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Roumanie

Elections incertaines sur fond de crise

En Roumanie, des élections présidentielles ont lieu dimanche 26 novembre. Il s'agit de choisir, parmi douze candidats, le successeur du chrétien-démocrate, Emil Constantinescu. Une étape de la plus haute importance dans ce pays qui est candidat à l'Union européenne, mais qui a du mal à faire sa mutation et qui fait figure de bon dernier de la classe. Le dernier rapport de la commission européenne de Bruxelles est, à cet égard, sans complaisance.
Dans son rapport, la commission de Bruxelles place la Roumanie en queue du peloton des candidats à l'Union européenne. Elle dénonce les « progrès insuffisants » de Bucarest dans pratiquement tous les domaines, qu'il s'agisse de la protection des enfants abandonnés, du traitement réservé à la minorité tsigane, des réformes économiques ou encore de la capacité d'appliquer la législation communautaire. Alors, comment en est-on arrivé là ?

La révolution de décembre 1989 avait jeté la Roumanie dans l'euphorie. Pour la majorité des Roumains, la chute du régime Ceaucescu signifiait que l'ère du communisme était terminée et que la Roumanie entrait à nouveau dans l'histoire. Or, en plus de dix ans, ce pays, n'a visiblement pas réussi à opérer sa mutation, même s'il est devenu une démocratie après 25 ans d'étouffement et une dictature qui a contribué à un retard économique sans précédent. Pendant six ans, Ion Iliescu, ancien apparatchik et ancien dauphin de Ceaucescu et l'équipe qu'il dirigeait, se sont illustrés par la corruption, un autoritarisme souvent violent, des tendances nationalistes et populistes. Le gouvernement de Petre Roman n'a pu moderniser un appareil de production démodé. La monnaie a été dévaluée de 75% ; les prix ont augmenté plus que les salaires ; la production industrielle était en pleine désorganisation. Le mécontentement populaire qui s'est nourri de ces difficultés trouva son point d'orgue à travers les violentes manifestations du printemps 1990, matées par les mineurs. Cette démonstration de force consolida le pouvoir de Ion Iliescu et de Petre Roman, mais très vite une divergence éclata entre eux deux (le communisme conservateur du premier opposé aux tendances social-démocrates du second), et les conduisit à une rupture brutale en septembre 1991. Resté seul au pouvoir, Ion Iliescu groupa autour de lui tous les nostalgiques du communisme et de la Securitate, équivalent du KGB soviétique. Il se maintiendra jusqu'à l'automne 1996.

Une baisse dramatique du niveau de vie

Du coup, beaucoup crurent à l'alternance de l'automne 1996, lorsque le chrétien-démocrate Emil Constantinescu devint le nouveau président roumain, soutenu par une coalition formée de partis anticommunistes et du parti démocrate, conduit par Petre Roman. Mais, si cette coalition a gagné les élections, elle n'a pas réussi à assumer le pouvoir. Sur le plan intérieur, toute la priorité sera accordée à l'intégration de la Roumanie dans l'Union européenne et dans l'Alliance atlantique. Sur le plan intérieur, aucun redressement spectaculaire n'a pu se produire. La nouvelle équipe a fait montre d'une incroyable timidité, multipliant concessions sur concessions. Les privatisations ont été effectuées au compte-gouttes, le niveau de vie a dramatiquement baissé, les services publics fonctionnent mal, le chômage atteint près de 12% de la population active. Au bord de la faillite, l'Etat ne peut payer convenablement ses médecins. A la campagne, où vit encore 40% de la population, les paysans n'ont plus les moyens de cultiver, faute d'engrais et de machines. Rien n'a été fait concernant deux lois : celle sur la restitution des biens confisqués par le régime communiste, et celle sur le droit pour chaque citoyen d'avoir accès au dossier monté par la police politique. Enfin, la corruption est loin d'être éradiquée.

Finalement, au bout de quatre ans, le président Constantinescu a déclaré qu'il n'était plus candidat, admettant ainsi son échec. Dans ces conditions, il est prématuré de prévoir l'arrivée des courses dans une Roumanie bien incertaine. Ces élections pourraient se résumer à une confrontation entre, d'une part, d'anciens communistes devenus hommes d'affaires prospères et orientés vers l'Occident, et d'autre part, des communistes conservateurs, nostalgiques de l'époque Ceausescu.



par Pierre  DELMAS

Article publié le 24/11/2000