Afghanistan
Les talibans dynamitent les statues
Le régime islamiste des talibans affirme avoir entamé, jeudi 1er mars 2001, la destruction de toutes les statues d'Afghanistan, dont des chefs d'£uvre du bouddhisme, en dépit du tollé international soulevé par cette décision. Le directeur général de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura, a dépêché auprès des talibans un émissaire, Pierre Lafrance, pour tenter de les convaincre d'y renoncer.
Rien n'y a fait. Ni les protestations occidentales, ni les critiques des pays bouddhistes asiatiques, ni les appels de l'Unesco, ni la condamnation de l'Iran chiite, ni même celle de l'allié pakistanais, qui demande que soit protégées les statues afghanes. Le régime des talibans, cette milice intégriste non reconnue par la communauté internationale, mais qui contrôle la majeure partie de l'Afghanistan, a commencé à mettre ses menaces à exécution. «Les destructions ont commencé il y a cinq heures à travers tout le pays», a annoncé jeudi à la mi-journée le ministre taliban de l'Information et de la culture. Il a réaffirmé que «toutes les statues seront détruites», conformément au décret du mollah Omar, dirigeant suprême des «étudiants en théologie» formés et armés par le Pakistan.
Comment le processus destructeur se déroulera-t-il ? Combien de temps cela va-t-il prendre ? Qu'en est-il des célèbres bouddhas géants sculptés dans la falaise de Bamiyan (centre), ces chefs d'£uvre inestimables de l'art bouddhique pré-islamique, qui sont déjà endommagés et dont l'un, avec ses 55 m de haut, est le plus grand du monde? Le ministre ne l'a pas précisé. Il a toutefois indiqué que «les statues ont déjà été détruites dans les provinces de Ghazni (centre), Kandahar (sud), Hérat (ouest), et Jalalabad (est). (à) Les destructions sont aussi en cours au musée de Kaboul».
«Il ne s'agit que de casser des pierres»
En début de semaine, le mollah Omar avait ordonné à ses troupes, après consultation de la Cour suprême afghane et des oulémas, les théologiens musulmans, de détruire toutes les statues du pays, considérées comme «anti-islamiques». Selon lui, la destruction des statues est une «injonction de l'islam», car il s'agit d'£uvres figuratives pouvant générer l'idolâtrie. Répondant aux réactions internationales d'indignation soulevées par ce projet, le dirigeant afghan a estimé que «si les statues ne sont pas l'objet d'un culte, alors il ne s'agit que de casser des pierres». L'application de ce décret a été confiée au ministère de l'Information et de la culture, et à celui de la Promotion de la vertu et de la répression du vice.
Malgré le régime de terreur instauré en Afghanistan par les talibans, quelques voix se font entendre, dans le pays, de manière discrète ou anonyme, pour exprimer la tristesse de voir disparaître ces merveilles du passé national. Les condamnations les plus fermes sont venues des pays bouddhistes, comme la Thaïlande et le Sri Lanka. Outre l'Iran et le Pakistan voisins, la réprobation vient également des Etats-Unis, qui se disent «bouleversés et déconcertés», de la France, qui met en garde le régime islamiste contre «l'hostilité» de la communauté internationale, de la Russie, qui dénonce le «vandalisme» des talibans, de l'ONU, dont le secrétaire général Kofi Annan demande la préservation de ce patrimoine commun de l'humanité, et de l'Unesco, l'agence onusienne chargée de la culture, dont le directeur général Koïchiro Matsuura a demandé à l'ambassadeur du Pakistan en France des pressions de son pays pour empêcher la destruction des statues.
