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Congo démocratique

La paix introuvable

Les initiatives se multiplient depuis quelques semaines pour tenter de mettre fin à la guerre qui déchire le pays depuis août 1998. Mais sur le terrain les accords de paix de Lusaka, signés en août 1999, restent toujours lettre morte.
Un peu plus d'un an après l'accord de Lusaka, censé mettre fin à la guerre qui déchire le pays depuis le 2 août 1998, la paix ne semble toujours pas à l'ordre du jour au Congo démocratique. Les initiatives se multiplient, les sommets et les réunions se succèdent. Les quatre principales nations africaines engagées militairement dans le conflit (Ouganda, Rwanda, Angola, Zimbabwe) évoquent régulièrement leur souhait de mettre fin à une guerre fratricide qui ruine chaque jour un peu plus un pays déjà en piètre état lorsque Mobutu Sese Seko a quitté le pouvoir, en mai 1997.

Mais sur le terrain, rien ne laisse penser que les belligérants souhaitent réellement appliquer l'accord de cessez-le-feu qu'ils ont pourtant tous signé entre juillet et août 1999. «A chaque fois qu'un front se calme, on a une irruption ailleurs», constate Hamadoun Touré, porte-parole de la Mission des Nations Unies pour le Congo (MONUC) à Kinshasa. En février 2000, le conseil de sécurité des Nations unies a voté une résolution demandant l'envoi d'une force de maintien de la paix de 5 500 hommes, dont 500 observateurs militaires. Mais à peine plus de deux cents personnels militaires internationaux sont arrivés sur place et moins de soixante observateurs ont pu se rendre sur le terrain.

Le déploiement d'une force, dont beaucoup se demandent si elle verra effectivement le jour, est suspendu au respect du cessez-le-feu par les combattants. Un voeu pieux au vu des violations nombreuses de la trêve régulièrement dénoncées de part et d'autre. «Nous sommes surtout saisis de violations du cessez-le-feu par toutes les parties dans la province du Katanga, dans celle du Kasaï et un peu plus en arrière dans la province de l'Equateur. Nous pensions qu'elle était le talon d'Achille de l'accord de Lusaka, mais il y en a bien d'autres», reconnaît Hamadoun Touré. Dernière offensive en date : celle du RCD-Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie), soutenu par les troupes rwandaises, dont le chef d'état-major, le général Kayumba Nyamwansa a revendiqué la reprise aux forces pro-Kabila de Pepa, une ville stratégique dans le Katanga (sud-est du pays). L'avancée est significative. Mais elle ne bouleverse pas fondamentalement l'équilibre d'un conflit qui ne semble pas pouvoir mener à court à la prise de Kinshasa par l'un ou l'autre des mouvements rebelles opposés au président congolais et leurs alliés ougandais et rwandais.

Remue-ménage chez les rebelles

Une grande confusion règne en revanche du côté de l'opposition armée. A l'exception du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, qui contrôle une partie de la province de l'Equateur (nord-ouest du pays), c'est le grand remue-ménage dans les deux autres factions rebelles. Fin octobre, Emile Ilunga, leader du RCD-Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie), faction soutenue par le Rwanda, a été contraint à la démission pour «mauvaise gestion». De source bien informée, la nomination de son successeur, Adolphe Onusumba, originaire du Kasaï (centre), viserait à rehausser l'image d'un mouvement impopulaire parmi les Congolais, en grande partie parce qu'il est avant tout perçu comme une coquille vide à la solde de Kigali. Mais elle ne fait visiblement pas l'unanimité dans sa région d'origine où une vingtaine de manifestants qui lui reprochaient d'avoir accepté un «poste ignomonieux» ont été tués début novembre par l'armée rwandaise. Au sein de la faction Mouvement de Libération du RCD, soutenue par l'Ouganda, c'est à un véritable coup de force contre son président le professeur Wamba Dia Wamba qu'on a assisté ces derniers jours. La tentative de putsch de son rival, Mbusa Nyamwisi, a entraîné de violents combats. Mais elle a aussi révélé des divisions au sein de l'armée ougandaise dont les soldats ont été vus aux côtés des combattants des deux camps.

Dans ce contexte, la pression pourrait se faire plus grande pour un retrait des troupes de Kigali et Kampala du territoire congolais. Jusqu'ici, la communauté internationale s'est montrée indulgente envers l'Ouganda. Mais les informations sur le pillage des richesses minières congolaises par ses soldats, qui pourraient être confirmées par un panel d'experts des Nations Unies présent récemment à Kampala, deviennent embarrassantes. Le Rwanda a également de plus en plus de mal à justifier son intervention militaire. Lors d'une conférence des bailleurs de fonds à Kigali, début novembre, les pays donateurs, tout en reconnaissant ses préoccupations sécuritaires, ont encouragé le régime de Paul Kagamé à retirer ses soldats du Congo. «Les Etats-Unis apprécieraient un désengagement total du Congo, a notamment estimé l'ambassadeur américain à Kigali, George Staples. Une baisse dans le budget militaire peut libérer des ressources pour d'autres besoins.»

Mais on n'est pas encore là. Au mois de juin la rencontre entre Paul Kagamé et son homologue congolais Laurent Désiré Kabila avait capoté, principalement à cause du refus de Kinshasa de neutraliser les miliciens Interhamwe, considérés comme les principaux acteurs du génocide d'avril 1994 et qui combattent actuellement aux côtés des forces légitimistes. Un contentieux qui permet au Rwanda de justifier son intervention au Congo.

L'évolution de la situation pourrait toutefois venir des alliés de l'homme fort de Kinshasa. Déstabilisé par une profonde crise politique, il n'est pas exclu que le Zimbabwe, dont le président Mugabe est sur la sellette, rapatrie ses 11 000 hommes. Cette décision ne modifierait pas forcément l'équilibre des forces, si l'Angola, autre allié de Kinshasa et pivot de la région, renforce sa présence militaire. Mais elle pourrait incontestablement changer la donne.



par Christophe  Champin

Article publié le 15/11/2000