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Serbie

Milosevic va-t-il perdre sa place ?

Près de sept millions d'électeurs vont se rendre aux urnes le 24 septembre, pour élire un nouveau président et un nouveau parlement de la Fédération, et de nouveaux conseils municipaux en Serbie. Un scrutin qui pourrait bouleverser le paysage politique de la Serbie et du Monténégro, mais aussi avoir des conséquences directes sur le Kosovo où des élections locales sont prévues pour le 28 octobre.
Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, en 1987, Slobodan Milosevic ne part pas favori dans les sondages effectués ces dernières semaines en vue des élections générales du 24 septembre. Trois enquêtes successives réalisées par l'Institut des sciences sociales (ISS) placent le candidat de l'opposition Vojislav Kostunica bien devant le président sortant : Milosevic n'a recueilli successivement que 23, 28 et 31 % des intentions de vote contre 35, 42 et 52 % pour Kostunica. Selon un quatrième sondage publié dimanche 10 septembre par l'agence indépendante Beta, Kostunica arriverait en tête au premier tour avec 45 % des intentions de vote, contre 38 à Milosevic, et l'emporterait au second avec une majorité absolue de 56 %.

Bien entendu, ces sondages ne sont guère pris en considération par les médias proches du président sortant : le quotidien Politika affirme que l'écart entre les deux principaux candidats à la présidentielle du 24 septembre est de «dix contre un en faveur de Milosevic», se basant sur le fait que Milosevic aurait recueilli un million de signatures en faveur de sa candidature, contre 100 000 seulement pour Kostunica. Ce qui prouve que la «machine électorale» serbe û ainsi que la police û demeurent au service du dictateur, et pourraient permettre à Milosevic de se proclamer vainqueur même s'il est battu. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que seuls des observateurs chinois, russes et indiens ont apparemment été autorisés à suivre sur place les différents scrutins, selon l'agence de presse officielle Tanjug. Le président de la Gauche yougoslave (un petit parti allié de Milosevic et dirigé par sa femme, Mira Markovic) a même exclu d'inviter des représentants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), car «la Yougoslavie ne peut accepter des observateurs ou des représentants d'organisations qui se sont déjà compromises par des activités d'espionnage, de subversion et de terrorisme».

Tout prouve cependant que Milosevic est bien conscient du risque qu'il encourt. Et il ne manque pas de moyens pour connaître l'état réel de l'opinion publique serbe. Son discours n'a guère varié : «C'est le peuple qui vote, pas l'OTAN » reste l'un de ses slogans préférés. Une fois de plus, il compte caresser dans le sens du poil le sentiment anti-occidental qui prévaut en Yougoslavie depuis la guerre de l'OTAN contre la Serbie et faire appel à la fierté nationale de son peuple qui se sent toujours humilié par les frappes subies de mars à juin 1999 et dont les traces n'ont guère disparu. Pour cela, il accuse toujours ses adversaires d'être inféodés à l'Occident.

Regroupés au sein de l'Opposition démocratique de Serbie (DOS, une alliance de dix-huit partis et d'un syndicat), la plupart des opposants ont finalement su surmonter la plupart de leurs divergences et se doter d'un candidat crédible. Vojislav Kostunica a lancé sa campagne en se rendant d'abord à Pozarevac, le fief de Milosevic : «Nous avons un seul but : gagner plus de voix en Serbie que Milosevic», a-t-il déclaré à cette occasion. « Je vais gagner car le sentiment prédominant en Serbie est qu'un changement s'impose.»

Mais pour l'emporter, Kostunica devra surmonter deux obstacles : le boycott des élections prôné par le président du Monténégro Djukanovic (pourtant en lutte ouverte contre Milosevic) et la détermination du régime en place. Milosevic ne cesse en effet de multiplier les initiatives, voire les provocations. Sa police continue de harceler un important mouvement d'opposition chez les jeunes û Otpor û et cherche visiblement à provoquer un incident grave, peut-être au Kosovo, lui donnant un prétexte pour reporter le scrutin. Ce qui lui permettrait à la fois d'en imputer la responsabilité à l'Occident et d'éviter une défaite humiliante. C'est en tout cas une hypothèse qui circule à Belgrade mais que l'administration provisoire du Kosovo ne semble guère vouloir prendre en considérationà




par Elio  Comarin

Article publié le 11/09/2000