Défense
Un bouclier antimissile, avec ou sans l'Europe
L'administration républicaine est plus déterminée que jamais à mettre en place un bouclier anti-missile, destiné à protéger les Etats-Unis et leurs alliés européens qui le souhaitent, contre les Etats dits «parias». Les Russes et les Chinois sont farouchement opposés au projet qui risque de replonger la planète dans une course aux armements.
De notre correspondant à New York
Tactiquement, le nouveau secrétaire à la défense américain est un maître. Pour imposer le bouclier antimissile dont le monde ne veut pas, Donald Rumsfeld applique une bonne vieille recette : diviser pour mieux régner. Jusque là, les Européens faisaient bloc contre le nouvel arsenal, destiné à protéger l'Amérique des missiles longue portée des Etats dits «parias», comme l'Irak ou la Corée du Nord. Qu'à cela ne tienne, Donald Rumsfeld a semé la confusion. Au cours d'une conférence des experts de défense européens, américains et asiatiques, le week-end dernier à Munich, il a offert son aide à ceux de ses alliés qui souhaiteraient s'offrir le coûteux système antimissile.
La proposition a eu pour immédiate conséquence de brouiller les cartes. La France et l'Allemagne campent fermement sur leur opposition au projet, susceptible selon elles de remettre en cause le concept de dissuasion. Mais la Grande-Bretagne, fidèle alliée des Etats-Unis, se laisserait bien tenter. D'autant que la modernisation de sa base radar de Fylingdales ferait partie intégrante du projet. Toutefois, ce partenariat serait scellé au prix d'une marginalisation au sein de l'Europe de la défense. En attendant de trancher, le ministre des Affaires étrangères Robin Cook a estimé qu'il s'agissait «d'un débat américain, pas britannique». Mais pour combien de temps ?
Changement de ton européen
A Munich, les autres pays européens se sont montrés incrédules ou réticents à engloutir des milliards de dollars dans une technologie encore hasardeuse. Mais la presse américaine a noté le changement de ton : «En dépit d'espoirs profondément ancrés que la question des missiles de défense soit enterrée, les officiels européens semblent désormais accepter, à contrecoeur, le fait que la nouvelle équipe américaine soit déterminée à aller de l'avant» a écrit le New York Times du 5 février. Donald Rumsfeld a été très clair sur ce point, le projet se fera, avec ou sans les alliés. «Aucun président américain ne peut de façon responsable laisser le peuple américain sans défense contre des menaces connues», a-t-il expliqué, ajoutant que le bouclier anti-missile «n'est une menace pour personne. C'est un fait. Personne ne doit s'en inquiéter, à part ceux qui voudraient menacer d'autres».
Cette réthorique mâle n'est pas une surprise, l'ex-secrétaire à la défense de Gérald Ford a été de nouveau choisi pour cette raison. Lors de son audition de confirmation devant la commission des services armés du Sénat, Rumsfeld avait répondu, à ceux qui lui objectaient que l'accord sur les missiles antibalistique (ABM) signé en 1972 avec la Russie interdit le déploiement du «bouclier» controversé : «Ce traité est de l'histoire ancienne. Il date d'avant mon arrivée au Pentagone». C'est dire.
Reste désormais à convaincre les Russes. Enfant de la guerre froide, Rumsfeld sait que la tâche sera longue et ardue, il a reçu cinq sur cinq les menaces de Vladimir Poutine. A Munich, il a soigneusement évité le sujet, si ce n'est pour sous-entendre que l'arsenal russe n'était en rien concerné par son projet. «Cela aura pour conséquence d'annihiler toute la structure de stabilité stratégique et va créer les conditions d'une nouvelle course aux armements» a froidement répondu Sergeï Ivanov, patron du conseil de sécurité de Poutine.
Bon perdant, le sénateur Lieberman est venu à la rescousse de la nouvelle administration. L'ancien co-candidat à la présidence a évoqué une possible collaboration avec la Russie. Sauf que lui est partisan d'un système antimissile embarqué à bord de bateaux, qui ciblerait les missiles ennemis dès qu'ils seraient tirés. Cela a le mérite de ne pas concerner les missiles mis à feu depuis le centre de la Russie, mais le plan Bush est plus ambitieux, et prétend protéger l'Amérique contre d'éventuels tirs accidentels. A ce compte là, la Chine aura également son mot à dire. Sinon, Pékin risque de tout faire pour moderniser ses 18 lanceurs terrestres, et entraîner dans son sillage l'Inde et le Pakistan.
