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Cameroun

Un observatoire des élections contesté

Après le Sénégal, le Cameroun aura son Observatoire national des élections (ONEL). Le projet de la présidence camerounaise a été discuté jusqu'à tôt ce lundi matin par le parlement. L'opposition, qui a tenté en vain d'amender le texte pour transformer l'ONEL en Commission électorale nationale indépendante (CENI), reste sur sa faim.
Le Cameroun n'aura pas la Commission électorale nationale indépendante (CENI) que réclame en vain l'opposition depuis 1997, mais un Observatoire national des élections (ONEL), sur le modèle existant au Sénégal. Les députés camerounais ont planché de longues heures, entre dimanche et lundi matin, sur le projet déposé par la présidence camerounaise et sur un autre texte concernant le financement des partis politiques. Le SDF (Social Democratic Front), le principal parti d'opposition, avait déposé près de cinquante amendements, qui visaient principalement à transformer cette structure en organe indépendant. Certaines modifications mineures ont été approuvées par un parlement dominé par le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), au pouvoir, mais le parti de John Fru Ndi n'a pas obtenu de concessions sur l'essentiel.

Le projet fait de l'ONEL une «structure indépendante chargée de la supervision et du contrôle des opérations électorales», dont les membres «sont choisis parmi les personnalités indépendantes» connues pour leur «intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité». Néanmoins leur désignation reste entre les mains du président de la République, contrairement au souhait de l'opposition qui, par ailleurs, demandait l'attribution de l'ensemble de l'organisation des élections à une structure indépendante. Alors que l'ONEL n'aura qu'une fonction de surveillance du processus.

«Le Cameroun n'est pas le Sénégal»

Le pouvoir a copié le modèle sénégalais. Mais le Cameroun n'est pas le Sénégal, proteste Joseph Mbah-Ndam, président du groupe parlementaire SDF, qui rappelle la toute puissance de l'administration camerounaise. Le Sénégal est un pays où il y a un niveau acceptable d'évolution démocratique, ce qui n'est pas le cas du Cameroun.» Lors des dernières élections législatives puis présidentielles sénégalaises, le rôle de l'ONEL, pourtant décrié par l'opposition lors de sa création, a fait l'unanimité. Ce qui fait dire aux adversaires de Paul Biya que la mise en place d'un observatoire du même nom au Cameroun vise essentiellement à «redorer son image», alors que Yaoundé s'apprête à accueillir un sommet franco-africain du 17 au 19 janvier prochain et que les adversaires du chef de l'Etat commencent à hausser le ton.

Côté gouvernemental, on assure que la décision de Paul Biya est l'aboutissement logique des consultations engagées depuis 1997 d'abord avec le SDF, puis avec l'UNDP (Union nationale pour la démocratie et le progrès), un parti d'opposition «modéré» rallié à la coalition gouvernementale. «Avant le projet n'était pas mûr. Finalement, il a fallu faire le saut», jure Grégoire Owona, ministre Chargé des relations avec le parlement et secrétaire général adjoint du RDPC. Mais il reconnaît à demi-mot que les «consultations et rencontres» du président Biya, cette année, avec ses partenaires extérieurs n'y sont pas étrangères. Face aux critiques, ce cacique du parti au pouvoir souligne d'autre part les lourdeurs qu'entraîneraient de toute façon la création d'une CENI qui impliquerait, selon lui, la mise en place d'une administration parallèle.

Dans la perspective des prochaines élections locales, les autres sujets de contentieux ne manquent pas. A commencer par le statut des vingt plus grandes villes du pays, dont la gestion échappe de facto aux maires élus. Peu après les municipales de janvier 1996, le gouvernement avait nommé à leur tête des délégués du gouvernement qui disposent d'importants pouvoirs, notamment en matière financière. Une mesure très mal accueillie par l'opposition qui avait remporté treize des plus importantes agglomérations. Le SDF, comme plusieurs autres petits partis, se plaignent par ailleurs de graves problèmes d'inscription sur les listes électorales et d'attribution des cartes d'électeurs. Une manière détournée, selon eux, de manipuler les scrutins. «A peine 3, 5 millions d'électeurs sont inscrits alors qu'il devrait y en avoir environ 8 millions», affirme Garga Haman, leader de l'Alliance pour la démocratie et le développement (ADD), une petite formation d'opposition.

La porte n'est toutefois pas entièrement fermée, assure Grégoire Owona. Soulignant que le report des prochaines élections locales est déjà acquis, il laisse entendre que des discussions sont encore possibles sur ces questions. Ni le report, ni la date officielle du scrutin n'avaient toutefois officiellement été annoncées ce lundi. En 1996, il s'était tenu avec quatre années de retard sur l'échéance prévue.



par Christophe  Champin

Article publié le 04/12/2000