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Nigeria

Le pétrole ne fait pas le bonheur

Une nouvelle grève des travailleurs du secteur pétrolier a été déclenchée fin novembre au Nigeria pour appuyer des revendications salariales alors que le pays connaît déjà des pénuries de carburant qui frappent aussi bien les entreprises que les particuliers. Il est encore trop tôt pour déterminer l'impact de cette nouvelle grève qui, si elle durait et s'étendait, pourrait avoir à terme un impact sur les prix du marché mondial puisque la plus grande partie du pétrole nigérian est exportée vers les Etats-Unis.
La dernière grève intervient au moment où le Nigeria est de nouveau frappé par un accident d'oléoduc près de Lagos, la capitale, qui a causé la mort d'au moins soixante personnes.
Cet accident est le dernier de toute une série qui a fait plusieurs centaines de victimes au cours des deux dernières années, principalement dans le delta où est produite la plus grande partie du brut nigérian. En juillet dernier, au moins deux cent cinquante villageois qui cherchaient de l'essence d'un oléoduc qui fuyait, ont été tués dans une explosion. La société nationale de pétrole (NNPC) affirme que ces catastrophes ont été causées par des «voleurs de pétrole» à la recherche de carburant pour le revendre au marché noir.

Mais en fait c'est l'ensemble de la population qui souffre de ces pénuries chroniques que le président Olusegun Obasanjo attribue, lui-même, à la mauvaise gestion, au manque d'entretien des quatre raffineries du pays et la corruption qui a sévi au cours des années de dictature militaire. Obasanjo - qui a été de 1976 à 1979 l'un des chefs d'Etat militaires du Nigeria avant de remettre le pouvoir à un gouvernement civil - a voulu dès son élection jouer à fond la carte de la transparence et de la lutte contre la corruption pour rassurer les investisseurs et les bailleurs de fonds étrangers.

Négligence et mauvaise gestion

Dans une interview à la BBC cet automne, Obasanjo a accusé les responsables des quatre raffineries du pays de négligence et de mauvaise gestion. Il a par ailleurs estimé que la corruption endémique des administrations passées est la cause fondamentale de la situation actuelle de pénurie et de la crise économique qui frappe le pays. «Il y a une corruption massive partout, a-t-il dit. La corruption a totalement détruit le tissu social nigérian et son infrastructure», a-t-il ajouté, pointant un doigt accusateur sur «l'avidité de certains fonctionnaires», qui, selon lui, cherchent à s'enrichir en important des carburants au dépens des quatre raffineries nationales. Celles-ci ont produit entre 10% et 30% de leur capacité pendant la plus grande partie de cette année et la production a du être arrêtée par période pour entretien ou réparations. Le mauvais état des raffineries a fréquemment privé l'industrie d'électricité.

La Banque Mondiale qui appuie les efforts d'Obasanjo pour lutter contre la pauvreté d'une grande partie de la population fait pression pour la libéralisation du secteur pétrolier afin d'accélérer la privatisation de quatre raffineries qui ont une capacité théorique de 445.000 barils/jour. La Banque a préparé une étude du secteur pétrolier pour le compte du gouvernement fédéral qui espère pouvoir lancer le processus de privatisation au printemps prochain. Les experts estiment cependant que la vente de ces installations sera problématique tant que les prix de leur produits ne sont pas libéralisés. Obasanjo avait essayé au début de l'année de supprimer les subventions aux prix de carburant mais s'était heurté à l'opposition des syndicats et une grève générale avait paralysé le pays et provoqué des émeutes.

Malgré les difficultés actuelles, le président nigérian vise une forte accélération de la croissance à quelque 10% par an d'ici 2003, contre les 3% prévus cette année, grâce aux efforts pour attirer des investissements étrangers de l'ordre de 10 milliards de dollars l'an, notamment dans le secteur pétrolier. Pays le plus peuplé du continent africain avec près de 120 millions d'habitants, le Nigeria est le principal producteur de pétrole de l'Afrique sub-saharienne et le sixième de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), avec une production moyenne d'un peu plus de deux millions de barils-jour, appelée à fortement augmenter à terme avec l'attribution prévue l'année prochaine de nouveaux blocs d'exploration pétrolière en eau profonde.

Il figure pour l'instant parmi les 20 pays les plus pauvres du monde avec un PIB par habitant qui est passé de 1000 dollars à la fin des années 70 à 240 dollars au milieu des années 90, selon la Banque Mondiale.



par Marie  Joannidis

Article publié le 01/12/2000