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Balkans

La victoire des modérés

Les premières élections organisées au Kosovo depuis l'intervention de l'OTAN, il y a 16 mois, consacrent la victoire des modérés partisans d'Ibrahim Rugova, au détriment des anciens combattants de l'UCK (armée de libération du Kosovo). Mais tous les partis affichent un même objectif : l'indépendance de la province.
De notre envoyé spécial au Kosovo


Le jour de gloire est-il arrivé pour Ibrahim Rugova ? Dès dimanche matin, son parti, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), s'est attribué une victoire écrasante aux élections municipales de samedi. Selon des décomptes partiels, la LDK obtiendrait plus de 60 % des voix, avec un score proche de 70 % dans la capitale Pristina. La LDK serait également assurée du contrôle des mairies de toutes les grandes ville de la province, Prizren, Gnjilane, Peç et Kosovska Mitrovica.

Ces premières élections libres jamais organisées au Kosovo prennent donc figure de revanche pour l'homme qui a symbolisé durant des années le combat indépendantiste albanais, même si Ibrahim Rugova n'était pas personnellement candidat, préférant se réserver pour les élections générales. Forte de son succès de samedi, la LDK a d'ailleurs immédiatement exigé que ces élections générales soient organisées au plus vite, une revendication que le chef de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK), Bernard Kouchner, s'est déclaré prêt a satisfaire.

Celui-ci s'est dit «fier» du déroulement d'un scrutin qui n'a été marqué par aucun incident notable, alors que la campagne électorale avait été émaillée par de nombreuses violences, généralement perpétrées par des sympathisants du Parti démocratique du Kosovo (PDK), qui regroupe, derrière Ashim Thaçi, les anciens guerilleros de l'UCK. «Nous avons besoin de personnes expérimentées et compétentes pour construire l'avenir du Kosovo, pas des carriéristes corrompus qui ont afflué au sein du PDK et qui se croient les plus grands des patriotes», expliquait samedi Rizah Bilalli, un militant de la LDK.

Vers un nouveau scrutin pour les Serbes du Kosovo

Le message a été très largement entendu. La LDK et le PDK, partageant également l'objectif d'indépendance du Kosovo, s'opposaient essentiellement sur leur passé : la première mettait en avant les années de «résistance non-violente» que l'UCK et le PDK qualifiaient de «politique de la passivité». L'extrémisme du PDK a pourtant fini par lasser la population albanaise elle-même. «Les Albanais sont un peuple spontanément discipliné et habitué à respecter la hiérarchie et les anciens dirigeants : les jeunes gens descendus du maquis ne jouissaient d'aucune crédibilité dans les villes, tandis que la population reste fidèle à un leader historique comme Ibrahim Rugova», explique Arton Veja, un journaliste de Pristina.

«Seuls avaient intérêt à voter PDK ceux qui occupent un appartement volé a un Serbe expulsé du Kosovo», explique Rizah Bilalli. «Car le PDK promettait que jamais les minorités ne reviendraient au Kosovo». Dimanche, la victoire de la LDK était pourtant perçue, tout au plus, comme un moindre mal par les Serbes, les Tziganes ou les autres communautés minoritaires du Kosovo. Bernard Kouchner a cependant affirmé que les Serbes du Kosovo, qui ont boycotté la consultation de samedi, pourraient accepter, dans quelques mois, de prendre part à des élections municipales, en envisageant d'organiser un nouveau scrutin dans les communes ou ces derniers sont majoritaires.

Un défi important attend maintenant la MINUK : faire respecter les résultats des élections de samedi et mettre en place les nouvelles administrations municipales, car ce sont les hommes du PDK qui, presque partout, ont fait main basse sur les rouages de l'administration locale. «Je demande maintenant aux candidats et à leurs chefs de tenir l'engagement de respecter le résultat de ces élections; je leur demande d'accueillir les nouveaux membres des assemblées municipales», a declaré, dès dimanche, Bernard Kouchner.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 30/10/2000