par Marc Verney
Article publié le 29/10/2007 Dernière mise à jour le 29/10/2007 à 18:48 TU
L’image est forte et résume peut-être une grande partie du propos de l’ouvrage L’Autre Tour de Guillaume Prébois : peu après l’arrivée du journaliste cycliste sur les Champs-Elysées à Paris, le 28 juillet 2007, un journaliste flamand veut organiser une entrevue entre Tom Boonen, ancien champion du monde à Madrid en 2005 et l’auteur du « Tour de France à l’eau claire » qui vient juste de boucler sans produits dopants les 3 570 kilomètres du tracé de la compétition officielle. Réponse « lapidaire », raconte Prébois, de l’attaché de presse de l’équipe Quick Step, formation de Boonen : « Vous n’avez rien à voir avec le Tour »…
On ne peut mieux sans doute montrer cette malheureuse distance qui existe aujourd’hui entre un cyclisme dit professionnel et son public, qui, petit à petit se désagrège, dégouté et furieux de voir les affaires de dopage se succéder sans fin. La rage de Guillaume Prébois de voir un sport s’autodétruire ainsi se lit au travers des pages de son épopée de juillet 2007 : en pleine affaire Rasmussen, exclu du Tour pour avoir menti sur ses lieux d’entraînement, le journaliste cycliste raconte sa montée dans les cols pyrénéens : « En neuf heures et douze minutes de vélo, je n’ai pas vu une seule inscription sur la route en faveur de Rasmussen ou de Contador. Qui veut s’identifier à des robots ? Le public, désabusé, accroupi dans l’humidité crépusculaire, souvent sous des tentes de fortune, attend désormais la course plutôt que les coureurs ».
Un livre démonstration
C’est pourquoi l’ouvrage rédigé par Guillaume Prébois après la réussite de sa Grande Boucle à l'eau claire sonne comme un défi face aux tricheurs du monde de la bicyclette. Mais aussi comme un espoir pour tous ceux qui pensent, amateurs comme champions qu’un autre cyclisme est possible. On y trouve, au fil des étapes toutes les informations qui ont fait que ce passionné de vélo a pu réaliser en toute sécurité son rêve et son défi de parcourir sans triche les étapes du Tour, vingt-quatre heures avant le passage du peloton : nutrition, suivi médical…
On y apprend d’ailleurs que la moyenne générale réalisée par Guillaume Prébois (29 km/h) n’est pas si négligeable que cela. Elle se compare favorablement à celle d’André Leduc, vainqueur du Tour 1932 à 29,313 km/h et s’approche de celle de Fausto Coppi, le gagnant 1952 (31,871 km/h)… « Pendant neuf mois, raconte le coureur de l’Autre Tour qui évoque également dans son livre sa préparation préalable au Tour, j’ai vécu dans la peau d’un coureur. J’ai compris que la tentation du dopage commence dès la préparation, quand il faut aligner les sorties de six heures par tous les temps ».
Les solutions ? Prébois est convaincu que ce sont « des détails » qui sont à même de faire évoluer la situation dans le bon sens : étapes moins longues, moins difficiles, tracées par de « vrais » connaisseurs, zones de ravitaillement plus fréquentes, plus de jours de repos…
L’Autre Tour, ou le Tour de France à l’eau claire, par Guillaume Prébois (éditions Melody, octobre 2007), préface du professeur Michel Rieu, conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage.
Extrait :
« A dire vrai, je l’ai déjà fait six fois, mais assis dans les fauteuils rembourrés de berlines climatisées, avec l’accréditation de journaliste pendue au cou. Ce sera donc un « autre Tour », un Tour à l’eau claire, transparent, sans adjuvants dans le bidon ni additifs dans les veines, pue et éthique, respectueux des règles, authentique. Il me permettra de raconter une expérience alternative et de démontrer que les journalistes savent aussi mouiller le maillot, qu’ils ne sont pas uniquement des habitués du buffet de la salle de presse où ils dissertent sur leur prose, un verre de muscadet à la main et la bouche en cul de poule. En partageant la souffrance des coureurs, en la touchant du doigt, on dilue ses jugements péremptoires dans l’empathie. Toutefois, un Tour ne s’improvise pas. Je pédale depuis l’âge de dix-sept ans. De janvier à novembre, j’aligne environ vingt-cinq mille kilomètres chaque année, d’avantage qu’au volant de ma voiture. Je vis sur deux roues, en symbiose avec la nature, avec mon nez profilé qui fend l’air et mes cuisses longilignes qui tournent à l’infini vers l’inconnu ».
Plus d’informations
Le site internet de Guillaume Prébois (lire)
L'ouvrage est disponible sur le site internet de l'auteur avec dédicace personnalisée.