Russie
Des médias de moins en moins libres
Ielena Bonner, la veuve du fameux dissident Andrei Sakharov, s'en est rendue compte en premier et l'a aussitôt fait savoir, dès la mi-janvier, au quotidien 'Moscow Times', un organe de presse indépendant et qui visiblement compte le rester: "La Russie est devenue officiellement un état policier, a-t-elle déclaré. Cela s'est passé quelques jours à peine après l'arrivée au pouvoir de Poutine, le 31 décembre 1999", lorsqu'il a signé un obscur amendement portant sur le contrôle de l'Internet. Cela mettait un terme à toute privacy dans le courrier électronique comme dans le commerce en ligne.
Cet amendement, publié le 6 janvier 2000 par le Journal officiel russe, modifie la loi de 1995 sur les services de sécurité. Le FSB, qui a pris la suite du KGB, est désormais autorisé à contrôler non seulement le courrier traditionnel et les conversations téléphoniques, mais également tout ce qui concerne l'Internet. Tout trafic sur le réseau virtuel mondial sera désormais contrôlé par la police fiscale, le ministère de l'intérieur, la police des frontières, le service de sécurité du Parlement et celui du ministère des Affaires étrangères, mais d'abord par le FSB. Pour ne pas prendre trop de risque, Poutine a décidé d'obliger tous les serveurs (providers) russes à installer un kit spécial appelé Sorm, qui coûte entre dix et trente mille dollars et qui facilitera énormément la tâche des services d'espionnage.
La raison officielle avancée par Poutine est plus que noble: la lutte contre le terrorisme, la corruption et la pédophilie; mais le nouveau maître du Kremlin a soigneusement évité de demander à la magistrature russe d'assurer la conduite de cette lutte. En réalité, des grandes man£uvres d'encerclement de tous les médias russe ont débuté aussitôt après l'accession au pouvoir suprême de Vladimir Poutine.
Des nominations de proches du Président, des critiques ouvertes de la "couverture" de la guerre en Tchétchénie, des pressions diverses et des appels très appuyés au patriotisme laissent désormais craindre que la liberté, relative mais réelle, acquise de haute lutte par certains médias (surtout privés) après 1989 risque d'être remise en cause. Et la campagne électorale en cours ne peut que favoriser une telle tendance.
Ainsi, la chaîne privée NTV, la seule à pouvoir s'écarter quelque peu de la ligne officielle du Kremlin, s'est attirée les critiques ouvertes d'un de ses principaux actionnaires, Gazprom, quelques jours à peine après que cette société (qui a le monopole sur le gaz) ait fait formellement allégeance au nouveau pouvoir. Pourtant cette télévision est bien moins critique depuis le début de la deuxième guerre de Tchétchénie, par rapport à sa "couverture" de la première, (1994-96). Cette fois-ci elle s'est limitée à présenter la réalité d'une guerre qui fait des victimes surtout civiles, en montrant des villages détruits ou des corps de soldats. "L'action des forces fédérales en Tchétchénie est absolument appropriée dans les circonstances actuelles, et mettre en avant certains aspects négatifs de la lutte contre les 'bandits' est tout simplement incorrect", a pourtant déclaré Rem Viakhirev, président de Gazprom,qui détient 30% de NTV.
Selon différents spécialistes, Poutine aurait décidé de faire de la deuxième chaîne publique RTR "sa" télévision. Pour cela il a détaché de NTV Oleg Dobrodeïev, pour le placer à la tête de RTR, et ensuite fait nommer Raf Chakirov, ancien de la chaîne anti-Kremlin de Moscou, à la tête du principal programme d'information de RTR, Vesti. Quant à la grande chaîne publique ORT, elle reste pour l'heure entre les mains de Boris Berezovski, un proche de la famille Eltsine, qui n'a apparemment pas encore basculé dans le camp de Poutine.
Cette reprise en main des médias par le Kremlin est bien cachée derrière des prises de position très démagogiques de Poutine, qui continue de déclarer que "la liberté de la presse est un élément nécessaire dans un état développé". Il a même annoncé le 15 février qu'il avait demandé au FSB "d'assurer la liberté et la vie sauve au correspondant de Radio Svoboda (Radio Liberty), AndreI Babitski", disparu durant un mois et demi et qui, selon toute vraisemblance avait été enlevé par leà FSB. Celui-ci a pris la suite du Smerch ("Mort aux espions!"), un organisme de triste mémoire crée par Staline en 1943, et qui a été remis à l'ordre du jour lors de la guerre en Afghanistan comme en Tchétchénie.
