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Afrique

Déclaration de Bamako : la francophonie face au droit d'ingérence

A l'issue de trois jours de débats, autour du «bilan des pratiques démocratiques» dans l'espace francophone, les instances de la francophonie se sont dotées d'un dispositif nouveau de vigilance et de sanctions.
De notre envoyé spécial à Bamako

«Francophonie et démocratie sont indissociables». En réaffirmant ce principe, la Déclaration de Bamako offre aux instances francophones, et d'abord à son secrétariat général, la possibilité d'un net renforcement des interventions de la Francophonie dans le champ politique. L'idée semble banale, sa proclamation était moins évidente, si l'on observe les réticences toujours grandes de plusieurs Etats membres à s'engager sur ce terrain.

D'autant plus que la déclaration de Bamako, au-delà d'un engagement solennel des Etats membres à favoriser l'approfondissement des pratiques démocratiques, et ceci selon un catalogue d'orientations plus ou moins concrètes, a pour la première fois permis de faire admettre dans la famille francophone -même si la formule ne figure pas en tant que telle-ce nouveau «droit d'ingérence» réclamé par le président malien, Alpha Oumar Konaré. Autrement dit, et outre une fonction de «vigilance démocratique», la francophonie s'engage à mettre en £uvre un système modulé de sanctions, pouvant aller jusqu'à l'exclusion d'un Etat membre, en cas de manquements graves à la pratique démocratique : on entend par là les coups d'Etat et autres coups de force institutionnels, ainsi que les violations massives des droits de l'homme.

L'audace des francophones a des limites

Les ONG présentes auraient souhaité qu'on puisse aller plus loin, en rappelant au passage que plusieurs pays francophones continuent à violer systématiquement les droits de l'homme et que, souligne ainsi le président de Reporters sans frontières, Robert Ménard, «un quart des Etats représentés à Bamako ne respectent pas la liberté de la presse...» Mais l'audace des francophones a ses limites, et Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'OIF, a pu du moins se féliciter de voir la Francophonie se mettre progressivement en phase avec le nouveau contexte international, marqué par une plus grande rigueur à l'égard des manquements aux principes élémentaires de la démocratie... qui permet aux organisations intergouvernementales -telle l'OUA- de pratiquer des sanctions en son sein, ce qui en soi est déjà inédit.

Et puis il reste l'apport essentiel de ce qui pourrait demeurer comme le «processus de Bamako» : il s'agit de l'énorme travail de réflexion accumulé depuis plusieurs mois, et de la confrontation souvent stimulante des idées et des expériences, autour de ce bilan d'une décennie de démocratisation.

Voilà d'ailleurs qui fait apparaître que la principale force de la francophonie pourrait bien, en définitive, se situer de ce côté: constituer, grâce à ses réseaux de chercheurs, d'acteurs, ainsi mis au contact les uns des autres, une force de proposition et d'innovation. Ce qui est une autre manière de revenir à la vocation première, que certains regrettent de voir minorer, de la francophonie : une vocation culturelle, au sens large, probablement plus probante que certaines velléités d'ordre strictement politique.



par Thierry  Perret

Article publié le 06/11/2000