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Angolagate

Mitterrand et Pasqua s'en prennent aux juges

La Cour d'appel de Paris se prononcera le 23 février sur les demandes en annulation des poursuites dans l'affaire du trafic d'armes vers l'Angola. Le parquet a requis l'annulation des poursuites pour «trafic d'armes», en l'absence d'une plainte des «ministres concernés» mais a demandé la validation des autres procédures.
«Je réaffirme que je n'ai jamais su que Pierre Falcone intervenait dans les ventes d'armes avant de le lire dans les journaux. Je ne pouvais donc imaginer qu'il ait pu s'agir d'un trafic illicite, comme l'accusation le prétend aujourd'hui. Mon dossier à cet égard est videàOn m'a mis en examen et en prison, sans qu'il y ait débat véritable sur un sujet sur lequel je n'ai jamais été interrogé, c'est-à-dire un trafic d'armes. Je suis complètement innocent et complètement victime». Avant même de quitter la prison parisienne de la Santé, le fils de l'ancien président français a commencé à riposter au juge Courroye, dans différentes déclarations à la presse.

Concernant la commission de 13 millions de francs français perçus de la Brenco international de Pierre Falcone, il a précisé vendredi 12 janvier qu'il l'avait obtenue en raison d'un «montage financier de pool bancaire (destiné) à l'Etat angolais, garanti sur du pétrole à venir» et non sur un «trafic d'armes», à propos duquel il a affirmé qu'il n'a jamais été interrogé. Il a qualifié de «petite légèreté due à la facilité» l'ouverture d'un compte bancaire en Suisse, avant d'ajouter : «toutes les sommes que je ramenais de Suisse en France étaient déclarées ; c'est vrai je n'ai pas tout ramenéà C'est une connerie, peut-être une faute, je ne le pense pas vraiment». A propos de ses relations avec le vendeur d'armes Pierre Falcone, Jean-Christophe Mitterrand a précisé qu'il s'agissait d'un «ami» mais qu'il n'avait jamais parlé d'armes avec lui, qu'il ne connaissait d'ailleurs pas à l'époque où il était conseiller pour les affaires africaines de son père ( 1986-1992).

Mais c'est surtout vis-à-vis du juge Courroye que le fils de l'ancien président s'est montré très critique. Il a répété qu'il avait senti une «ambiance poisseuse» dans le cabinet du juge, qu'il s'y était senti «maltraité» et qu'il avait subi «l'humiliation» de décliner son identité comme celle de son père. Quant à la caution de 5 millions de francs français qu'il a dû payer pour retrouver sa liberté, il a dit : «je me suis considéré comme pré-condamné ; je ne peux l'accepter». C'est pour cela qu'il a d'abord refusé de la payer, et n'a fini par l'accepter que sous la pression de sa famille et de ses avocats.

La stratégie du «je ne savais pas !»

De son côté, l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua devrait être entendu prochainement par les enquêteurs qui, il y a quelques jours, ont fait placer sous scellés les comptes de son parti, le RPF. Le juge Courroye aurait trouvé chez Pierre Falcone - mis en examen et toujours en prison - un projet de discours du président du RPF ; mais les juges suspectent surtout des financements occultes du parti de Charles Pasqua, effectués par le biais des commissions sur des ventes d'armes en Afrique. Ce que Charles Pasqua a fermement nié : «cette assertion est fausse, ridicule et diffamatoire», à l'adresse de son ancien allié Philippe de Villiers, qui avait directement impliqué Charles Pasqua dans cette «affaire d'Etat».

L'ancien ministre de l'intérieur de Jacques Chirac et d'Edouard Balladur est par ailleurs au c£ur d'une autre affaire franco-africaine. La justice monégasque enquête actuellement sur d'importants mouvements dans les établissements bancaires de la Principauté en provenance de l'Afrique, dont une série de versements pour un montant de 300 millions de francs français, toujours à destination du parti de Charles Pasqua (le RPF). Ces fonds proviendraient d'un casino situé en France mais aussi de la vente d'établissements de jeux en Afrique, notamment du Congo-Brazzaville. Alors que, selon différentes sources, des proches de Pasqua, qui gèrent des casinos et les PMU du Cameroun et du Gabon, commencent eux aussi à intéresser la justice française, en raison des leur «générosité» vis-à-vis du RPF : il s'agit de ressortissants corses (les Tomi, les Feliciaggi et les Mondoloni) qui ont tous largement contribué au financement du parti de Pasqua et parfois figuré sur les listes électorales du RPF, toujours à des places non éligibles.

Mis en cause par l'ancien préfet Henri Hurand, PDG de la SOFREMI, quant au fonctionnement opaque de cette société française d'exportation du ministère de l'Intérieur, l'ancien ministre a botté en touche, en essayant d'impliquer son prédécesseur socialiste à l'intérieur, Pierre Joxe : «je me demande ce que le préfet Hurand vient faire dans cette histoire. S'agit-il d'un règlement de compte entre mitterandiens et jospinistes ? On pourrait le penser puisqu'il met en cause également Pierre Joxe».

La réaction de Charles Pasqua à sa mise en cause paraît, malgré tout, plutôt modérée, en dépit de ses menaces de poursuites judiciaires à l'encontre de son allié Philippe de Villiers et de nombreux journalistes. Des menaces qui ne sont pas nouvelles et qui le plus souvent demeurent purement verbales ; mais qui pourraient viser en réalité ceux qui ont tout à perdre d'une éventuelle candidature du fondateur du RPF aux présidentielles françaises de l'année prochaine, comme il l'a lui même laissé entendre dans une déclaration à la télévision française.



par Elio  Comarin

Article publié le 12/01/2001