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Corse

Vers une Corse un peu plus corse

Lionel Jospin a donné satisfaction aux élus corses, jeudi 20 juillet 2000, en leur accordant un pouvoir d'adaptation des lois nationales aux particularités de l'île. Ce plan en deux étapes, soumis à certaines conditions, vise à mettre fin au "problème corse", mais relance le débat entre les tenants de l'unité de la République et les partisans d'une plus grande autonomie.
"Ce projet correspond totalement à nos demandes et nous le voterons à une très large majorité, sans l'amender". José Rossi, le président de l'Assemblée de Corse, affiche sa pleine satisfaction, de même que le chef de file des indépendantistes Jean-Guy Talamoni, selon qui le texte "va dans le bon sens.(à). Nous sommes sur une voie qui peut conduire à une réforme audacieuse".Il faut dire que le Premier ministre a accédé à la quasi totalité des exigences émises par les élus corses. Transfert limité de compétences législatives, enseignement généralisé de la langue corse, perspective d'une réforme constitutionnelle à l'horizon 2004 donnant la possibilité d'adapter les lois françaises à la mode corse sans contrôle du Parlement, suppression à terme des deux départements au profit d'une collectivité régionale unique dotée de larges pouvoirs. Lionel Jospin a émis deux conditions, l'une posée aux nationalistes et aux clandestins, "le rétablissement durable de la paix civile", l'autre portant sur "l'accord des pouvoirs publics alors en fonction", autrement dit le chef de l'Etat élu en 2002, son Premier ministre et la majorité parlementaire. Exprimant une position proche de celle du gouvernement, le premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande voit dans ce dispositif pour la Corse "les conditions d'un réel développement économique, la reconnaissance effective de sa culture et les transferts de compétence nécessaires à la prise des décisions au plus près des réalités de l'île".

"Problème corse"

Au-delà des aspects économiques et culturels, le projet de Lionel Jospin est censé mettre un terme à un "problème corse" sur lequel buttent, depuis vingt-cinq ans, tous les gouvernements français. D'attentats en règlements de comptes, d'assassinats en détournements de fonds publics, de gestes xénophobes en braquages, l'Ile de Beauté s'est enfermée dans une "spécificité" qui n'est pas seulement celle d'une culture ou de l'insularité, mais aussi celle du clientélisme politique et de la confusion des intérêts publics et privés.

Pour désamorcer le "chantage à la bombe" des mouvements séparatistes, Lionel Jospin est allé très loin dans les concessions. Curieusement, son projet ne provoque pas les remous attendus. Dans la classe politique, les seuls partis hostiles sont le RPR, pour lequel "le transfert de pouvoirs législatifs est inacceptable", et le RPF, qui dénonce un "engrenage infernal". Au sein même du gouvernement, les voix étaient pourtant fortes et nombreuses qui mettaient en garde contre les dangers pour l'unité de la République, les menaces d'une dérive politico-mafieuse, et les risques de contagion à d'autres régions françaises. Le ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement, farouche républicain, avait jugé "sidérantes" les propositions des élus corses désormais avalisées. Il avait demandé au Premier ministre de "recadrer les choses", en menaçant implicitement de démissionner. Il reste silencieux, de même que le ministre des Transports Jean-Claude Gayssot et le ministre de l'Agriculture Jean Glavany (président d'une mission d'enquête sur la Corse au rapport accablant), lequel avait prévenu: "Concéder un pouvoir législatif partagé, c'est porter atteinte à l'un des fondements de la République, qui est la loi comme expression de la volonté et de l'intérêt général". Quant au président Jacques Chirac, il a récemment mis en avant la nécessité de respecter "l'unité de la République".



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 16/08/2000