Défense européenne
L'Europe de la défense<br>hérisse les Etats-Unis
Le rôle exact de la défense commune européenne a provoqué ces derniers jours quelques polémiques, notamment entre Londres et Paris, mais irrite surtout les Etats-Unis, qui s'inquiètent de l'avenir de l'Alliance atlantique, car elle « pourrait en souffrir ». L'UE met au point depuis plusieurs mois, outre une force de réaction de réaction rapide de 200.000, une politique de défense plus large basée sur trois organismes : un comité politique de sécurité (COPS), placé sous l'autorité du Conseil européen ; un comité militaire ; et un état-major chargé de la gestion des crises.
« L'Europe de la défense pourrait être naturellement coordonnée avec l'Alliance (atlantique), mais pour ce qui concerne son élaboration et sa mise en £uvre, elle doit être indépendante par rapport au SHAPE » (le commandement militaire de l'OTAN, contrôlé de facto par les Etats-Unis). Jacques Chirac n'a pas hésité à mettre les pieds dans le plat, dès le début du sommet, pour fixer des limites à un débat qui dure depuis la fin de la guerre du Kosovo et qui touche à la nature même de la force d'action rapide que l'Europe veut se donner. Mais le mot-tabou - indépendance - a aussitôt provoqué « l'irritation » de Londres, qui ne veut entendre parler de « force européenne séparée » de l'OTAN.
Tony Blair ne veut pas de force européenne "séparée" de l'OTAN
En fait, ce sont les Etats-Unis qui ont ouvert le feu, avant même le début du sommet de Nice. Washington s'est inquiété d'un éventuel affaiblissement de l'OTAN si l'Union européenne ne coopère pas étroitement avec elle. « Il faut éviter de créer une nouvelle bureaucratie » au sein de l'UE, qui « entrerait en concurrence » avec celle qui existe déjà à l'OTAN, a déclaré William Cohen, le secrétaire américain à la Défense. Mais le mot bureaucratie semble signifier commandement, aux yeux de William Cohen, et l'Europe peut difficilement accepter de placer de facto sa force d'intervention sous commandement américain et ne peut que vouloir se doter d'une logistique autonome, y compris dans les domaines-clé du renseignement et du transport.
Seul le gouvernement britannique de Tony Blair a fait entendre un son de cloche différent, ces derniers jours. Alors que son armée avait ouvertement critiqué la gestion de la guerre du Kosovo, et semble se ranger de plus en plus sur les positions des autres membres de l'UE. Mais l'armée de Sa Majesté n'a visiblement pas les mêmes soucis électoraux que le gouvernement Blair : les conservateurs sont majoritairement opposés à cette force européenne. C'est sans doute pour cela que Blair a soudainement retrouvé des accents très pro-américains : « il pourrait y avoir des circonstances pour lesquelles l'OTAN ne voudrait pas être engagée, par exemple parce que les Etats-Unis n'y participeraient pas. Mais, il n'y a aucune proposition, ni désir ou décision d'une capacité européenne séparée », a-t-il précisé.
Ce qui confirme que la question de l'autonomie, voire de l'indépendance, de la force européenne d'intervention rapide n'a pas été définitivement réglée, en dépit des efforts de la présidence française. Interrogé sur les « inquiétudes » américaines, Jacques Chirac a dit jeudi 7 décembre : « il n'y a pas lieu de s'inquiéter, mais l'Europe est déterminée à apporter sa propre contribution à sa propre sécurité. L'Europe de la défense n'est pas du tout de nature à affaiblir l'Alliance (atlantique), mais au contraire à la renforcer ». Ce que Washington a visiblement du mal à comprendre. Et à accepter.
Les Etats-Unis ont, semble-t-il, critiqué l'Allemagne de Schröder, dans les coulisses de l'OTAN, en l'accusant de ne pas beaucoup contribuer financièrement à l'effort militaire de l'Alliance. De plus, ils ne conçoivent pas que l'Europe puisse prendre en charge seule autre chose que des « crises mineures ». Quant à Londres, elle insiste toujours sur le fait que l'OTAN doit garder une sorte de « priorité opérationnelle et stratégique » sur la gestion de toutes les « grandes crises ». Ce qui vide de son contenu le concept même de force commune européenne d'intervention rapide.
