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Angolagate

L'argent sale des ventes d'armes à l'Angola

Nouveau rebondissement dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, selon le quotidien français Le Parisien. Les services secrets français savaient depuis le début que cette vente d'armes relevait plutôt du trafic et que les deux principaux protagonistes, Pierre Falcone et Arcady Gaydamak, opéraient sous couvert de sociétés écrans et se livraient à des «opérations de blanchiment d'argent». Avec quelles complicités?
Les services secrets en charge de la sécurité extérieure de la France ont en effet fait parvenir récemment aux juges en charge de cette enquête, via le ministère de la Défense, onze «notes» confidentielles établies à compter de décembre 1993 et un document estampillé «secret-défense» qui confirment que les deux hommes d'affaires étaient sous surveillance et que leurs activités plus ou moins légales n'étaient pas inconnues dans les milieux officiels. En 1997, la DGSE écrit notamment que le duo Falcone-Gaydamak se livrait à des «activités suspectes». Ce qui n'a pas empêché les deux inculpés de continuer leurs trafics alors qu'ils étaient parallèlement des courtiers au service de la Sofremi, un organisme public français relevant du ministère de l'Intérieur et en charge de la vente à l'étranger d'équipements policiers mais aussi de matériel militaire.

Avant de s'intéresser à l'Angola, Falcone et Gaydamak ont été surveillés par la DGSE respectivement à Taïwan et au Kazakhstan. Dans un document très détaillé, daté du 14 juillet 1997 et intitulé «Poursuite des activités africaines de MM. Falcone et Gaydamak», la DGSE parle ouvertement «d'opération de blanchiment». Elle précise que les deux hommes d'affaires investissaient en Angola des fonds en provenance d'autres pays (Russie, Equateur, Colombie), via une cascade de sociétés. «L'investissement initial se trouve ainsi blanchi», ajoute-t-elle, sous couvert d'opération pétrolières. Le brut angolais était revendu sous l'étiquette de «brut russe» par la société française de Falcone (la Brenco), ce qui lui permettait ensuite de vendre des quantités équivalentes de brut russe ; après quoi ces sommes étaient «ré-injectées dans des circuits financiers par l'intermédiaire de la société Glencore». Celle-ci appartient alors à un autre personnage connu : l'américain Marc Rich, un associé de Gaydamak, mais aussi un proche de Bill Clinton, qui l'a récemment «blanchi» d'une énorme dette fiscale quelques heures à peine avant de quitter la Maison Blanche.

La politique africaine de la France «abandonnée» à certains groupes d'intérêts

«L'ensemble, poursuit la DGSE, constitue une vaste opération de blanchiment d'argent sale». Avant d'ajouter : «Si les activités de MM. Falcone et Gaydamak devaient se poursuivre de façon inchangée, il apparaîtrait clairement que certains volets de la politique africaine de la France sont abandonnés à certains groupes d'intérêts politiques et financiers particuliers».

La DGSE dénonce ainsi ouvertement le rôle joué par la Sofremi -et donc le ministère de l'Intérieur- et prend notamment ses distances vis-à-vis de l'autre service de renseignement français, la DST (en charge de la surveillance du territoire français). Dans une interview au Parisien, l'ancien numéro deux de ce service de contre-espionnage Raymond Nart, confirme que Gaydamak était en réalité l'un de ses agents de choix, et qu'il a participé directement à la libération de nombreux agents français, à la fois en Serbie et en Tchétchénie, en raison de ses liens avec les responsables russes et serbes.

Le juge Courroye en charge de cette enquête multiforme a reçu par ailleurs des «notes» rédigées par la DST qui disent presque l'exact contraire de la DGSE, en ce qui concerne l'homme d'affaire russe qui a échappé à la justice française et a trouvé refuge en Israël. Alors que la DGSE qualifie Gaydamak de «proche des milieux de la criminalité russe organisée», la DST le définit «homme d'affaires avisé».

Cette guéguerre franco-française n'est pas nouvelle, et elle a été indirectement confirmée par l'ancien patron de la DGSE de 1993 à 1999, Jacques Dewatre, actuellement ambassadeur de France à Addis Abeba. Interrogé par David Servenay de RFI, il nous a déclaré ce vendredi 23 mars qu'il était prêt à répondre à la justice, en ajoutant : «Je laisse le soin à ceux qui exercent les responsabilités aujourd'hui de répondre». En ce qui concerne Raymond Nart de la DST, il a précisé : «Il y a des gens qui vieillissent mal. Moi, je suis fonctionnaire en activité, je ne suis pas dans une société privée comme M. Nart. Il y a des gens qui font partie de cette société qui sont mêlés à cette affaire ».



par Elio  Comarin

Article publié le 23/03/2001