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Union africaine

Union africaine: la fin de l'OUA?

Mouammar Kadhafi a de quoi se réjouir : sa grande idée d'Union africaine, sorte de fédération des Etats africains, figure en tête de l'ordre du jour de ce 36e sommet de l'Organisation de l'unité africaine. Officiellement, tout le monde trouve l'idée très intéressante. Mais le camp des réalistes est moins optimiste sur les chances de concrétiser le vieux rêve de l'ancien président ghanéen Kwame Nkrumah.
Syrte, début septembre 1999. Le colonel Mouammar Kadhafi a enfin obtenu "son" sommet de l'OUA. Et pas un sommet ordinaire. Dans le cadre de son grand retour africain, par lequel il sort de son isolement et se construit une nouvelle image de sage au service de la paix, il a réuni chez lui, pas moins de 43 chefs d'Etat et de gouvernement du continent. Sa grande idée : mettre en place en l'an 2000 une Union africaine, une sorte de fédération structurée des Etats africains, qui remplace l'OUA et sa charte. "C'est un rêve, cela prendra malheureusement du temps", commente alors Laurent-Désiré Kabila. D'une manière générale, on adhère à l'idée qu'une union plus forte est nécessaire, on est d'accord sur quelques objectifs généraux à long terme. Mais on reste prudent face à l'ardeur Kadhafi qui martèle : "il est temps d'aller de l'avant (à) nous ne devons pas perdre de temps". La "Déclaration de Syrte" promet qu'un projet sera élaboré et discuté à Lomé en juillet 2000.

Après Syrte, c'est la valse des experts, des consultations de chefs d'Etat, des projets de nouvelles organisations institutionnelles du continent. Un projet est élaboré à partir de la Charte de l'OUA et du traité d'Abuja, mais qui ne tient visiblement pas compte des propositions libyennes. Kadhafi est furieux, notamment contre le Secrétaire général de l'OUA, le Tanzanien Salim Ahmed Salim. Il veut prendre les choses en mains et mobilise à nouveau tous les pays membres en mai 2000. Il veut l'union et l'intégration tout de suite. Face à son insistance, les réticences restent nombreuses et fortes. La supranationalité n'est pas aisément admise. La mort subite de l'OUA est loin de plaire à tout le monde. Le nouveau président sénégalais Abdoulaye Wade propose quelques idées au nom du réalisme. Le Malien Alpha Konaré présente un document de compromis. Kadhafi maintient son projet qui, à la veille du sommet de Lomé ne suscitait toujours pas l'approbation générale. Début juillet, le magazine Jeune Afrique/L'intelligent révélait les textes des trois propositions. Ainsi que le projet d'acte constitutif présenté à Lomé et qui prévoit une conférence de l'Union au niveau des chefs d'Etat, un Président de l'Union, un Parlement, une Cour de Justice, une Banque centrale et un Fonds monétaire, et une Commission exécutive chargée du secrétariat.

Une nouvelle aventure unitaire

En théorie, c'est vrai, l'Afrique a besoin de muscler ses capacités globales pour relever les défis auxquels elle est confrontée et mieux s'imposer sur la scène internationale. En pratique, c'est vrai aussi, l'Organisation de l'Unité africaine a montré ses limites. Mais les grands principes de la charte ne sont pas considérés comme caducs par la plupart des pays membres. Peu nombreux aussi sont ceux, même parmi les plus proches de Kadhafi, qui sont prêts à se lancer dans une aventure unitaire trop audacieuse, et qui sont conscients des risques nouveaux de divisions qu'elle pourrait entraîner.

Faut-il dès lors crier "A mort l'OUA, vive l'Union africaine"? Le mot d'ordre plaira sûrement aux opinions publiques africaines avides de changements et pleines de nouveaux espoirs. En tous cas, le maintien d'une OUA et la création d'une nouvelle Union africaine paraissent difficilement compatibles. Quelles que soient les décisions des chefs d'Etat à Lomé, il est clair que les effets sur les réalités africaines ont toutes les chances de prendre du temps.



par Hugo  Sada

Article publié le 10/07/2000