIIe siècle avant Jésus-Christ, peu de temps après la mort de l’empereur.  [Et par ailleurs], souligne-t-elle, si les fouilles ne donnaient rien, ou si les tombes ont déjà été pillées par exemple, ce serait aussi tout un rêve qui s’évaporerait».

«Le site de Xi'an est le symbole de la Chine à lui seul»

Wu Xiaocong, responsable d’un autre site archéologique, de la dynastie Han, assure que «les techniques évoluent et la situation pourrait changer». Les efforts d’amélioration des investigations sont à la mesure des parts de rêve et de promesses car, «si l’on en croit les traces écrites, un des empereurs reposant dans la région, Gaozong, aurait été enterré avec tous ses biens les plus précieux : peintures, soies, laques, céramiques, objets en or et en argent, et lui-même reposerait dans un cercueil en jade censé le préserver de la décomposition», déclare Wu Xiaocong.

Quoiqu’il en soit, l’armée déjà exhumée constitue à elle seule une richesse incroyable pour l’étude de la tradition militaire, de la politique, de l’économie, de la culture, des sciences et des arts de la dynastie des Qin : chaque pièce est un chef-d’œuvre de réalisme, et l’ensemble est d’un intérêt historique majeur pour qui s’intéresse à l’organisation de la Chine ancienne. Ce qui explique, selon Corinne Debaine, que «le site de Xi'an est, à lui seul, le symbole de la Chine et que, vers ce site convergent tous les nationalismes et les problèmes d’identité».