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Autriche

L'irrésistible ascension de l'alpiniste Haider <br>

Avis de tempête sur l'Autriche ! Une mauvaise neige a compromis la saison de ski dans ce paysage de montagnes depuis qu'un skieur fou y a déclenché une grosse avalanche. Toujours bronzé, la cinquantaine triomphante, le démagogue alpin Jörg Haider vient tout à la fois de gagner le criterium qui le fait accéder au rang de vice-chancelier virtuel du gouvernement de Vienne et de décrocher le titre de paria européen. Drôle de victoire pour un athlète de la politique tombé tout petit dans le bouillon de culture de l'austro-fascisme. Né après la guerre dans une famille de nazis fanatiques, Jörg Haider grandit dans la nostalgie du IIIe Reich en lançant des fléchettes sur un mannequin baptisé Wiesenthal, le célèbre chasseur de nazis. A seize ans, il adhère à un parti qui lutte contre les «excès» de la dénazification de l'Autriche. Puis il hérite d'une propriété rachetée à vil prix à des juifs qui avaient fui le pays pour sauver leur peau en 38. Riche, il n'a pas besoin de travailler et fera donc de la basse politique un sport de haut niveau. A l'université, il s'impose comme le leader naturel d'un corporation d'étudiants nationalistes. A 29 ans, il est le plus jeune député d'Autriche. A 36 ans, il prend d'assaut la direction de sa petite formation politique d'extrême droite pour en faire le deuxième parti du pays.

L'irresistible ascension de l'alpiniste Haider est émaillée de dérapages controlés sur les vertus du nazisme. Mais dans un pays qui n'a jamais fait de retour sur un passé honteux, ce briseur de tabous incarne une Autriche qui se rêve décomplexée et surtout déculpabilisée. Dans la patrie du docteur Freud, Haider représente le retour du refoulé mais sous une forme moderne voire séduisante.

Pour les lodens verts, un homme capable de conduire une Porsche décapotable en culotte de peau ne saurait être mauvais. La spécialité du montagnard Haider, c'est le ski sur neige sale. Après chaque transgression, il prend la position de l'oeuf et fait amende honorable, slalomant entre provocation et démentis entre agression et repentir. Tout au long de sa carrière, il n'a pas cessé de présenter des excuses tout en s'élevant contre les «excusailleries». Il n'a pas cessé non plus de changer de position : pan-germaniste puis austro-centriste, anti-européen puis pro-européen. Aujourd'hui, il n'hésite pas à signer une profession de foi anti-nazie, l'essentiel étant de descendre tout schuss vers la ligne d'arrivée du pouvoir.



par Jacques  Rozenblum

Article publié le 04/02/2000