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Sept secrétaires généraux en 55 ans <br> <br>

En un peu plus d'un demi-siècle, sept personnalités se sont succédés à la tête de l'Organisation des Nations unies.
1946: Trygve Lie: un Norvégien, premier secrétaire général à la tête de l'Onu. Quelques mois après sa nomination, cet ancien syndicaliste se trouve aux prises avec la guerre froide qui commence en 1947 sous la présidence de Truman et s'achève en 1962 avec l'affaire des missiles de Cuba. Justifiant l'action des Nations unies en faveur de la Corée du Sud en 1950, il devient persona non grata auprès de l'URSS, alliée de la Chine. En 1951, l'Assemblée générale impose le renouvellement du mandat de Lie contre le veto russe. S'ensuit un blocage qui se double des campagnes "purificatrices" que le sénateur américain Mc Carthy lance contre l'Onu, qualifiée de "nid d'espions communistes". En 1952, Lie démissionne un an avant la fin de son mandat, considérant que son travail est "le plus ingrat au monde".

1953: Dag Hammarskjöld: c'est un ancien chef de la diplomatie suédoise qui, à la surprise générale, reprend le flambeau. Censé se plier docilement à la volonté des Grands, il fait le contraire et devient le protecteur des petits pays. C'est avec succès qu'il s'oppose aux délires maccarthystes et réussit, entre autres, le célèbre exploit diplomatique d'obtenir la libération de quinze aviateurs américains détenus en Chine. En 1956, lors de la crise de Suez, dont les Français et les Anglais sortent affaiblis, il est l'initiateur de la première force d'urgence des "casques bleus" des Nations unies, ce qui provoque la perplexité des grandes puissances. Il a été impossible, par exemple, d'envoyer des soldats à Budapest contre les envahisseurs russes. Mais d'autres pays n'hésitent pas à solliciter l'Onu, comme le Congo, devenu indépendant en 1960. Lors d'une tentative de médiation en pleine crise katangaise, c'est le drame: Hammarskjöld périt dans un accident d'avion le 17 septembre 1961.

1961: U Thant: cet homme politique birman n'aura pas la tâche facile. Lyndon Johnson était président des Etats-Unis, et le nouveau "patron" de l'Onu eut bon nombre de difficultés avec son gouvernement qui refusait une solution pacifique au Vietnam. Et puis, lors de la crise des fusées de Cuba, sous Khrouchtchev, en 1960, les Russes le traitèrent avec un profond mépris. Plus tard, U Thant est sévèrement critiqué pour ne pas être intervenu dans la guerre qui déchira le Biafra de 1967 à 1970. C'est sur un constat d'échec que prend fin, en 1971, son second mandat.

1972: Kurt Waldheim: pour beaucoup, ce diplomate autrichien ne restera pas vraiment dans les annales de l'histoire des Nations unies. Déjà en proie à de sérieuses difficultés, l'organisation internationale décline et tombe dans la paralysie la plus totale. Par ses actions, on le juge médiocre. Mais surtout, peu après la fin de son second mandat, en 1982, le New York Times révèle que Waldheim, devenu président fédéral en Autriche, avait été officier nazi pendant la guerre et qu'il avait menti sur son passé. Sa carrière politique et diplomatique est définitivement brisée.

1982: Javier Perez de Cuellar: ce diplomate péruvien est resté jusqu'au bout un obsédé de la paix. Alors qu'il n'a même pas postulé à ce haut poste, il connaît bien l'Onu et se montre vite apte au travail. Plus connu pour sa modération que pour son charisme, cet avocat de formation reste discret pour ne pas déplaire aux deux grands, en froid à l'époque. Il est originaire d'un pays du Tiers-monde, ce qui satisfait la Chine, mais sans être tiers-mondiste pour ne pas braquer les Etats-Unis. Pendant dix ans, il apprend à connaître les grands dossiers : Afghanistan, Cambodge, Namibie, Chypre, conflit Iran-Irak. C'est sous son "règne" que l'Onu obtient le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, le désengagement de Cuba et de l'Afrique du Sud en Angola. Mais pour Perez de Cuellar, c'est l'indépendance de la Namibie qui reste, avec la libération des otages du Liban, son meilleur souvenir. Pourtant, il ne part pas l'esprit tranquille : les relations Nord-Sud, son cheval de bataille, n'ont guère évolué.

1992: Boutros Boutros-Ghali : appuyé par la France, le choix de ce diplomate égyptien, dont l'allure est chétive, la voix claire mais posée, arrive à point nommé : c'est la fin de la guerre froide, le début du processus de paix au Proche-Orient, et de ce "nouvel ordre mondial" cher à George Bush. Dans le même temps, il s'agit du premier Africain à ce poste depuis 1945. Les Américains déchantent vite: dans son discours d'investiture, il met en avant l'idée d'une "cité juste" planétaire, égratigne les visées diplomatiques et surtout économiques des Etats-Unis. Somalie, Yougoslavie, rôle de l'Otan, financements de l'Onuà Les accrochages avec un Bill Clinton bien décidé à imposer son leadership aux quatre coins du globe sont fréquents. Il se félicite de la fin de la guerre entre l'Est et l'Ouest, mais évoquant Mogadiscio et Sarajevo, parle des "guerres des riches et celles des pauvres". Après avoir passé cinq ans à la tête de l'Onu, Boutros-Ghali reprend son bâton de pèlerin et, à la demande de Jacques Chirac, prend la tête de la francophonie.


1997: Kofi Annan : candidat des Américains, ce ghanéen est très apprécié au sein de l'organisation qu'il connaît bien puisque c'est en 1962 qu'il entre à l'Onu et qu'il y gravit tous les échelons, sans se faire d'ennemis, ce qui est un exploit. Il y occupe plusieurs postes dans des domaines aussi ingrats que la planification des programmes, le budget et la comptabilité. Depuis mars I993, jusqu'à sa nomination, c'est lui qui est chargé des opérations de maintien de la paix. A la suite de l'invasion du Koweit par l'Irak en I990, c'est lui qui a été envoyé en Irak par le secrétaire général de l'époque pour négocier le sort des fonctionnaires internationaux retenus dans ce pays, ainsi que la libération d'otages occidentaux. Reste à savoir si Kofi Annan réussira à sauver l'Onu et, enfin, à la faire parler d'une seule voix. On attend beaucoup des propositions qu'il présentera en septembre à New York dans le cadre du "plan d'action pour le XXIè siècle" des Nations unies.

Article publié le 08/09/2000