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Koweït

L'enjeu du pétrole

Le prix du pétrole, en 1990, était pour beaucoup dans la décision de l'Irak d'envahir le Koweït et dans celle des Etats-Unis de riposter par la guerre du Golfe. Dix ans après, le monde a changé, le pétrole n'est plus une arme politique, son poids dans l'économie mondiale s'est réduit. Mais le pétrole reste, autant qu'alors, la principale source d'énergie dans le monde et le Golfe demeure le lieu où se joue l'essentiel.
La baisse des prix du pétrole, à partir de 1986 quand il avait atteint moins de 10 dollars le baril, et jusqu'en 1989, où il était remonté à 18 dollars, avait entraîné, pour les pays producteurs membres de l'Opep, un manque à gagner évalué à 263 milliards de dollars en quatre ans. Les pays les plus peuplés faisaient les frais de cette situation, dont l'Irak, affaibli par une guerre ruineuse avec l'Iran de 1980 à 1988 et une dette extérieure de 60 milliards de dollars.

L'Irak rendait le Koweït responsable de cette baisse des cours du pétrole et du préjudice subi. En effet, le Koweït menait alors, dans le cadre de l'Opep, une politique de reconquête des parts de marché pour le pétrole moyen-oriental, le moins cher à produire au monde. Un prix bas du baril empêche les producteurs dont le prix de revient est plus élevé de se développer sur le marché.

Cette stratégie convenait également aux Etats-Unis dont la dépendance à l'égard du pétrole du Golfe s'était accrue depuis quelques années. Après l'Arabie Saoudite, l'Irak était devenu leur deuxième fournisseur. Quant aux pays industrialisés, ils préservaient ainsi la rente des taxes sur les produits pétroliers qui pâtirait d'un prix trop élevé, de nature à décourager le consommateur.

Ensemble, l'Irak et le Koweït représentent 20% des réserves mondiales et leur production, en 1989, (4,6 millions de barils/jour) se rapprochait de celle de l'Arabie saoudite avec 5,1 millions de barils/jour. Ce n'est donc pas tant la " sécurité des approvisionnements" qui motivait les Etats-Unis, "les producteurs ont en effet un besoin vital d'exporter " que l'inquiétude de voir l'Irak, favorable à un relèvement des prix, prendre trop de poids et d'influence.

En 1989, l'Opep produisait 37% du pétrole mondial dont près de 30% pour ses membres arabes. En 1990, l'Irak et le Koweït sont frappés d'embargo : pour les autres pays de l'Opep c'est une manne inattendue dont bénéficient l'Arabie Saoudite, le Venezuela, les Emirats arabes unis, l'Iran et le Nigeria qui augmentent leurs exportations. Résultat: la part de l'Opep dans la production mondiale gagne, cette année-là, près de 2% à 38,7% dont un peu plus de 30% pour les pays du Golfe.

Dix ans plus tard, les pays de l'Opep produisent 42,5% du pétrole mondial. La région du Golfe dispose toujours des deux tiers des réserves mondiales et la plupart des pays y ont augmenté, parfois sensiblement, leur production. L'Irak, toujours sous le coup de sanctions internationales, n'en a pas moins retrouvé un niveau de production comparable à celui de 1989 : 2,5 millions de barils/jour. En vertu de l'accord "pétrole contre nourriture" ce pays est autorisé à exporter pour 5 milliards de dollars de pétrole tous les six mois.

Les prix continuent néanmoins de jouer périodiquement au yo-yo. Après la chute à 10 dollars en 1998, le prix du baril est remonté à plus de 30 dollars à plusieurs reprises en 1999, en raison de la réduction concertée de la production Opep et de la reprise de la croissance mondiale.

Toutefois, avec le développement des services aux dépens de l'industrie, la réduction de la dépendance des économies occidentales à l'égard du prix du pétrole, l'or noir n'a plus la même importance économique. Entre 1973 et 1997, la valeur des exportations mondiales a été multipliée par six, celle des exportations pétrolières a seulement doublé.

Le pétrole n'est plus, non plus, une arme politique. Avec l'effondrement de l'URSS, le réchauffement des relations avec l'Iran, les Etats-Unis ont encore renforcé leur influence au Proche-Orient et assurent, pour l'ensemble du monde développé, l'équilibre dans la région. Même si, entre-temps, le Venezuela est devenu leur premier fournisseur, avant l'Arabie Saoudite. Les pays producteurs, de leur côté, connaissent des difficultés économiques, d'endettement notamment, et ont plus que jamais besoin des revenus du pétrole.



par Francine  Quentin

Article publié le 01/08/2000