De son côté, la France, qui a quitté la structure militaire intégrée de l'OTAN en 1966, pense - comme presque tous les autres membres de l'UE - que celle-ci doit être dotée d'une planification militaire spécifique, et donc autonome, voire indépendante. L'UE ne veut surtout pas se retrouver dans la même situation de « dépendance totale » vis-à-vis du commandement (américain) de l'OTAN que durant la « campagne de frappes aériennes » contre la Serbie de Milosevic. A l'époque la décision concernant les cibles stratégiques n'était guère partagée entre les différents pays. Ce qui avait irrité tous les généraux européens, y compris les Britanniques.
Tony Blair ne veut pas de force européenne "séparée" de l'OTAN
En fait, ce sont les Etats-Unis qui ont ouvert le feu, avant même le début du sommet de Nice. Washington s'est inquiété d'un éventuel affaiblissement de l'OTAN si l'Union européenne ne coopère pas étroitement avec elle. « Il faut éviter de créer une nouvelle bureaucratie » au sein de l'UE, qui « entrerait en concurrence » avec celle qui existe déjà à l'OTAN, a déclaré William Cohen, le secrétaire américain à la Défense. Mais le mot bureaucratie semble signifier commandement, aux yeux de William Cohen, et l'Europe peut difficilement accepter de placer de facto sa force d'intervention sous commandement américain et ne peut que vouloir se doter d'une logistique autonome, y compris dans les domaines-clé du renseignement et du transport.
Seul le gouvernement britannique de Tony Blair a fait entendre un son de cloche différent, ces derniers jours. Alors que son armée avait ouvertement critiqué la gestion de la guerre du Kosovo, et semble se ranger de plus en plus sur les positions des autres membres de l'UE. Mais l'armée de Sa Majesté n'a visiblement pas les mêmes soucis électoraux que le gouvernement Blair : les conservateurs sont majoritairement opposés à cette force européenne. C'est sans doute pour cela que Blair a soudainement retrouvé des accents très pro-américains : « il pourrait y avoir des circonstances pour lesquelles l'OTAN ne voudrait pas être engagée, par exemple parce que les Etats-Unis n'y participeraient pas. Mais, il n'y a aucune proposition, ni désir ou décision d'une capacité européenne séparée », a-t-il précisé.
Ce qui confirme que la question de l'autonomie, voire de l'indépendance, de la force européenne d'intervention rapide n'a pas été définitivement réglée, en dépit des efforts de la présidence française. Interrogé sur les « inquiétudes » américaines, Jacques Chirac a dit jeudi 7 décembre : « il n'y a pas lieu de s'inquiéter, mais l'Europe est déterminée à apporter sa propre contribution à sa propre sécurité. L'Europe de la défense n'est pas du tout de nature à affaiblir l'Alliance (atlantique), mais au contraire à la renforcer ». Ce que Washington a visiblement du mal à comprendre. Et à accepter.
Les Etats-Unis ont, semble-t-il, critiqué l'Allemagne de Schröder, dans les coulisses de l'OTAN, en l'accusant de ne pas beaucoup contribuer financièrement à l'effort militaire de l'Alliance. De plus, ils ne conçoivent pas que l'Europe puisse prendre en charge seule autre chose que des « crises mineures ». Quant à Londres, elle insiste toujours sur le fait que l'OTAN doit garder une sorte de « priorité opérationnelle et stratégique » sur la gestion de toutes les « grandes crises ». Ce qui vide de son contenu le concept même de force commune européenne d'intervention rapide.
De son côté, la France, qui a quitté la structure militaire intégrée de l'OTAN en 1966, pense - comme presque tous les autres membres de l'UE - que celle-ci doit être dotée d'une planification militaire spécifique, et donc autonome, voire indépendante. L'UE ne veut surtout pas se retrouver dans la même situation de « dépendance totale » vis-à-vis du commandement (américain) de l'OTAN que durant la « campagne de frappes aériennes » contre la Serbie de Milosevic. A l'époque la décision concernant les cibles stratégiques n'était guère partagée entre les différents pays. Ce qui avait irrité tous les généraux européens, y compris les Britanniques.
par Elio Comarin
Article publié le 08/12/2000