par Sébastien Farcis
Article publié le 12/10/2007 Dernière mise à jour le 12/10/2007 à 14:23 TU
Des centaines d'habitants viennent toujours chercher des déchets à recycler.
(Photo : Alastair McIndoe)
« Nous travaillons sur cette ancienne montagne d’ordures depuis plusieurs mois. Nous avons déjà creusé 17 puits. Il nous en reste 13 à faire, et nous pourrons commencer à extraire le gaz. » : Cesar Villegas s’occupe des opérations techniques pour ce projet écologique, qui a pour objectif de récupérer le méthane, un gaz qui naît de la décomposition des déchets organiques, avant qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère.
La société d’ingénierie environnementale italienne, Pangea Green Energy, responsable du projet, a commencé à introduire des tuyaux de plus 14 mètres de long dans ces puits pour aller chercher le gaz. Un quart de cette décharge, partie arrivée à saturation, sera transformé en sanctuaire écologique au milieu d’un dépôt d’ordures pestilentiel, qui accueille les déchets de 2,5 millions de personnes.
L’objectif est d’abord sanitaire : le méthane est un gaz asphyxiant et il engendre d’importants troubles respiratoires pour les quelque 1 700 familles qui vivent aux alentours immédiats de cette décharge de Payatas, dans le nord de Manille.
« Crédits carbone », monnaie d’échange écologique
Ce gaz sera donc récupéré sous terre et transporté dans une centrale en construction, au beau milieu de la décharge : à partir de décembre, ce gaz polluant sera transformé en énergie, et la déchetterie pourra produire elle-même son électricité. Une partie de cette énergie pourrait même être revendue à la compagnie nationale, ce qui engendrerait des revenus supplémentaires pour la commune de Quezon, sur laquelle est installée la décharge.
Le cœur de ce projet est surtout environnemental : le méthane est un gaz à effet de serre vingt et une fois plus polluant que le dioxyde de carbone. En luttant contre ce réchauffement climatique, ce système trouve sa rentabilité, grâce à un nouvel apport financier : les « crédits de carbone ». Cette monnaie d’échange écologique a été créée, par le protocole de Kyoto, sur l’environnement signé en 1997.
Depuis son entrée en vigueur, il y a deux ans, un vrai marché international de l’écologie est né : les pays signataires comme la France, l’Espagne ou le Japon doivent réduire leurs émissions de gaz a effets de serre dans leur atmosphère. Et s’ils n’arrivent pas à leurs objectifs, ils ont la possibilité d’acheter des « crédits de carbone » dans les pays en voie de développement, à des communautés ou des particuliers qui mettent en place des systèmes de réductions de gaz à effets de serre.
C’est ainsi que ce projet de la décharge de Payatas pourrait recueillir plus d’un million d’euros par an en crédits de carbone, à partir de 2008. Environ 190 000 euros devraient revenir à la mairie de Quezon, laquelle affirme qu’elle utilisera cet argent pour l’aménagement de la décharge et des alentours.
Première expérience de reconversion de déchets publics
Cette décharge de Payatas, la plus grande de la mégalopole de Manille, est tristement célèbre pour avoir causé la mort de plus de 200 personnes en 2000, après un important glissement de terrain et de déchets. Aujourd’hui, elle est sur le point de devenir la première expérience, aux Philippines, de reconversion de déchets publics en énergie. Et, également, l’un des plus importants projets de réduction de gaz à effets de serre.
« La seule raison pour laquelle il y a des investisseurs sur ce genre de projets, c’est parce que nous pouvons gagner de l’argent sur les crédits de carbone, explique Jennifer Fernan, directrice de Pangea Philippines. Car vous ne pouvez pas amortir les coûts uniquement par la revente d’énergie. Avant le protocole de Kyoto, ces projets ne pouvaient donc pas exister. »
Les Philippines comptent 14 projets de ce style, appelés Clean Developpement Mechanism (CDM) selon le protocole de Kyoto, et validés par la direction de la convention sur le changement climatique de l’ONU. L’Archipel est ainsi classé 8e mondial par le nombre de ces projets.
Mais ceux-ci sont en général de petite ampleur, et quand on compare les quantités de gaz économisées, le pays se retrouve 24e, loin derrière la Chine, qui vend 45% des crédits mondiaux de carbone. Aux Philippines, ce sont en général des systèmes de récupération de méthane dans des fermes individuelles, ou au mieux des installations d’éoliennes. Cependant, dans l’année à venir, le nombre de projets devrait doubler, et la vente des crédits de carbone devrait, quant à elle, tripler en 2008.