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Développement durable

Du jetable au durable, le sac caisse en question

par Dominique Raizon

Article publié le 15/05/2008 Dernière mise à jour le 11/09/2008 à 13:57 TU

En 2004, près de 17 milliards de sacs de caisse ont été distribués en France par les commerçants et les distributeurs. De nombreux commerçants et grandes surfaces ayant, depuis, arrêté de les fournir ou décidé de les vendre, deux milliards de moins ont été fournis. Pollution, gaspillage d’énergie et de matières premières : c’est ce que représentent ces milliards de sacs de caisse en plastique non renouvelables. Pourquoi et comment ont-ils un impact négatif sur l’environnement ? Peut-on développer une alternative écologiquement viable ?

La décharge, jonchée d'emballages plastiques (Cambodge).(Photo : Pauline Garaude)

La décharge, jonchée d'emballages plastiques (Cambodge).
(Photo : Pauline Garaude)

Les emballages plastiques envahissent la planète et finissent dans les décharges aux quatre coins de la planète. Pour la seule fabrication des sacs jetables, plus de 12 millions de barils de pétrole sont actuellement utilisés dans le monde. On s’en sert en toute occasion, pour faire ses courses ou pour isoler un objet d’un autre, dans un autre sac : le sac plastique est devenu tout à la fois le symbole de nos habitudes de consommation et le cauchemar des écologistes.

Ainsi, au beau milieu du Pacifique, entre Hawaï et la Californie, l’association écologique Greenpeace a découvert, lors d’une expédition en mer, une île de déchets couvrant une surface de plus de 600 000 km² et contenant plusieurs millions de tonnes de déchets (*) : « Si les images de cette vaste soupe de plastique sont choquantes, ce n’est pas cette pollution visuelle qui pose problème, mais l’impact sur la faune marine qui est dramatique. Outre le fait que les poissons et les tortues peuvent mourir étouffés en avalant des sacs,  (…) ces déchets flottants, avec l’effet du sel, des ultraviolets et des mouvements de l’eau, ont une tendance naturelle à se fragmenter en des millions de morceaux parfois de taille microscopique », précise Greenpeace, dénonçant deux types de pollution, une pollution visuelle et une pollution ‘masquée ’.

Des chercheurs britanniques de l'université de Plymouth ont découvert que des morceaux de plastiques, invisibles à l'œil, peuvent être décelés dans les sédiments des plages, les bas-fonds des zones côtières et le sable : le sac plastique termine sa vie en sac poubelle et, une fois hors d’usage, il mettra de facto plusieurs centaines de siècles à se photo-dégrader en fragments de plus en plus petits. Réduits à des tailles microscopiques, ces déchets passeront alors dans la chaîne alimentaire, avec des impacts sanitaires encore mal évalués par les scientifiques. Pour autant, souligne Françoise Silvestre, qui enseigne au Laboratoire de chimie agro-industrielle (INP-Ensiacet), on ne peut pas parler de toxicité de ces plastiques.

Françoise Silvestre

Chercheuse à l'Unité mixte de recherche INRA-INP-Ensiacet de Toulouse (France, sud)

« Le polyéthylène est un polymère inerte, qui ne dégage aucun produit toxique, même lorsqu'il est brûlé. Mais il ne se dégrade pas... »

écouter 01 min 13 sec

16/05/2008 par Dominique Raizon

En Grande-Bretagne, le gouvernement a menacé de taxer les sacs plastiques non biodégradables en 2009. Cette législation, qui entrerait en vigueur en 2009, serait censée réduire de 90% les sacs plastiques mis en circulation chaque année, selon le ministre britannique de l’Environnement.

Une alternative écologiquement viable …

La chimie verte s’est donc intéressée de près à la fabrication de sacs écologiques en polymère naturel ou en plastique oxo-dégradable (issus de la pétrochimie), additivés par des agents oxydants afin d'augmenter leur résistance. Ce sont les seuls polymères capables de se dégrader dans la plupart des conditions environnementales et notamment dans le cadre d’abandon sauvage. Il s’agit de sacs réalisés à partir d’un polymère répondant aux critères d’une norme européenne et internationale. La norme baptisée Iso 13 432, qualifie la dégradation dans le temps du polymère qui constitue ce sac plastique, une dégradation qui s’effectue en trois étapes : fragmentation, assimilation et transformation en biomasse.

© LCA

© LCA

« Le polymère se décompose en petits morceaux de tailles différentes. Il se fragmente, explique Françoise Silvestre, soit sous l’effet d’un processus chimique, comme par exemple l’hydrolyse, soit de manière biologique avec l’intervention de micro-organismes. Puis, une fois le polymère fragmenté en toutes petites pièces, les particules vont se trouver bio-assimilées par les micro-organismes dans lesquels elles auront pénétré. C’est lors de la troisième phase que se développe la biomasse(*) : les particules, en poursuivant le processus de désagrégation, produisent un dégagement de dioxyde de carbone et de l’eau ; ainsi nourris, les micro-organismes se développent en une nouvelle matière organique ».

