Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Angolagate

Jacques Attali pris dans l'affaire Falcone

Nouvel épisode dans le feuilleton des ventes d'armes à l'Angola, Jacques Attali a été mis en examen jeudi 8 mars par les juges chargés de l'affaire Falcone. L'ancien conseiller personnel de François Mitterrand est soupçonné d'avoir perçu un million et demi de FF de la société Brenco international. Les juges ont par ailleurs perquisitionné vendredi le bureau de Hubert Védrine au Quai d'Orsay.
Après Jean-Christophe Mitterrand, ancien patron de la cellule africaine de l'Elysée, c'est Jacques Attali, ex-conseiller du président François Mitterrand, qui est dans le collimateur des magistrats en charge de l'affaire du trafic d'armes vers l'Angola. Placé en garde-à-vue mercredi 7 mars dans la plus grande discrétion, il a été mis en examen le lendemain soir pour «recel d'abus de biens sociaux et trafic d'influence». Il est notamment accusé d'avoir reçu dans des conditions suspectes, un million et demi de francs de la société de Pierre Falcone, Brenco International. Jacques Attali est ressorti libre de l'interrogatoire, mais sous contrôle judiciaire, assorti d'une caution de 1 million de franc et d'une interdiction de rencontrer les personnes mises en cause dans ce dossier.

Intellectuel touche-à-tout, successivement éminence grise de François Mitterrand, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et consultant international, ce polytechnicien était jusqu'ici plus familier des bureaux de chefs d'Etat que des locaux du Palais de justice. En l'occurrence les locaux de la brigade financière, dans le neuvième arrondissement de Paris. Me Jean-Michel Darrois a d'ailleurs immédiatement indiqué que les «accusations» contre son client sont «infondées» et qu'il n'aurait «pas de mal à le démontrer».

Le nom de Jacques Attali est apparu dans l'affaire lorsque les policiers ont découvert sur une série de disquettes de la société Brenco, saisie par la police à l'automne dernier, la trace de versements, s'élevant à 1,5 millions de francs, à sa société de conseil, ACA. Les versements en question auraient rémunéré une étude sur la mise en place de micro-crédits bancaires en Angola. Selon le quotidien français le Parisien, l'étude en question aurait effectivement été remise à Brenco. Toute la question est de savoir si celle-ci méritait le paiement d'une somme aussi importante et ne cachait pas une rémunération pour un trafic d'influence. Selon ses avocats, les juges soupçonnent Jacques Attali d'avoir usé de ses relations avec un ministre pour «favoriser la résolution des ennuis fiscaux de Pierre Falcone».

Les défenseurs de l'ex-éminence grise de François Mitterrand indiquent par ailleurs que les poursuites pour recel d'abus de biens sociaux concernent, entre autres, un voyage de l'ex-éminence grise en Angola à bord d'un avion de la société de Pierre Falcone. Dans la comptabilité de ce dernier, les juges ont découvert également des paiements de «malles Fauchon», traiteur de luxe parisien, envoyées à Attali. Entendu initialement comme témoin dans l'affaire, celui-ci a, d'après le Parisien, reconnu avoir reçu «des cadeaux de Noël» de Pierre Falcone mais nié tout versement en espèce.

Avec cette nouvelle mise en examen, l'affaire Falcone-Mitterrand prend un peu plus encore l'aspect d'un dossier à tiroirs, qui semble loin d'avoir révélé tous ses secrets. Outre Jacques Attali, une dizaine d'autres personnes sont en effet concernées par ce scandale. Jean-Christophe Mitterrand et Pierre Falcone bien sûr, mais aussi l'homme clé de toute cette affaire, le puissant businessman russo-israélien Arcadi Gaydamak, contre lequel un mandat d'arrêt international a été lancé. D'Israël où il est réfugié, celui-ci nie, selon un de ses proches, le caractère illégal des ventes d'armes à l'Angola et se dit prêt à répondre à la convocation des juges français mais à condition d'éviter la détention provisoire.

Parmi les autres personnalités dans le collimateur de la justice française, on trouve l'écrivain à succès Paul-Loup Sulitzer et l'ex-pdg de la Sofirad et directeur général de Radio Monte Carlo Jean-Noël Tassez. Les magistrats enquêtent d'autre part sur d'éventuels liens entre le trafic d'armes vers l'Angola et le financement du RPF, le parti de l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua. Son homme de main, le préfet Jean-Charles Marchiani et lui-même ont été entendu comme témoin dans l'affaire.



par Christophe  Champin

Article publié le 09/03/2001