Tactiquement, le nouveau secrétaire à la défense américain est un maître. Pour imposer le bouclier antimissile dont le monde ne veut pas, Donald Rumsfeld applique une bonne vieille recette : diviser pour mieux régner. Jusque là, les Européens faisaient bloc contre le nouvel arsenal, destiné à protéger l'Amérique des missiles longue portée des Etats dits «parias», comme l'Irak ou la Corée du Nord. Qu'à cela ne tienne, Donald Rumsfeld a semé la confusion. Au cours d'une conférence des experts de défense européens, américains et asiatiques, le week-end dernier à Munich, il a offert son aide à ceux de ses alliés qui souhaiteraient s'offrir le coûteux système antimissile.
La proposition a eu pour immédiate conséquence de brouiller les cartes. La France et l'Allemagne campent fermement sur leur opposition au projet, susceptible selon elles de remettre en cause le concept de dissuasion. Mais la Grande-Bretagne, fidèle alliée des Etats-Unis, se laisserait bien tenter. D'autant que la modernisation de sa base radar de Fylingdales ferait partie intégrante du projet. Toutefois, ce partenariat serait scellé au prix d'une marginalisation au sein de l'Europe de la défense. En attendant de trancher, le ministre des Affaires étrangères Robin Cook a estimé qu'il s'agissait «d'un débat américain, pas britannique». Mais pour combien de temps ?
Changement de ton européen
A Munich, les autres pays européens se sont montrés incrédules ou réticents à engloutir des milliards de dollars dans une technologie encore hasardeuse. Mais la presse américaine a noté le changement de ton : «En dépit d'espoirs profondément ancrés que la question des missiles de défense soit enterrée, les officiels européens semblent désormais accepter, à contrecoeur, le fait que la nouvelle équipe américaine soit déterminée à aller de l'avant» a écrit le New York Times du 5 février. Donald Rumsfeld a été très clair sur ce point, le projet se fera, avec ou sans les alliés. «Aucun président américain ne peut de façon responsable laisser le peuple américain sans défense contre des menaces connues», a-t-il expliqué, ajoutant que le bouclier anti-missile «n'est une menace pour personne. C'est un fait. Personne ne doit s'en inquiéter, à part ceux qui voudraient menacer d'autres».
Cette réthorique mâle n'est pas une surprise, l'ex-secrétaire à la défense de Gérald Ford a été de nouveau choisi pour cette raison. Lors de son audition de confirmation devant la commission des services armés du Sénat, Rumsfeld avait répondu, à ceux qui lui objectaient que l'accord sur les missiles antibalistique (ABM) signé en 1972 avec la Russie interdit le déploiement du «bouclier» controversé : «Ce traité est de l'histoire ancienne. Il date d'avant mon arrivée au Pentagone». C'est dire.
Reste désormais à convaincre les Russes. Enfant de la guerre froide, Rumsfeld sait que la tâche sera longue et ardue, il a reçu cinq sur cinq les menaces de Vladimir Poutine. A Munich, il a soigneusement évité le sujet, si ce n'est pour sous-entendre que l'arsenal russe n'était en rien concerné par son projet. «Cela aura pour conséquence d'annihiler toute la structure de stabilité stratégique et va créer les conditions d'une nouvelle course aux armements» a froidement répondu Sergeï Ivanov, patron du conseil de sécurité de Poutine.
Bon perdant, le sénateur Lieberman est venu à la rescousse de la nouvelle administration. L'ancien co-candidat à la présidence a évoqué une possible collaboration avec la Russie. Sauf que lui est partisan d'un système antimissile embarqué à bord de bateaux, qui ciblerait les missiles ennemis dès qu'ils seraient tirés. Cela a le mérite de ne pas concerner les missiles mis à feu depuis le centre de la Russie, mais le plan Bush est plus ambitieux, et prétend protéger l'Amérique contre d'éventuels tirs accidentels. A ce compte là, la Chine aura également son mot à dire. Sinon, Pékin risque de tout faire pour moderniser ses 18 lanceurs terrestres, et entraîner dans son sillage l'Inde et le Pakistan.
par Philippe Bolopion
Article publié le 09/02/2001