Bio-dégradables, les sacs plastiques deviennent alors écologiquement viables dans la perspective d’un développement durable : « Si on raisonne en terme de pollution visuelle, celle-ci n’existera plus car au bout de quelques mois les plastiques seront détruits et absorbés par les micro-organismes et on les retrouvera sous forme de biomasse. », souligne Françoise Silvestre.

Les polymères naturels issus de ressources renouvelables bio-dégradables tels que l’amidon de maïs, par exemple, peuvent être quant à eux, valorisés par un recyclage matière. Ces sacs sont composés à partir de papiers-cartons, biodégradables, ou à base de bio-polymères, composés d’acide poly-lactique (PLA), amidon, farine de céréales etc. Françoise Silvestre, présidente du Comité français pour la biodégradabilité, fait le point sur les différents polymères bio-dégradables.

Françoise Silvestre

« On associe l'amidon avec des polymères bio-dégradables pour assurer la fragmentation et l'assimilation. »

écouter 03 min 10 sec

20/05/2008 par Dominique Raizon

 

© LCA Ensiacet

© LCA Ensiacet


… mais une alternative onéreuse

Fabriqués en petite quantité, comparativement aux polymères issus de la pétrochimie, ces sacs en plastique très innovants ne représentent pourtant qu’une part du marché extrêmement faible en France et en Europe : leur consommation est évaluée entre 0,15 et 0,20% des sacs plastiques utilisés. Ceci s’explique en partie par leur coût de conception, de fabrication et de développement. En effet, bien qu’en baisse, leur prix de revient serait « de l’ordre de 1,5 à 4 fois plus élevé comparativement aux équivalents d’origine fossile », selon Marie-Elisabeth Borredon, qui dirige le Laboratoire de chimie agroindustrielle à l'INP-Ensiacet.

Plus chers à la fabrication, ces sacs sont par ailleurs « moins résistants à la charge que les sacs en polymère non bio-dégradables issus de la pétrochimie et leurs propriétés mécaniques sont moindres au bout de quelques utilisations, ce qui représente un double handicap pour un usage comme sac de caisse », souligne Marie-Elisabeth Borredon.

Les avantages liés à leur caractère dégradable ne suffisent donc pas, au final, à compenser les inconvénients liés à leur qualité mécanique insuffisante. « Il est certain que l’on ne sait pas encore mimer tous les polymères issus du pétrole pour qu’ils soient dotés des mêmes propriétés ; la recherche a encore beaucoup de chemin à faire », assure le chercheur, ajoutant qu’il ne faut pas diaboliser la pétrochimie.

Marie-Elisabeth Borredon

Directrice du Laboratoire de chimie agro-industrielle à Toulouse (France,sud)

« On connait des plantes qui sont mortelles et des produits issus du pétrole qui ne sont nocifs ni pour la santé ni pour l'environnement. »

écouter 00 min 59 sec

16/05/2008 par Dominique Raizon

(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

(Photo : Dominique Raizon/ RFI)

Peu résistants, ces sacs bio-dégradables sont également peu recyclés. Ils pourraient représenter un avantage certain en terme de récupération de l’énergie dégagée s'ils étaient brûlés en incinérateur en fin d'utilisation... Mais, pour optimiser cet avantage, encore faudrait-il créer des filières spécifiques d’incinération, nécessitant des investissements économiques lourds et impliquant, en amont, une forte volonté de mobilisation politique en faveur du développement durable.

Marie-Elisabeth Borredon

Professeur et chercheuse au LCA

« Il est nécessaire de s'interroger sur la rentabilité du coût de recyclage comparativement au coût de fabrication du produit. »

Pour prétendre au label bio-dégradable, les sacs plastiques doivent répondre à des normes : un label OK compost est attribué aux plastiques dégradables en milieu de compostage, un label OK compost home pour les plastiques destinés aux particuliers fabriquant leur propre compost et un label OK bio-dégradable pour les sacs dégradables dans tous les sols.

Françoise Silvestre

« Le plastique doit être dégradé à 90 % en six mois et les 10 % restant ne doivent occasionner aucune toxicité. »

écouter 03 min 41 sec

20/05/2008 par Dominique Raizon

Pour en savoir plus :

(*) La formation de cette île de déchets est due à un phénomène appelé «Vortex» : portés sur plusieurs milliers de kilomètres par des courants qui forment un tourbillon, les déchets flottants sont tous déportés vers une même zone où, l’absence de vent favorise leur accumulation.

- Voir le document pédagogique élaboré par Françoise Silvestre. Animation power point « Les plastiques du 3ème millénaire »

- Site du Laboratoire de chimie agro-industrielle (LCA

- Site de l’INP-Toulouse

- Site du Comité français pour la biodégradabilité ( Cobio)

- Lire le bulletin de veille technologique : Le recyclage des déchets, la nouvelle stratégie britannique.

 

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