Photojournalisme
Des albums d'images gigantesques
Le développement d'Internet a entraîné la constitution d'énormes albums-photos. Les sociétés Corbis, Getty Images et Hachette Filipacchi Media sont aujourd'hui détenteurs d'un butin qui rapportera des bénéfices gigantesques d'ici peu. Mais la commercialisation des images sur le Net menace les droits des photographes.
Cela aurait pu être l'histoire d'un petit garçon ou d'une petite fille qui collait avec application des images colorées dans les cadres de son album. Mais non, elle débute avec comme héros des multimilliardaires, véritables «bêtes» d'affaires, sans foi, ni loi, ni scrupules. L'enjeu: se constituer la plus grosse «collek» d'illustrations que l'on revendra à tout ce que la planète compte d'éditeurs, de publicitaires, de directeurs de revues et de simples internautes, amoureux d'une cavalcade de chevaux ou d'un coucher de soleil exotique. Le premier d'entre eux : Bill Gates en personne. Son pion : la société Corbis. Le second, Mark Getty, désireux de s'émanciper de son grand-père, magnat du pétrole, veut faire fortune dans un secteur radicalement futuriste, avec Getty Images. Le résultat encore provisoire donne le vertige¯: en moins d'une décennie, Corbis a acquis les droits de reproduction de 65 millions de clichés dont 2,1 millions disponibles en ligne. Des photos sorties des fonds des musées nationaux comme celui de l'Ermitage de Saint Petersbourg, de la National Gallery de Londres ou des collections de Ansel Adams sur la conquête de l'Ouest, de Bettman et de la fondation Barnes. Non cotée en bourse, la société de Bill Gates ne publie ni montants de ses transactions, ni son chiffre d'affaires.
Parti en retard, Getty Images a compensé son handicap en achetant vite et en quantité. En cinq ans, le groupe est devenu le premier fournisseur d'images du monde, avec une réserve de 70 millions de prises de vues, dont 1,3 million en vente sur Internet. Getty junior a récupéré presque la moitié de son stock chez son concurrent The Image Bank. En 1999, son chiffre d'affaires atteint 247,8 millions de dollars.
L'inquiétude des professionnels
Les deux multimilliardaires auraient pu continuer à £uvrer seuls, si l'envie ne les avait pas pris de s'intéresser aux agences de photos de Londres et de Paris, en déficit chronique depuis des années. Piqué au vif par le rachat de Sygma par Corbis en juin 1999, le premier groupe mondial de presse, Hachette Filipacchi Media récupérait quatre mois plus tard, l'agence Gamma et ses «satellites», Stills, Explorer et Spooner, tandis que ses représentants entamaient des pourparlers avec Rapho (généraliste), Keystone et Katz (archives). Au cours de l'été 2000, HFM a complété sa collection avec les images de Jacana (flore et faune), de Hoa Qui (vie quotidienne et tourisme) et les portraits de personnalités de MPA.
HFM possède une bonne raison pour jouer les intrus, même si, la main sur le c£ur, ses dirigeants revendiquent la défense du patrimoine des agences photographiques internationales, ancrées historiquement à Paris¯: lui-même, consommateur d'images, il était hors de question de dépendre des deux mastodontes Getty et Corbis, tous deux basés à Seattle.
Cette réorganisation du marché des images inquiètent les professionnels, qui couvrent les évènements de l'actualité et prennent les clichés qui deviendront les archives de demain. En fait, le bras de fer entre les opérateurs du Net et les photographes a commencé en avril dernier quand la société Corbis a proposé de nouveaux contrats aux membres de l'agence Sygma, à la suite de Prisma-Presse, Condé Nast, Semap. Deux clauses sont contestées¯: la responsabilité juridique des prises de vues, supportée exclusivement par le photographe, le paiement des droits limités à une seule parution au sein d'un groupe de presse mais surtout l'absence de contrôle sur l'utilisation des clichés. Un mouvement, Freelens, s'est créé, bien décidé à faire respecter les droits des photographes.
Parti en retard, Getty Images a compensé son handicap en achetant vite et en quantité. En cinq ans, le groupe est devenu le premier fournisseur d'images du monde, avec une réserve de 70 millions de prises de vues, dont 1,3 million en vente sur Internet. Getty junior a récupéré presque la moitié de son stock chez son concurrent The Image Bank. En 1999, son chiffre d'affaires atteint 247,8 millions de dollars.
L'inquiétude des professionnels
Les deux multimilliardaires auraient pu continuer à £uvrer seuls, si l'envie ne les avait pas pris de s'intéresser aux agences de photos de Londres et de Paris, en déficit chronique depuis des années. Piqué au vif par le rachat de Sygma par Corbis en juin 1999, le premier groupe mondial de presse, Hachette Filipacchi Media récupérait quatre mois plus tard, l'agence Gamma et ses «satellites», Stills, Explorer et Spooner, tandis que ses représentants entamaient des pourparlers avec Rapho (généraliste), Keystone et Katz (archives). Au cours de l'été 2000, HFM a complété sa collection avec les images de Jacana (flore et faune), de Hoa Qui (vie quotidienne et tourisme) et les portraits de personnalités de MPA.
HFM possède une bonne raison pour jouer les intrus, même si, la main sur le c£ur, ses dirigeants revendiquent la défense du patrimoine des agences photographiques internationales, ancrées historiquement à Paris¯: lui-même, consommateur d'images, il était hors de question de dépendre des deux mastodontes Getty et Corbis, tous deux basés à Seattle.
Cette réorganisation du marché des images inquiètent les professionnels, qui couvrent les évènements de l'actualité et prennent les clichés qui deviendront les archives de demain. En fait, le bras de fer entre les opérateurs du Net et les photographes a commencé en avril dernier quand la société Corbis a proposé de nouveaux contrats aux membres de l'agence Sygma, à la suite de Prisma-Presse, Condé Nast, Semap. Deux clauses sont contestées¯: la responsabilité juridique des prises de vues, supportée exclusivement par le photographe, le paiement des droits limités à une seule parution au sein d'un groupe de presse mais surtout l'absence de contrôle sur l'utilisation des clichés. Un mouvement, Freelens, s'est créé, bien décidé à faire respecter les droits des photographes.
par Marion Urban
Article publié le 29/09/2000