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Burundi

Un gros chèque pour la paix

Réunis à Paris, les bailleurs de fonds internationaux ont décidé mardi 12 décembre de reprendre leur aide à Bujumbura pour soutenir la reconstruction et le processus de paix engagés dans ce pays. L'enveloppe promise de 440 millions de dollars dépasse les espérances du Burundi.
Les bailleurs de fonds viennent de faire une beau cadeau au Burundi. Près de quatre ans après la suspension de l'aide internationale, puis une reprise partielle de l'assistance humanitaire en 1998, les institutions financières internationales et les pays donateurs, réunis les 11 et 12 décembre à Paris, ont décidé de faire un geste significatif. Pas moins de 440 millions de dollars seront débloqués en 2001 et 2002 en faveur de ce petit pays de la région des Grands Lacs, meurtri par une violente guerre civile, depuis 1993.

«Les résultats sont au-delà de nos espérances», s'est réjouit Nelson Mandela, médiateur du conflit, qui présidait cette réunion parrainée par la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Organisée à l'initiative de l'ancien chef de l'Etat sud-africain, cette conférence a ceci d'exceptionnel que les organisations et pays donateurs ont opté pour la reprise d'un soutien financier important à un Etat toujours en guerre. Fin août dernier, un accord de paix censé mettre fin à sept années d'une guerre civile ayant coûté la vie à 200 000 burundais a été signé à Arusha par 19 partis politiques et le gouvernement burundais. Mais deux acteurs essentiels de ce conflit, à savoir les mouvements rebelles hutus du CNDD-FDD et du FNL, ont jusqu'à maintenant refusé de parapher le texte.

«Un témoignage de solidarité à ceux qui aspirent à la paix»

Au lieu d'attendre l'issue des négociations en cours avec les mouvements armés, la communauté internationale, poussée par Nelson Mandela, espère que la reprise de l'aide emportera leurs réticences. «Les donateurs ne se laisseront pas intimider par la violence. Ils ne tolèrent pas que six millions de burundais soient pris en otage par ceux qui sont incapables de dépasser leurs intérêts partisans. Tous les contributeurs au redressement du Burundi apportent un témoignage de solidarité à ceux qui aspirent à la paix», a souligné le président Chirac, dans un message lu par le ministre des Finances Laurent Fabius.

Les bailleurs de fonds ont toutefois apporté un bémol. Ils se sont engagés à accroître leur aide au-delà de la première enveloppe promise, «si la paix et la réconciliation continuent à faire des progrès et si le Burundi a mis en place un programme économique solide», a souligné la Banque Mondiale. Dans le cas contraire, et notamment si les combats reprennent, l'aide serait immédiatement stoppée.

Pour Nelson Mandela, celle-ci est l'une des clés de la fin des combats: «Ce conflit est aussi un conflit d'intérêts pour obtenir des postes de pouvoir qui donnent accès à des ressources importantes, d'où la nécessité de développer le secteur privé dans ce pays pour offrir d'autres sources d'enrichissement à la population.» Il a aussi évoqué la situation humanitaire alarmante de ce pays. Selon la Banque mondiale, depuis 1993, la mortalité infantile a fortement augmenté, de même que la malnutrition. Et les chiffres font état d'une hausse de 200% des maladies endémiques graves, dont le sida, qui est en progression rapide. Le soutien de la communauté internationale vise d'ailleurs essentiellement à l'amélioration de la situation sanitaire, à la lutte contre la pauvreté, à la réinsertion des réfugiés, des déplacés et à la démobilisation des membres de milices.

La reprise de l'aide constitue un pas significatif. Toutefois, la fin de la guerre civile n'est pas encore acquise. Si «Madiba», épaulé par l'Ouganda et le vice-président sud-africain Jacob Zuma, ne ménage pas ses efforts pour obtenir des mouvements hutus armés la signature d'un cessez-le-feu, les attaques se sont multipliées dans les environs de Bujumbura jusqu'à ces derniers jours. Or, la paix ne dépend pas de la seule volonté des burundais, estime Nelson Mandela : «Il ne peut y avoir d'avancée significative au Burundi sans une solution en République démocratique du Congo [voisine].» La RDC est en effet considérée, avec la Tanzanie, comme l'une des principales bases arrières des mouvements armés hutus, dont des combattants se battent aux côtés des troupes de Laurent Désiré Kabila et des ex-Interhamwe rwandais. Le pari des donateurs est donc louable mais risqué.





par Christophe  Champin

Article publié le 13/12/2000