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Génétique

Poils et cheveux, gardiens des secrets de la vie

par Dominique Raizon

Article publié le 29/10/2007 Dernière mise à jour le 29/10/2007 à 19:05 TU

Représentation du mammouth au XIXe siècle.(Illustration : National Parks Service/ Domaine public)

Représentation du mammouth au XIXe siècle.
(Illustration : National Parks Service/ Domaine public)

Les secrets de la vie, selon une étude parue dans la revue américaine Science, sont le mieux préservés dans les cheveux ou les poils. Ces conclusions sont celles de travaux de généticiens ayant séquencé l'ADN prélevé sur des poils de treize mammouths laineux de Sibérie, vieux de 12 000 à 50 000 ans. Les cheveux ou les poils, selon les chercheurs, sont ainsi une bien meilleure source d'ADN ancien que les os pour y récupérer la mitochondrie, c’est-à-dire la centrale d'énergie des cellules utilisée pour des études comparées de l'ADN, qu’il s’agisse des mammifères ou des humains.

Recourant à une méthode de séquençage par synthèse, des généticiens ont séquencé l'acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial, un ADN uniquement transmis par la mère. L’étude a porté sur treize mammouths, dont le célèbre Adams, découvert en 1799 -conservé,  depuis, à une température ambiante dans un musée en Russie.

Jusqu'à présent, expliquent les chercheurs, il fallait percer de vieux ossements pour pouvoir comparer, par exemple, les caractéristiques génétiques des éléphants et des mammouths ou bien encore pour tenter de comprendre comment ces derniers ont survécu à la période glaciaire avant leur extinction. Mais, ces échantillons d'ADN sont cependant rares et souvent contaminés par des bactéries.

L'ADN provenant de poils, en revanche, présente deux gros avantages : d’une part, il est « très propre parce qu'il a été préservé dans la kératine », sorte de membrane rappelant le plastique, qui constitue 95% du poil et qui se trouve aussi dans la corne des animaux et les ongles ; d’autre part, « les poils ou les cheveux peuvent être lavés sans que leurs matériaux génétiques soient altérés », expliquent les auteurs de cette recherche.

« Cette découverte est une bonne nouvelle pour tous ceux qui veulent savoir comment des espèces de grands mammifères se sont éteintes », souligne Stephan Schuster, de l'université de Pennsylvanie (Etats-Unis, Est), un des co-auteurs de cette recherche. La technique, qui vient d’être utilisée, devrait permettre de décoder le génome de plusieurs autres espèces éteintes et conservées dans des musées. Décodage susceptible d'enrichir de nouvelles données génétiques, les collections de Charles Darwin et des naturalistes du 18ème siècle, l’Allemand Alexander von Humboldt et le Suédois Carl von Linné.

« La méthode doit encore être affinée »  

Par le passé, sept génomes seulement d'animaux appartenant à des espèces éteintes ont été séquencés : quatre provenant d'oiseaux anciens, deux de mammouths, et un de mastodonte. Désormais, « les données génétiques, recueillies par cette méthode [de séquençage de l’ADN mitochondrial ], ouvrent la voie au séquençage du génome de mammouth complet », s’enthousiasme Stephan Schuster.

Certes, « si on pense à tous les animaux à fourrure empaillées dans les musées d'histoire naturelle du monde dont l'espèce est éteinte, il y a beaucoup de travail sur la planche », note Thomas Gilbert de l'université de Copenhague au Danemark, un des co-auteurs des travaux. Mais ces travaux ont potentiellement d'autres applications, souligne pour sa part Eske Willerslev, professeur à l'université de Copenhague et expert des traces d'ADN dans les sédiments et les organismes.

Il n’en demeure pas moins que « la méthode doit encore être affinée pour être pleinement utilisable par exemple par un médecin légiste (...) ce qui n'est qu'une question de temps », estime Eske Willerslev. Cette méthode pourrait ainsi être combinée avec des machines modernes à séquencer l'ADN, rapides et performantes, qui permettraient ainsi, selon cet expert, d'obtenir des résultats en 24 heures ou moins -contre plusieurs jours aujourd'hui, voire plus.