|
Bénin
|
Les Ecureuils sous la protection du vaudou
|
Le néo-Tunisien Silva Dos Santos face au Béninois Seidath lors du match amical disputé à Sfax le 17 janvier 2004 et remporté par la Tunisie (2-1). (Photo AFP)
|
Après quatre décennies de disette, la première participation du Bénin à une Coupe d’Afrique des nations suscite un immense espoir dans un pays longtemps considéré comme le «nain» du football africain. Et les supporters des Ecureuils comptent sur le vaudou pour qu’un miracle sportif se produise en Tunisie.
De notre correspondant à Cotonou
L’aéroport international de Cotonou grouillait de monde le jour du départ de la sélection béninoise pour la Tunisie. Tam-tam, fanfares et sifflets recouvraient même le bruit des avions. Les spectateurs étaient devenus les maîtres des lieux, reprenant en cœur le slogan «Ecureuils, victoire» jusqu’au décollage de l’appareil.
Après son envol, Marius, quinquagénaire et coiffeur à Cotonou, traînait devant l’entrée du salon d’honneur. Il n’avait qu’un seul regret, celui de n’avoir pas réussi à remettre à un des membres de l’encadrement de l’équipe un «gri-gri». Il voulait remettre aux Ecureuils un «ferme goal», une amulette magique permettant de garder vierges les filets du gardien de but béninois tout au long de la compétition. Le précieux protecteur resté au pays est entouré de fil blanc et noir. A l’aéroport, d’autres badauds partageaient son dépit. Mais un supporter aussi superstitieux que Marius assurait en guise de consolation que tout était en ordre, affirmant que «toutes les dispositions avaient été prises».
Le baptême du feu des Ecureuils se produira contre l’Afrique du sud. Pour les Béninois, le match a déjà commencé et il est presque gagné. Certains affirment que le vaudou a entamé son travail de sape sur les Bafana Bafana. Les premiers effets seraient la non-sélection de Benny Mc Carthy, attaquant vedette du FC Porto, et de bien d’autres stars du football sud-africain, et, le limogeage de l’entraîneur des Bafana Bafana à quelques jours de la compétition, un fait inhabituel interprété comme une décision providentielle par les supporters béninois. Et tous zappent sur les chaînes de radio ou de télévision pour s’enquérir des éventuels déboires des deux autres adversaires de poule des Ecureuils, le Maroc et le Nigeria.
Une euphorie générale
Le pays tout entier est mobilisé derrière les joueurs béninois, baptisés les Ecureuils par le premier président de la Fédération béninoise de football (FBF), Bernard Imbs, en raison de «la rapidité de l’animal à atteindre les sommets du palmier à huile». Qu’elles soient florissantes ou en mauvaise santé, de nombreuses entreprises ont cédé une part importante de leur budget 2004. La solidarité africaine s’est aussi manifestée. Les ressortissants des Etats de la communauté ouest-africaine établis au Bénin ont organisé une opération de collecte de fonds en faveur des «Ecureuils» qui a rapporté aux gestionnaires du football béninois un chèque de 5 millions de CFA (environ 7 700 euros).
Au sommet de l’Etat on sait que «le Bénin vitrine démocratique» ne se vend plus. D’autres ont imité le «quartier latin de l’Afrique» et fait mieux que le pionnier. Et le football peut donc assurer un autre rayonnement au pays. Du coup, pour financer la campagne de la CAN 2004 et récompenser les artisans de l’historique qualification, l’achat d’un timbre de 1000 FCFA (1,5 euro) a été imposé à tout passager embarquant à l’aéroport de Cotonou.
Toutes les radios et télévisions privées font une place de choix au football dans leurs programmes, les Ecureuils font très souvent l’ouverture des bulletins d’informations. Et de nombreuses stations, même les plus démunies, ont envoyé des journalistes à Sfax, la ville dans laquelle le Bénin disputera ses trois matchs du premier tour.
Des agences de voyage créées dans la précipitation ont voulu profiter de cette atmosphère d’euphorie générale pour vendre la destination Cotonou-Sfax aux inconditionnels des Ecureuils. Mais la FBF et le ministère des Sports ont su prendre les choses en main à ce niveau, échaudés par le crash d’un avion de la compagnie guinéenne UTA le 25 décembre 2003. Car même au pays du vaudou, on sait reculer devant certains dangers.
|
Jean-Luc Aplogan 19/01/2004
|
|
|
|
|