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La légende brisée<br>

Depuis qu'il plane du haut de sa splendeur en haute altitude, le Concorde, fruit d'une collaboration franco-britannique, incarne le symbole du luxe et de la technologie. Fleuron de l'aéronautique, l'avion supersonique aligne les superlatifs.
Le 2 mars 1969, Concorde 001, s'arrache du sol de l'aérodrome de Toulouse-Blagnac pour un vol de 29 minutes. Cent douze tonnes d'acier immaculé décollent, le grand oiseau est enfin sorti du hangar, après plusieurs essais sur des pistes spécialement construites.

L'aventure commence en 1962 lorsque Sud Aviation et British Aircraft Corporation présentent au gouvernement français et britannique le projet d'un avion supersonique. En novembre de la même année, un protocole d'accord sur la construction en commun d'un avion de transport est signé.

C'est le général de Gaulle qui trouve son nom de baptême, même si une querelle autour de la lettre " e " du mot Concorde alimente les débats franco-britanniques.

Le Concorde a également un jumeau, que l'on dit issu des recherches des services d'espionnage soviétiques, le Tupolev TU-144 (l'un d'eux s'écrase en juin 1973 au salon du Bourget lors d'un vol de démonstration). A Fulton, en Grande-Bretagne, le Concorde anglais s'envole à son tour.

La guerre commerciale


L'appareil, caractéristique par son cabrage au décollage et à l'atterrissage, par son profil d'albatros, son nez, son aile delta blanche, franchit allégrement le mur du son et mach 2 en 1970, c'est-à-dire deux fois la vitesse du son (2200km/h). Il quitte le sol à 360 km/h et atterrit à 300km/h. Concorde est aussi l'avion civil qui vole le plus haut, avec une moyenne de 18 000 mètres d'altitude.

L'avion aligne les records et les premières en tous genres. Le président français Georges Pompidou parle en direct à la radio à 16 000 mètres d'altitude. Le premier vol intercontinental a lieu le 25 mai 1971, il relie Toulouse à Dakar puis au Bourget. Il faut attendre 1976 pour le lancement du premier vol commercial, reliant Paris à Rio de Janeiro. Les Anglais ouvrent simultanément la ligne Londres/Bahrein.

L'appareil a été conçu pour des vols transatlantiques mais les Américains n'en veulent pas: trop cher et surtout trop bruyant affirment les Etats-Unis qui ont renoncé à leur propre projet d'avion supersonique. Menacé à deux reprises d'interdiction du territoire américain pour " nuisances sonores ", le Concorde parviendra finalement à se poser sur le sol américain. Il atterrit à l'aéroport JFK de New York le 19 octobre 1977. La bataille judiciaire est très serrée. Finalement Français et Britanniques obtiennent l'accord du département des Transports.

Luxe et raffinement


Mais cette " £uvre d'art " comme le qualifie un pilote de ligne n'est pas rentable. Alors que le transport aérien s'ouvre au plus grand nombre, avec la politique des charters, Concorde reste l'avion de la jet set : 40 000 francs en moyenne l'aller-retour Paris/New York, 25 000 l'aller simple pour un voyage effectué en 3h45.

Commercialement c'est un échec et plusieurs lignes doivent fermer dont Paris/Rio. A bord, les passagers voyagent dans le luxe et le raffinement. En témoigne les menus concoctés par des cordons bleus: caviar, oeufs brouillés aux truffes, foie gras et millésimes pour se rafraîchir le palais. C'est aussi un observatoire volant et l'avion des astronomes fortunés qui font la course avec le soleil autour du globe. Durant l'été 1999, des Concorde spéciaux ont été affrétés pour permettre aux voyageurs de suivre l'éclipse totale du soleil durant six minutes, soit trois fois plus que sur la Terre. Mais le succès technique de ce bijou des airs ne compense pas l'échec commercial. Le Concorde ne sera exploité que par deux compagnies, Air France et British Airways avec seulement 13 appareils.

Le crash de mardi près de l'aéroport de Paris vient rappeler que la technologie la plus sophistiquée n'est pas infaillible, même si c'est la première fois en trente ans que Concorde connaît un accident.

Article publié le 26/07/2000