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Biosphère

La Pendjari, une réserve presque comme les autres

par Agnès Rougier

Article publié le 11/02/2009 Dernière mise à jour le 21/05/2009 à 10:13 TU

« Il y a 10 ans, la situation n’était pas celle d’aujourd’hui, vous aviez des difficultés à voir des cobs de buffon [une espèce d’antilope], qu’on voit maintenant comme des troupeaux de chèvres, et quand on voyait des buffles, c’était la poussière seulement ! » : Djafarou Ali Tiomoko, directeur du Parc de la Pendjari depuis 1999, est fier du résultat. Son travail en commun avec les villageois du parc a porté ses fruits : des animaux partout, des revenus en hausse, et un engagement de chacun pour que cela continue.
Cobs dans la brousse.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Cobs dans la brousse.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


Au milieu des savanes arbustives, la rivière serpente, bordée par une galerie verte de magnifiques palmiers rôniers. La diversité du paysage, ce sont aussi de grandes plaines inondables ou des forêts fermées de type équatorial, telle la forêt de Bandjagou.

Réserve de la Pendjari :

Situation géographique

 

La réserve de la Pendjari, occupe une superficie de 500.000 Ha, au nord des falaises de l’Atakora, dans la boucle formée par la rivière Pendjari. La réserve est à cheval entre 3 capitales : Cotonou est à 600 km, Niamey, à 500 km et Ouagadougou, à 400 km,

La Pendjari fait partie de l’ensemble du Parc transfrontalier W, à cheval sur le Niger, le Bénin et la Burkina Faso.

Elephant dans la Pendjari.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Elephant dans la Pendjari.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Dans ces vastes écosystèmes, on peut facilement tomber nez à nez avec l’un des quatre grands de la faune africaine, éléphant, buffle, panthère ou lion -même si c’est le guépard qui a été choisi comme emblème de la Pendjari !- sans compter les dizaines d’espèces d’antilopes (cobs de fassa, hippo-tragues, bubales, guibs harnachés…), les hippopotames et plus de 400 oiseaux -car la Pendjari est aussi une halte pour les iseaux migrateurs venant d’Europe.

Djafarou A Tiomoko

Directeur de la réserve de La Pendjari

Visite guidée avec Agnès Rougier

24/02/2009 par Agnès Rougier

Histoire et mouches

Histoire des lieux :

     

    -  1954 : création de la réserve partielle de faune pour grande chasse
    -  1959 : un noyau central est transformé en réserve totale, et la périphérie en zone cynégétique
    -  1961 : le gouvernement béninois lance un grand projet de développement économique et social ; la construction de centres de santé, des forages aquifères, qui nécessitent le regroupement des populations en une vingtaine de villages à la périphérie, villages qui perdurent jusqu’aujourd’hui

    - 1986 : la Pendjari demande à l’UNESCO le label de réserve de biosphère, et l’obtient
    - 2007, le parc de la Pendjari est classé site RAMSAR, zone humide internationale protégée, en raison de son chapelet de mares accueillant les oiseaux migrateurs.

Rôniers au bord de la rivière Pendjari.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Rôniers au bord de la rivière Pendjari.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Les bords de la rivière Pendjari étaient infestés de mouches tsé-tsé, les mouches qui transmettent la maladie du sommeil. Les populations vivaient cette maladie comme une véritable malédiction, et au moment du classement, tout le monde avait donc déjà déserté les lieux. Il faudra attendre les années 1980 pour que les mouches tsé-tsé soient enfin éliminées durablement par des insecticides américains. 

En l’absence d’expulsion des populations, on pourrait penser que la création de la réserve de biosphère s’est faite en toute sérénité. Pourtant, ce n’est pas le cas : la législation post-coloniale interdisait l’accès et l’exploitation des ressources aux populations, et la répression prévalait.

Kiansi Yantibossi

« On trouve beaucoup d'anciens sites d'habitation. Ils ont été abandonnés il y a vraiment longtemps et pour les identifier, il suffit d'observer la végétation. »

24/02/2009 par Agnès Rougier


Mais à partir de 2002, les perspectives changent diamétralement : le projet du Mab-Unesco /Pnue-Fem écrit et soutient localement, en accord avec  le gouvernement béninois, le « Renforcement des capacités scientifiques et techniques pour une gestion efficiente et une utilisation durable de la diversité biologique dans les réserves de biosphère… » et axe, ainsi, son action sur la formation l’autonomie des populations.


Des objectifs … des problèmes à résoudre

La création des Association Villageoise de Gestion des Ressources et de la Faune (Avigref) a permis l’implication des habitants en leur donnant autorité sur l’organisation et la gestion de la réserve.

