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Point de vue
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Vox populi, vox dei
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Cet article est publié en collaboration avec Metro (www.metrofrance.com)
Tout ce qui touche aux équipes nationales affecte les supporters et les supporters sont aussi des électeurs.
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Depuis des années le football africain est devenu sujet politique parmi d’autres et rien n’est laissé au hasard par les pouvoirs en place notamment à l’occasion de la CAN. L’exemple récent du Cameroun en témoigne une nouvelle fois.
De notre envoyé spécial à Tunis
Le palais d'Etoudi est au Cameroun ce que l'Elysée est à la France, la résidence du chef de l'Etat. A la nuance près que le premier est en dehors de Yaoundé, dans les faubourgs de la capitale, à l'abri des regards indiscrets. Pas étonnant que les allées du palais bruissent de toutes sortes de on-dit, de rumeurs pas toujours vérifiables. La dernière en date : Paul Biya aurait décidé, il y a quelques jours, le rappel de l'avant-centre Patrick Mboma en sélection du Cameroun, à la veille de la vingt-quatrième Coupe d'Afrique des nations.
Etrange. Tout bon Camerounais sait que Paul Biya n'affectionne pas particulièrement le football, qu'il lui préfère le tennis. Mais en bon Président qu'il est, entouré de conseillers qui susurrent, qui suggèrent, qui font savoir que..., il est tenu de se mettre au courant de ce qui se raconte hors palais. L'éviction du buteur souvent décisif à la pointe de la ligne d'attaque des Lions indomptables n'était pas du goût du Cameroun d'en bas. En cette année électorale, le Président sait qu'il est important de composer avec la nation. Il ne prend pas de risque en intervenant personnellement, puisque c'est le peuple qui a choisi.
Les hommes politiques peuvent ne pas aimer le football,
ils ne peuvent pas l’ignorer
Et puis il a déjà eu la main heureuse, en 1990, en rappelant Roger Milla, "fidèle soldat en retraite" comme il se présentait lui-même. La campagne d'Italie demeure comme un des hauts faits du football africain. Lors du petit match entre sélectionnés qui a précédé l'envol des Camerounais pour la Tunisie - c'est une sorte de tradition, une manière de souhaiter bon voyage à l'équipe -, les quatre-vingt mille spectateurs réunis au stade (sa contenance officielle est de soixante-cinq mille !) ont applaudi à tout rompre l'appelé de dernière minute. De ce point de vue, Paul Biya a bien joué.
Le football est un tel phénomène en Afrique qu'un homme politique peut ne pas l'aimer, mais qu'il ne peut en aucun cas l'ignorer. Félix Houphouët-Boigny, l'homme qui se levait la nuit pour regarder les combats de boxe, était intervenu au lendemain de l'élimination de la Côte d'Ivoire de la Coupe d'Afrique qu'elle organisait (1984) pour apaiser la douleur d'un pays anesthésié par le choc. Abdou Diouf, alors président du Sénégal, avait essayé de convaincre la Confédération africaine de football de passer outre la suspension du Ghanéen Abedi Pelé pour la finale de cette même CAN quelques années plus tard. En vain naturellement.
"Vox populi, vox dei..." Si, en France, les politiques volent volontiers au secours de la victoire, en Afrique ils interviennent, quand nécessaire, avant l'ouverture de la compétition. Savoir anticiper l'événement est une forme d'art. Si d'aventure les Lions indomptables remportaient - exploit inédit - leur troisième victoire consécutive, inutile d'aller aux urnes à l'automne.
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Gérard Dreyfus 22/01/2004
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