Russie : la démission de Boris Eltsine
Tchétchénie : la fuite en avant<br>
On peut se souvenir aujourd'hui avec une ironie amère de cette prise à parti de Boris Eltsine à l'adresse des Occidentaux au moment de la guerre du Kosovo : "Nous vous sommes supérieurs moralement". De la part d'un homme qui lance sa deuxième guerre de Tchétchénie alors que la première avait déjà tué un habitant sur dix et fait un réfugié sur cinq, les leçons de morale sont certes indécentes.
Mais le pire c'est que ça marche. La campagne actuelle a beau n'être qu'une opération électoraliste sanglante, en quatre mois, elle a déjà bousculé tous les pronostics, bouleversé la donne politique, et renversé la liste des favoris.
Oubliés les scandales de corruption du Kremlin, oubliée la crise financière de l'an dernier, la catastrophe sociale, la Russie se sent revivre et crie victoire. Peu importe qu'il s'agisse d'une victoire à la Pyrrhus, qu'elle menace les acquis démocratiques, qu'elle risque de transformer l'ensemble du Caucase en abcès de fixation pour longtemps. L'important c'est que les Russes prennent enfin leur revanche. Si cette guerre est la première à être aussi populaire en Russie depuis la victoire sur Hitler, c'est que la Russie est un pays épouvantablement vaincu. Vaincu en Afghanistan, vaincu en Tchétchénie, perdant de la guerre froide et perdant de la transition au capitalisme, le pays est tout entier marqué par le syndrome de la défaite. Or, le pouvoir vient de réussir l'impensable : fédérer la société contre un ennemi intérieur, la Tchétchénie et un ennemi extérieur: l'Occident. Et pour la première fois, Eltsine et Soljenitsyne sont d'accord.
Désormais, c'est l'idée même de démocratie qui est discréditée. Comme dit l'anecdote : "Tout ce que les communistes nous ont raconté sur le communisme était faux. Mais tout ce qu'ils ont raconté sur le capitalisme était vrai". Désabusés, humiliés, assommés, les Russes ont donc trouvé deux boucs émissaires comme exutoire à leurs frustrations et leurs ressentiments.
Dans un pays qui a toujours vécu sous une idéologie d'Etat pendant le tsarisme comme pendant le communisme, les autorités ont longtemps cherché un nouveau concept qui comblerait le vide actuel et souderait la population. Elles l'ont enfin trouvé : la nouvelle idée nationale se trouve derrière une mitraillette. Les Russes sont en train de résoudre leur crise d'identité dans une pulsion de nationalisme impérial et de xénophobie de masse. Certes, la renaissance nationale vécue comme un rêve héroïque et brutal n'est que le dernier avatar du mal russe. Mais la reconquête de la Tchétchénie est l'acte fondateur d'un tournant qui s'apparente à une fuite en avant. Alors comment tout cela se terminera-t-il ? se demandent les plus lucides. Mal !
Mais le pire c'est que ça marche. La campagne actuelle a beau n'être qu'une opération électoraliste sanglante, en quatre mois, elle a déjà bousculé tous les pronostics, bouleversé la donne politique, et renversé la liste des favoris.
Oubliés les scandales de corruption du Kremlin, oubliée la crise financière de l'an dernier, la catastrophe sociale, la Russie se sent revivre et crie victoire. Peu importe qu'il s'agisse d'une victoire à la Pyrrhus, qu'elle menace les acquis démocratiques, qu'elle risque de transformer l'ensemble du Caucase en abcès de fixation pour longtemps. L'important c'est que les Russes prennent enfin leur revanche. Si cette guerre est la première à être aussi populaire en Russie depuis la victoire sur Hitler, c'est que la Russie est un pays épouvantablement vaincu. Vaincu en Afghanistan, vaincu en Tchétchénie, perdant de la guerre froide et perdant de la transition au capitalisme, le pays est tout entier marqué par le syndrome de la défaite. Or, le pouvoir vient de réussir l'impensable : fédérer la société contre un ennemi intérieur, la Tchétchénie et un ennemi extérieur: l'Occident. Et pour la première fois, Eltsine et Soljenitsyne sont d'accord.
Désormais, c'est l'idée même de démocratie qui est discréditée. Comme dit l'anecdote : "Tout ce que les communistes nous ont raconté sur le communisme était faux. Mais tout ce qu'ils ont raconté sur le capitalisme était vrai". Désabusés, humiliés, assommés, les Russes ont donc trouvé deux boucs émissaires comme exutoire à leurs frustrations et leurs ressentiments.
Dans un pays qui a toujours vécu sous une idéologie d'Etat pendant le tsarisme comme pendant le communisme, les autorités ont longtemps cherché un nouveau concept qui comblerait le vide actuel et souderait la population. Elles l'ont enfin trouvé : la nouvelle idée nationale se trouve derrière une mitraillette. Les Russes sont en train de résoudre leur crise d'identité dans une pulsion de nationalisme impérial et de xénophobie de masse. Certes, la renaissance nationale vécue comme un rêve héroïque et brutal n'est que le dernier avatar du mal russe. Mais la reconquête de la Tchétchénie est l'acte fondateur d'un tournant qui s'apparente à une fuite en avant. Alors comment tout cela se terminera-t-il ? se demandent les plus lucides. Mal !
par Jacques Rozenblum
Article publié le 15/12/1999