par Dominique Raizon
Article publié le 13/12/2008 Dernière mise à jour le 18/12/2008 à 16:47 TU
Ils sont en fourrure synthétique très douce et ignifuge, ils sentent bons, ils sont souples, ils roulent tout en couleurs chatoyantes etc. : de quoi sont composés exactement tous ces jouets qui, d’ici quelques jours, vont se trouver au pied des sapins ? on ne le sait pas toujours … mais parfois on le sait et on les laisse en libre circulation sur le marché alors que leurs composants sont scientifiquement identifiés comme toxiques.
Pourtant, résume Anne-Corinne Zimmer : « il suffit de petites doses, pour qu’elles puissent créer de grands effets », ajoutant que : « L’enfant est une cible d’autant plus vulnérable que son organisme est immature et en plein développement. Alors même que son corps ne pèse qu’entre 3 à 15 kg, il est soumis aux mêmes charges de polluants qu’un adulte et ses cellules en pleine croissance sont altérées et endommagées par toutes ces molécules nocives ».
« Ces molécules qui jouent en quelque sorte le rôle d'hormones de synthèse perturbent, entre autres, l'appareil reproducteur. »
Attention, stop ! Dans le collimateur des experts sanitaires, les molécules poison s’appellent par exemple phtalates, retardateurs de flammes bromés et bisphénol A. Omniprésentes dans notre quotidien, ces substances se dissimulent dans les plastiques souples, les fixateurs de parfums, cosmétiques, meubles, emballages alimentaires, PVC, tee-shirts... et jouets ! Elles nous entourent.
Daniel Zalko, chargé de recherche à l’INRA au laboratoire des xénobiotiques, confirme que des molécules pouvant jouer le rôle de perturbateurs endocriniens peuvent entrer dans la composition de jouets. Il insiste sur le fait que certains polluants, ingérés, respirés etc peuvent agir comme des substances hormono-mimétiques. L'exposition à ces substances -bio-accumulatives ou non- peut commencer avant même la naissance. La transmission se fait in-utero par la mère qui, elle-même, peut être exposée à divers composés chimiques), et elle peut persister pendant l'enfance. Le danger est fondamentalement lié à une exposition précoce et récurrente : « L’effet cumulatif, à considérer dans un environnement global, augmente les risques de perturbations physiologiques chez le fœtus, l’enfant et l’adolescent ». Chargé de recherche à l'INRA (Laboratoire de xénobiotiques) « Les doses d’exposition aux perturbateurs endocriniens sont parfois souvent relativement faibles et une grande controverse a lieu au sein de la communauté scientifique en ce qui concerne l’impact de ces basses doses. »Daniel Zalko
« Le DEHP est le principal phtalate auquel l'homme est exposé par voie alimentaire. C'est un perturbateur endocrinien. Quant à savoir s’il peut agir sur les enfants via l’utilisation de leurs jouets, c’est une question qui reste ouverte.»
Quelque 90% des jouets présents sur le marché européen sont importés. Contrôlés de manière aléatoire, ils ne sont pas accompagnés d’une étiquette garantissant leur qualité et qui permettrait aux parents de faire des choix éclairés. « D’ici quelques semaines, grâce à de nouvelles directives européennes concernant la sécurité des jouets, on peut espérer qu’il y aura une meilleure traçabilité sur ces xénobiotiques, c’est-à-dire ces substances étrangères à l’organisme qui entre dans leur fabrication », déclare Anne-Corinne Zimmer, qui souligne que « le logo CE - qui signifie Communauté européenne- n’est rien d’autre qu’un estampillage commercial autorisant ces produits à circuler sur le marché européen ».
L’actuelle directive européenne sur la sécurité des jouets a 20 ans. Le 25 janvier 2008, la DG Entreprise de la Commission européenne a présenté une proposition de révision de cette directive Jouets intitulée “Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil sur la sécurité des jouets ”. Le 6 juin 2008, la député Marianne Thyssen, membre du Comité IMCO a présenté un rapport modifiant la proposition de la Commission.
« Il est véritablement question que le marquage des jouets puisse bientôt rendre compte de la conformité aux dispositions européennes prises sur la sécurité. »
« Tandis qu’une stratégie de la commission européenne s’achemine vers une interdiction d’utilisation du mercure et que les Nations unies mettent en place des programmes d’élimination du mercure pour protéger l’environnement, est-il bien raisonnable que le plomb et le mercure rentrent encore dans la composition des jouets de nos enfants ? », fait remarquer Anne-Corinne Zimmer.
L’enquêtrice souligne que : « La présence de métaux lourds neuro-toxiques reste encore autorisée, à ce jour, dans la composition des jouets qui circulent sur les marchés européens, avec une limite de taux à ne pas dépasser, alors tous les travaux menés en recherche biomédicale s’accordent à reconnaître que ce sont dans les débuts de la contamination par ces polluants toxiques qu’ont lieu les dommages les plus dévastateurs pour l’organisme humain ».
« Beaucoup de fabricants et de grandes marques ont déjà sensiblement réduit le nombre de composés toxiques potentiellement dangereux pour l'enfant qui pourraient être présents dans les jouets. »
Le problème lié aux polluants organiques persistants ne concerne pas que la France mais, selon l’enquêtrice, l’Hexagone serait en retard dans ce domaine de la vigilance à l’égard des polluants chimiques, comparativement à d’autres pays.
« Dans les années 1990, l'OMS pointait l'urgence à protéger les enfants des polluants chimiques dès leur vie intra-utérine et prônait des programmes de protection environnementale pour l'enfant. »
Une étude publiée par The Lancet, en novembre 2006, montre qu’un enfant sur six pourrait souffrir de troubles neurologiques suite à l’exposition de leur mère à des produits chimiques industriels neurotoxiques non réglementés et des substances dangereuses pendant la grossesse. Parmi les 200 substances identifiées, beaucoup sont persistantes.
Pour en savoir plus :
- Lire Polluants chimiques, enfants en danger, Anne-Corinne Zimmer (éditions de l’Atelier), préfacé par Philippe Grandjean, professeur à l’École de Santé Publique de Harvard.
- Visionner un extrait du documentaire Mâles en péril sur le site d’Arte , intitulé On trouve désormais systématiquement des phtalates dans le sang humain
- Consulter l’article en ligne des chercheurs de l’INRA sur les perturbateurs endocrinniens
- position de Greenpeace
- L’INRS
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