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Angolagate

Le «<i>Mauritanien</i>»

Entre Jean-Christophe Mitterrand et la Mauritanie, c'est une idylle qui dure depuis vingt-cinq ans. En toute logique, le fils aîné de l'ancien Président français û inculpé dans une affaire de trafic d'armes vers l'Angola û y a massivement investi et comptait même s'y installer. Mais, malgré les sommes annoncées, les activités économiques de Jean-Christophe en Mauritanie ne sont pas un modèle de réussite.
«Après le délit de faciès, la France vient d'inventer le délit de patronyme». Mohamed Lemine Ould Cheïguer, homme d'affaires mauritanien, ne se fait pas prier pour fustiger la décision des juges incarcérant Jean-Christophe Mitterrand, celui qu'il présente comme «un ami fidèle» de la Mauritanie. Et c'est vrai qu'à Nouakchott, le fils aîné de l'ancien Président de la République française compte de nombreux amis, y compris dans les hautes sphères de l'Etat mauritanien. Un riche entrepreneur s'est même proposé de payer la caution de cinq millions de francs exigée par la justice avant sa remise en liberté.

Entre Jean-Christophe Mitterrand et la Mauritanie, l'idylle dure depuis 1975, année où le fils aîné de François Mitterrand venait d'être nommé correspondant de l'Agence France Presse à Nouakchott. Cette amitié jamais démentie a valu à la Mauritanie hier le soutien politique de l'ancien conseiller Afrique de l'Elysée et, aujourd'hui, les investissements de la part de ce même homme devenu intermédiaire dans une opération de ventes d'armes.

Sur les 13 millions de francs versées par la Société Brenco à Jean-Christophe Mitterrand dans «l'Angolagate», près de 9 millions ont été investis en Mauritanie. A ce propos, Gilbert Mitterrand, le frère de Jean-Christophe, parlait même d'une «opération de développement de l'Afrique».

Du poisson aux légumes

En Mauritanie, l'ancien «Monsieur Afrique» de l'Elysée a d'abord investi dans la pêche. En 1997, il crée la société IWIK qui a en projet de transformer le poisson et de commercialiser les produits qu'elle pourrait en tirer. En chantier depuis quatre ans, IWIK n'est qu'une bâtisse sans électricité et n'a pas encore vu le moindre poisson, dans un pays pourtant réputé parmi les plus poissonneux au monde. Les quelques unités frigorifiques, achetées d'occasion d'ailleurs, rouillent au port de Nouakchott en attendant le démarrage de l'usine. Malgré tout, l'associé de Jean-Christophe Mitterrand sur place promet le début des activités en mars prochain. Au total, la société IWIK a déjà englouti près de 14 millions de francs dont les 9 millions apportés par Jean-Christophe Mitterrand.

Outre la pêche, Jean-Christophe s'adonne également à la production de fruits et légumes. En mai dernier, il a convaincu la Compagnie Fruitière de Marseille d'investir en Mauritanie. Il fait venir dans le sud mauritanien un projet que la Compagnie avait initialement prévu pour le nord du Cameroun. Ensemble, ils créent les «Grands Domaines de Mauritanie», une société de production de fruits et légumes dont les plantations se situent près de Rosso, à la frontière avec le Sénégal. M. Mitterrand détient 15 % du capital des Grands Domaines. Là encore, il ne s'agit que de projet car ce n'est qu'après une période de production-test de dix mois que le réel démarrage des Grands Domaines de Mauritanie pourrait être envisagé.

Les activités de Jean-Christophe Mitterrand en Mauritanie ne se limitent pas à ces deux sociétés, l'une en jachère et l'autre en gestation. Jean-Christophe s'occupe également de la communication de chef d'Etat. Afin de redorer l'image du Président congolais Denis Sassou Nguesso, fraîchement revenu au pouvoir par les armes à la fin de l'année 1997, Jean-Christophe Mitterrand entreprend de lui faire rencontrer les grands décideurs de ce monde. Ainsi, Ace Communications, une autre société de Jean-Christophe basée également en Mauritanie, va gérer la participation de la délégation présidentielle congolaise au Forum Crans Montana de Monaco d'octobre 1998. Ce fut un marché de 2,5 millions de francs. Selon son associé, Jean-Christophe fît sur cette opération une marge nette de 750 000 francs.

Pour les besoins de cette opération, Ace Communications avait sous-traité tout ce dont elle avait besoin auprès d'entreprises extérieures, essentiellement européennes. Là, en l'occurrence, on était loin du «développement de l'Afrique», cette donne chère à Gilbert Mitterrand, le frère de Jean-Christophe.



par Moktar  Gaouad

Article publié le 21/01/2001 Dernière mise à jour le 20/01/2001 à 23:00 TU