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L''affaire Elf

Frégates: la défense de Dumas s'écroule

Contrairement à ce qu'il a toujours affirmé, Roland Dumas, l'ancien ministre français des Affaires étrangères, a en fait donné son feu vert en 1991 pour la vente de six frégates à Taiwan. C'est ce qu'a révélé le journal Le Monde dans son édition datée du 3 août 2000.
C'est toute la défense de Roland Dumas dans l'affaire des frégates qui s'écroule. Dans une note adressée à François Mitterrand et divulguée par Le Monde, l'ancien ministre des Affaires étrangères aurait subitement fait volte-face "S'agissant de l'opération elle-même, et en dépit du risque de tension véritable des relations franco-chinoises, je vous suggère de donner le feu vert sous une triple condition". Des conditions, qui selon le journal, seraient purement formelles.

Depuis fin 1989 et, semble-t-il, jusqu'en 1991, Roland Dumas n'a jamais cessé de manifester son opposition à la vente des six frégates à Taiwan, arguant du fait que cela nuirait aux relations diplomatiques entre Paris et Pékin. Mais en mai 1991, tout bascule avec la signature d'un contrat à Taïpeh d'un montant de 16 milliards de francs. Que s'est-il passé ?

C'est en revenant d'un voyage officiel en Chine, du 28 avril au 2 mai 1991, que Roland Dumas a recommandé de donner son feu vert à l'Elysée, mais sous condition, en prenant bien soin de garder secrète cette décision pour ne pas froisser les susceptibilités chinoises. Fait troublant, Christine Deviers-Joncour faisait partie du voyage. Quel rôle a-t-elle joué ? A-t-elle influencé le ministre ? Il semblerait effectivement que cela soit le cas car l'ex-compagne de Dumas escomptait une commission de 160 millions de francs. Sur ce sujet, la défense du ministre a toujours été claire: il a admis avoir été "sollicité" par Christine Deviers-Joncour pour infléchir sa première décision, c'est-à-dire un veto à la vente de ses six frégates, mais il certifie également que cette pression "n'a jamais infléchi sa position". Alors qui croire?

Un autre document, cette fois-ci le script officiel de la réunion interministérielle du 5 juin 1991, a aussi été révélé par le quotidien français. Edith Cresson, alors Premier ministre, a délivré l'autorisation de ventes des frégates et toujours selon Le Monde, Roland Dumas n'aurait pas opposé d'objections.

Alors que Le Monde publiait les dernières informations sur l'affaire des frégates, Christine Deviers-Joncour était entendue le 2 août au pôle financier du Palais de Justice de Paris par Laurence Vichnievsky, l'un des juges chargés du tentaculaire dossier d'Elf, pour éclaircir quelques points concernant les pots-de-vin versés lors de la vente de ses six frégates militaires par Thomson à Taiwan.

Rappelons que Christine Deviers-Joncour a été mise en examen en décembre 1997 pour "complicité de tentative d'escroquerie" dans ce volet de l'affaire Elf et qu'elle demande depuis plusieurs mois que ce dossier soit relancé. Elle soutient également qu'une commission de 45 millions de francs lui a été versée par Elf-Aquitaine International, la filiale suisse du groupe français. Commission étroitement liée à sa "mission d'information" auprès de l'ancien ministre des Affaires étrangères français, qui alors était hostile à ce contratà

Réagissant aux informations divulguées par le quotidien français, l'un des avocats de Roland Dumas, Maître Jean-René Farthouat, a démenti que son client ait levé son opposition au contrat des frégates en 1991 et influé par la même la suite des événements. L'avocat a rafraîchi les mémoires en rappelant que son client avait donné son feu vert en mai 1991 et qu'il n'avait fait que se plier à la décision du président François Mitterrand.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 03/08/2000