Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Rallye Paris-Dakar

La fausse alerte du Front Polisario

Après avoir averti qu'il reprendrait les armes contre le Maroc si les concurrents du Paris-Dakar pénétraient au Sahara occidental, le mouvement indépendantiste sahraoui a annoncé, au soir du dimanche 7 janvier 2001, qu'il renonçait à mettre sa menace à exécution. Les concurrents sont arrivés lundi en Mauritanie.
Cédant à l'amicale pression de certains pays, le Front Polisario n'a finalement pas repris «ses activités militaires» contre le Maroc, à l'occasion du passage du rallye Paris-Dakar sur le territoire contesté du Sahara occidental. C'est, selon un communiqué du mouvement, à l'appel du Togo, président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), et de «pays amis», tels que l'Algérie et les Etats-Unis, qu'il a décidé de ne pas rompre la trêve en vigueur depuis près de dix ans.

La caravane du rallye a donc pu parcourir, dimanche, sans encombre mais sous très haute surveillance de l'armée marocaine, sa 7ème étape entre les villes de Goulimine, au sud du Maroc, et Smara, au Sahara occidental. Camions militaires, jeeps armées de mitrailleuses, hélicoptères marocains et onusiens, toutes les précautions avaient été prises pour que les concurrents puissent garder l'£il sur la piste, sans être distraits par quelque fusillade intempestive. «Il y avait effectivement beaucoup de militaires-spectateurs sur la piste», ironisait le Français Richard Sainct, premier au classement général motos, selon qui «c'était une journée très caillouteuse et très piégeuse. Et le paysage n'était pas très sympa».

Ce lundi 8 janvier, les pilotes devaient encore parcourir une centaine de kilomètres sur ce territoire saharien que se disputent depuis 1975 le Maroc et le Polisario, en franchissant le mur construit dans les années 80 pour empêcher les incursions indépendantistes. Les bulldozers marocains y ont spécialement creusé une brèche pour laisser passer voitures, motos, ainsi que le lourd dispositif d'assistance, à destination de la Mauritanie.

Le mouvement indépendantiste avait pourtant proclamé solennellement, et à plusieurs reprises, qu'il reprendrait les armes si le rallye traversait ce qu'il appelle «la frontière maroco-sahraouie», mettant en garde contre «les conséquences incalculables» qu'aurait le passage de l'épreuve. Cette intrusion constituait, selon lui, «une violation flagrante», de la part de Rabat, du cessez-le-feu en vigueur depuis le 6 septembre 1991 et supervisé par l'Organisation des nations unies (ONU).

Le chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz, avait affirmé jeudi dernier au quotidien algérien Al Watan que si les organisateurs du rallye ne tenaient pas compte de cette mise en garde, «le théâtre des opérations militaires sera total. (à) Il sera difficile, dans ces conditions, de faire la distinction entre ce qui est rallye et ce qui ne l'est pas». A Paris, le ministère des Affaires étrangères avait fait part de sa préoccupation et déclaré suivre l'épreuve de près. «Nous avons attiré l'attention des organisateurs sur le contexte politique et militaire de certaines régions».

En définitive, pas un coup de feu n'a été tiré, ce lundi, dans l'ancienne colonie espagnole. Mais un accident a assombri lµétape: un véhicule d'assistance qui s'était écarté de la piste a sauté sur une mine, blessant grièvement son conducteur, dont le pied a été arraché. L'explosion de l'engin, sans doute enfoui depuis des années, a quelque peu entamé la confiance affichée la veille par le directeur du rallye-raid, Hubert Auriol, qui déclarait avoir reçu de ses interlocuteurs marocains et mauritaniens «toutes les garanties nécessaires pour un bon déroulement». A Rabat, le ministre de la Culture avait affirmé que son pays avait «l'habitude de ces gesticulations».

Pourquoi cette volte-face du Polisario? Certains y voient un aveu de faiblesse devant le déploiement de forces marocain. Ou une renonciation après l'avertissement de l'ONU qui avait, vendredi, prévenu que toute reprise d'actions militaires constituerait «une violation flagrante du cessez-le-feu». D'autres estiment que le mouvement sahraoui, qui a vu le soutien algérien se faire de moins en moins ferme ces dernières années, et qui peine à se faire entendre sur la scène internationale, a cherché à s'attirer les feux de l'actualité. Quelle meilleure occasion que ce rallye très médiatisé, sur lequel les menaces ne manqueraient pas de mobiliser télévisions et radios européennes ? L'an dernier, l'annonce d'un danger terroriste sur une étape au Niger avait contraint les organisateurs à mettre en place un très coûteux pont aérien dont la presse avait fait ses choux gras.

Le Polisario se défend de ces accusations. «Ce n'est pas une mise en scène, assure Bouchallga Brahim, le n°2 du mouvement en France. Le problème n'est pas de médiatiser la question du Sahara occidental. Il y a tout un peuple qui lutte pour son indépendance et son autodétermination et qui est en attente depuis près d'un quart de siècle».

Dans le passé, cinq éditions du rallye avaient emprunté le même itinéraire à travers cette région, sans que le Polisario ne profère des menaces. Il faut dire qu'à l'époque, TSO avait pris soin de contacter le mouvement sahraoui. Cette fois, les organisateurs ne l'ont prévenu qu'après qu'il eut lancé sa menace. Tandis que la presse marocaine, unanime à accuser l'Algérie d'avoir orchestré l'opération, voit dans l'étape sans encombre de dimanche «la défaite des mercenaires du Polisario», les concurrents se dirigeait lundi soir vers El Ghallaouiya, en Mauritanie.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 08/01/2001