La décision des talibans semble donc irrévocable. Au delà de la catastrophe culturelle qu'elle engendre, cette frénésie destructrice soulève quelques interrogations. Certains experts relèvent que sans le passé, alors que des talibans extrémistes menaçaient déjà ces «idoles» non islamiques, le même mollah Omar avait pris plusieurs décrets pour les protéger. Et qu'il était question, selon un archéologue afghan en exil, de restaurer des statues du musée de Kaboul détruites dans des bombardements. Le journaliste Olivier Weber, un des derniers occidentaux à s'être rendus sur place durant l'été 2000, estime que cette fatwa est «très bizarre et prouverait que le régime taliban est bien une nébuleuse contradictoire». Quant à l'ambassadeur d'Afghanistan à Téhéran, qui représente le régime de l'ancien président Rabbani, la destruction systématique des statues afghanes n'aurait aucune motivation religieuse: «Elle couvre, affirme-t-il, un trafic organisé d'antiquités».
Comment le processus destructeur se déroulera-t-il ? Combien de temps cela va-t-il prendre ? Qu'en est-il des célèbres bouddhas géants sculptés dans la falaise de Bamiyan (centre), ces chefs d'£uvre inestimables de l'art bouddhique pré-islamique, qui sont déjà endommagés et dont l'un, avec ses 55 m de haut, est le plus grand du monde? Le ministre ne l'a pas précisé. Il a toutefois indiqué que «les statues ont déjà été détruites dans les provinces de Ghazni (centre), Kandahar (sud), Hérat (ouest), et Jalalabad (est). (à) Les destructions sont aussi en cours au musée de Kaboul».
«Il ne s'agit que de casser des pierres»
En début de semaine, le mollah Omar avait ordonné à ses troupes, après consultation de la Cour suprême afghane et des oulémas, les théologiens musulmans, de détruire toutes les statues du pays, considérées comme «anti-islamiques». Selon lui, la destruction des statues est une «injonction de l'islam», car il s'agit d'£uvres figuratives pouvant générer l'idolâtrie. Répondant aux réactions internationales d'indignation soulevées par ce projet, le dirigeant afghan a estimé que «si les statues ne sont pas l'objet d'un culte, alors il ne s'agit que de casser des pierres». L'application de ce décret a été confiée au ministère de l'Information et de la culture, et à celui de la Promotion de la vertu et de la répression du vice.
Malgré le régime de terreur instauré en Afghanistan par les talibans, quelques voix se font entendre, dans le pays, de manière discrète ou anonyme, pour exprimer la tristesse de voir disparaître ces merveilles du passé national. Les condamnations les plus fermes sont venues des pays bouddhistes, comme la Thaïlande et le Sri Lanka. Outre l'Iran et le Pakistan voisins, la réprobation vient également des Etats-Unis, qui se disent «bouleversés et déconcertés», de la France, qui met en garde le régime islamiste contre «l'hostilité» de la communauté internationale, de la Russie, qui dénonce le «vandalisme» des talibans, de l'ONU, dont le secrétaire général Kofi Annan demande la préservation de ce patrimoine commun de l'humanité, et de l'Unesco, l'agence onusienne chargée de la culture, dont le directeur général Koïchiro Matsuura a demandé à l'ambassadeur du Pakistan en France des pressions de son pays pour empêcher la destruction des statues.
La décision des talibans semble donc irrévocable. Au delà de la catastrophe culturelle qu'elle engendre, cette frénésie destructrice soulève quelques interrogations. Certains experts relèvent que sans le passé, alors que des talibans extrémistes menaçaient déjà ces «idoles» non islamiques, le même mollah Omar avait pris plusieurs décrets pour les protéger. Et qu'il était question, selon un archéologue afghan en exil, de restaurer des statues du musée de Kaboul détruites dans des bombardements. Le journaliste Olivier Weber, un des derniers occidentaux à s'être rendus sur place durant l'été 2000, estime que cette fatwa est «très bizarre et prouverait que le régime taliban est bien une nébuleuse contradictoire». Quant à l'ambassadeur d'Afghanistan à Téhéran, qui représente le régime de l'ancien président Rabbani, la destruction systématique des statues afghanes n'aurait aucune motivation religieuse: «Elle couvre, affirme-t-il, un trafic organisé d'antiquités».
par Philippe Quillerier-Lesieur
Article publié le 02/03/2001