Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Roumanie

Les Roms de Roumanie : les éternels oubliés

En Roumanie, la question tsigane revêt une importance considérable du fait du nombre élevé de cette ethnie (1% de la population, soit un peu plus de 2 000 000 personnes). Question toujours d'actualité : pourquoi ne pas leur accorder un statut de nationalité territoriale ?
En Roumanie, ils s'appellent Roms (ce qui signifie «époux»). Ce sont les descendants des peuplades indo-européennes d'origine indienne arrivées en Grèce au IXe siècle. Les Tsiganes, on les trouve, dispersés, à travers le monde, non seulement en Amérique, mais aussi en Europe, notamment dans sa partie orientale et centrale: Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, République tchèque, et Roumanie où ils sont les plus nombreux. Contrairement à d'autres groupes ethniques minoritaires, ils n'ont pas de patrie commune. Et c'est l'un des rares groupes qui n'a jamais revendiqué de territoire. En effet, c'est pratiquement le seul peuple européen qui, au cours des siècles, n'a jamais pris les armes pour défendre sa cause.

Pourtant, l'histoire des Tsiganes peut être résumée comme l'histoire des discriminations: exclusions, persécutions, dont ils ont presque toujours été les victimes, où qu'ils se soient trouvés. Durant la Seconde Guerre mondiale, ils furent utilisés par les nazis pour des expérimentations de biologie raciale, avant d'être exterminés dans des camps de concentration. En Roumanie ou ailleurs, leurs conditions de vie sont très différentes de celles de la population: taux de natalité très élevés, taux de mortalité bien supérieurs à la moyenne. C'est une population très jeune, composée de familles nombreuses: d'une certaine manière, leur structure démographique correspond à celle de pays en développement. Des différences considérables existent entre les Tsiganes d'Europe occidentale et ceux d'Europe centrale et orientale. L'attitude adoptée à leur égard par les gouvernements est très différente selon qu'il s'agit des pays socialistes ou ceux qui ne le sont pas. Depuis une cinquantaine d'années, ces derniers ont dans l'ensemble mené des politiques visant à éliminer progressivement les discriminations affectant les populations tsiganes, comme l'éducation, le logement, la santé. Par contre, en Roumanie, comme dans les autres pays d'Europe centrale, la ligne de conduite des régimes socialistes et communistes fut caractérisée, au nom de l'idéologie marxiste-léniniste, par une tendance à l'assimilation des Tsiganes, qui s'est concrétisée par la prohibition du nomadisme et qui conduisit à une déstabilisation de la société traditionnelle rom. C'est ainsi qu'en Roumanie, les Tsiganes vivent souvent aux côtés d'autres populations défavorisées dans les quartiers pauvres, à la périphérie des villes. Leur assimilation forcée s'est faîte avec les groupes les plus marginaux de la société. Ayant de plus en plus de mal à s'adapter à la société industrielle contemporaine, ils sont souvent dans l'impossibilité de chercher ailleurs de meilleures conditions de vie. Bien sûr, tous ne sont pas logés à la même enseigne: il existe aussi des Tsiganes richissimes qui s'affichent avec des Mercedes dernier modèle. Mais cela ne résoud en rien le problème de fond: pourquoi ne pas accorder aux Tsiganes de Roumanie un statut de nationalité territoriale, avec la constitution d'un foyer national autonomeà au nord de la Transylvanie, par exemple. C'est un territoire que Roumains et Magyars se disputent sans que l'une ou l'autre des revendications opposées apparaissent comme particulièrement fondée. Et c'est une région qui correspond à peu près au centre géographique de la diaspora tsigane en Europe de l'Est.



par Pierre  DELMAS

Article publié le 24/11/2000