C'est sans doute pour cela que la disparition du journaliste a provoqué un sursaut exceptionnel de la part d'une trentaine de médias russes, qui ont publié un numéro spécial commun consacré à Babitski, publié notamment par le quotidien Obchtchaïa Gazeta (Journal commun) et la chaîne de télévision NTV. "Pour la première fois depuis plusieurs années la liberté de parole commence à être systématiquement attaquée", estiment ces journalistes, qui concluent ainsi: "Les services de sécurité menacent la sécurité de la Patrie!"
Cet amendement, publié le 6 janvier 2000 par le Journal officiel russe, modifie la loi de 1995 sur les services de sécurité. Le FSB, qui a pris la suite du KGB, est désormais autorisé à contrôler non seulement le courrier traditionnel et les conversations téléphoniques, mais également tout ce qui concerne l'Internet. Tout trafic sur le réseau virtuel mondial sera désormais contrôlé par la police fiscale, le ministère de l'intérieur, la police des frontières, le service de sécurité du Parlement et celui du ministère des Affaires étrangères, mais d'abord par le FSB. Pour ne pas prendre trop de risque, Poutine a décidé d'obliger tous les serveurs (providers) russes à installer un kit spécial appelé Sorm, qui coûte entre dix et trente mille dollars et qui facilitera énormément la tâche des services d'espionnage.
La raison officielle avancée par Poutine est plus que noble: la lutte contre le terrorisme, la corruption et la pédophilie; mais le nouveau maître du Kremlin a soigneusement évité de demander à la magistrature russe d'assurer la conduite de cette lutte. En réalité, des grandes man£uvres d'encerclement de tous les médias russe ont débuté aussitôt après l'accession au pouvoir suprême de Vladimir Poutine.
Des nominations de proches du Président, des critiques ouvertes de la "couverture" de la guerre en Tchétchénie, des pressions diverses et des appels très appuyés au patriotisme laissent désormais craindre que la liberté, relative mais réelle, acquise de haute lutte par certains médias (surtout privés) après 1989 risque d'être remise en cause. Et la campagne électorale en cours ne peut que favoriser une telle tendance.
Ainsi, la chaîne privée NTV, la seule à pouvoir s'écarter quelque peu de la ligne officielle du Kremlin, s'est attirée les critiques ouvertes d'un de ses principaux actionnaires, Gazprom, quelques jours à peine après que cette société (qui a le monopole sur le gaz) ait fait formellement allégeance au nouveau pouvoir. Pourtant cette télévision est bien moins critique depuis le début de la deuxième guerre de Tchétchénie, par rapport à sa "couverture" de la première, (1994-96). Cette fois-ci elle s'est limitée à présenter la réalité d'une guerre qui fait des victimes surtout civiles, en montrant des villages détruits ou des corps de soldats. "L'action des forces fédérales en Tchétchénie est absolument appropriée dans les circonstances actuelles, et mettre en avant certains aspects négatifs de la lutte contre les 'bandits' est tout simplement incorrect", a pourtant déclaré Rem Viakhirev, président de Gazprom,qui détient 30% de NTV.
Selon différents spécialistes, Poutine aurait décidé de faire de la deuxième chaîne publique RTR "sa" télévision. Pour cela il a détaché de NTV Oleg Dobrodeïev, pour le placer à la tête de RTR, et ensuite fait nommer Raf Chakirov, ancien de la chaîne anti-Kremlin de Moscou, à la tête du principal programme d'information de RTR, Vesti. Quant à la grande chaîne publique ORT, elle reste pour l'heure entre les mains de Boris Berezovski, un proche de la famille Eltsine, qui n'a apparemment pas encore basculé dans le camp de Poutine.
Cette reprise en main des médias par le Kremlin est bien cachée derrière des prises de position très démagogiques de Poutine, qui continue de déclarer que "la liberté de la presse est un élément nécessaire dans un état développé". Il a même annoncé le 15 février qu'il avait demandé au FSB "d'assurer la liberté et la vie sauve au correspondant de Radio Svoboda (Radio Liberty), AndreI Babitski", disparu durant un mois et demi et qui, selon toute vraisemblance avait été enlevé par leà FSB. Celui-ci a pris la suite du Smerch ("Mort aux espions!"), un organisme de triste mémoire crée par Staline en 1943, et qui a été remis à l'ordre du jour lors de la guerre en Afghanistan comme en Tchétchénie.
C'est sans doute pour cela que la disparition du journaliste a provoqué un sursaut exceptionnel de la part d'une trentaine de médias russes, qui ont publié un numéro spécial commun consacré à Babitski, publié notamment par le quotidien Obchtchaïa Gazeta (Journal commun) et la chaîne de télévision NTV. "Pour la première fois depuis plusieurs années la liberté de parole commence à être systématiquement attaquée", estiment ces journalistes, qui concluent ainsi: "Les services de sécurité menacent la sécurité de la Patrie!"
Article publié le 10/07/2000