Djafarou Ali Tiomoko, directeur de la réserve de la Pendjari.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Djafarou Ali Tiomoko, directeur de la réserve de la Pendjari.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Après son arrivée en 1999, Djafarou Ali Tiomoko, directeur de la réserve toujours en poste, avoue que 6 mois (et seulement six !) ont été nécessaires pour résoudre les problèmes et les conflits, qui portaient principalement sur l’utilisation des ressources.

Car la population des villages s’accroît, alors que les terres cultivables ne s’étendent pas en proportion, il faut donc chercher des solutions adaptées. Dans le cadre du programme Mab-Unesco, les villageois ont eu l’occasion de visiter d’autres réserves de biosphère pour y rencontrer leurs homologues, et y puiser des idées. Leur réflexion s’est finalement tournée vers la recherche de solutions alternatives : la chasse villageoise autogérée, la culture de coton biologique, les cultures maraîchères ou la production de miel.

La participation, clé de la réussite

Réunion de femmes à l'Avigref.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Une étude montre qu’entre 2002 et 2006, les revenus de la population, très pauvre, de cette région, ont crû de 20%. Les alternatives sont donc rémunératrices, mais pas seulement : l’organisation et l’échange des idées ont également provoqué ce changement.

Auparavant, on ne pratiquait pas de culture de contre-saison dans la région de Batia. Mais les femmes du village sont partie visiter le Parc du Niokolo Koba, au Sénégal, et elles en ont rapporté l’idée de faire des cultures maraîchères, idée qu’elles ont mise en pratique dès leur retour. Et, aujourd’hui, le produit du maraîchage procure au village un complément alimentaire régulier.

Djafarou A Tiomoko

« Les revenus issus de l'exploitation des zones de grande chasse par les privés sont redistribués dans une certaine proportion aux communautés locales. »

24/02/2009 par Agnès Rougier


L’organisation des villageois en association est également l’une des clés de la réussite. Elle permet une gestion participative, transparente, une juste répartition des gains vers tous les participant, et l’élaboration de projets communs.

Découpage de la réserve en zones :

(identique sur le principe aux autres réserves de biosphère)

 

Une réserve de biosphère est divisée en plusieurs espaces concentriques, dédiés à différentes activités.

Aire centrale : dédiée à la conservation et à l’étude ; la grande biodiversité y est un atout pour la recherche scientifique. Toute autre activité y est proscrite, à l’exception de cultes et rites traditionnels.
Aires de transition : les pistes et autres infrastructures touristiques y sont bien développées, et sont bien entretenues.
Zones tampons : elles entourent les aires centrale et de transition. Brûlées volontairement avant la saison sèche, elles protègent du feu l’aire centrale, en favorisant la repousse verte pour les herbivores. On y trouve des aires de chasse privée avec des quotas d’exploitation en fonction de la reproduction des animaux. La population y exploite les ressources naturelles : pêche, points d’eau pour le bétail, cueillette de plantes médicinales, ramassage de bois sec pour le chauffage…
Zone d’occupation contrôlée : la population pratique une agriculture durable, comme le coton biologique.

Les cultes et pratiques traditionnelles sont tolérés dans tout l’espace de la réserve.

Solutions et changements sociaux

Ces alternatives, nées de la rencontre, de la réflexion à long terme, sont finalement porteuses de changements sociaux. La gestion directe par les populations, la création de groupes de femmes, leur implication dans l’organisation et la gestion, la création d’activités innovantes par celles-ci, font bouger les relations à l’intérieur des villages, mais également les relations entre les villageois et l’administration.

Quand le gouvernement prône la décentralisation et le désengagement de l’Etat, c’est le désengagement financier qui l’intéresse au premier chef. Mais la contrepartie de ce mouvement est l’indépendance dont jouissent aujourd’hui les populations, qui ont vu la nécessité d’une prise de conscience et de responsabilités.

A la Pendjari, l’objectif de Djafarou Ali Tiomoko est de donner les clés de la gestion environnementale aux populations, avant de quitter la direction de la réserve.

La carte des animaux que l’on peut retrouver aux points d’eau tout au long de la journée.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

La carte des animaux que l’on peut retrouver aux points d’eau tout au long de la journée.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


Financement :

L’organisation et la gestion de la réserve par les AVIGREF (association villageoise) rapportent des subsides qui sont réinjectés dans l’économie villageoise.

Mais pour pérenniser l’activité de préservation de l’environnement à long terme, un fonds fiduciaire a été créé.
Ce fonds, déjà doté de 400 M FCFA, a pour objectif de faire fructifier les dons et les revenus supplémentaires de la réserve.

Le Fonds pour l’Environnement Mondiale (FEM), et sa déclinaison française, le FFEM, se sont engagés à y participer.

Pour en savoir plus :

Consulter les sites de

- Bienvenue à la réserve de biosphère

- Réserve de la Pendjari et Mab Unesco

- Financement de la Pendjari et Fonds français pour l'Environnement mondial (FFEM)

- Pour venir en aide comme volontaire à la Pendjari