Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Angolagate

D'anciens ministres de l'Intérieur mis en cause

Dans un entretien au Figaro, Henri Hurand, le patron de la Sofremi, cette société d'économie mixte impliquée dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, met en cause la gestion d'anciens ministres français, notamment Charles Pasqua et Pierre Joxe.
Henri Hurand, ancien préfet de Haute-Corse, a été nommé en octobre 1997 par le Premier ministre Lionel Jospin à la tête de la Sofremi (Société française d'exportation du ministère de l'Intérieur). Avec pour mission essentielle de faire «le ménage» au sein de cet office d'exportation de techniques policières et de matériel français pour le maintien de l'ordre et la sécurité publique.
Le haut fonctionnaire, qui doit être prochainement entendu comme témoin par les juges Courroye et Prévost-Desprez, en charge du dossier des ventes d'armes à l'Angola, met aujourd'hui en cause les dérives de la Sofremi. Dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro, il révèle que l'audit qu'il a fait réaliser dès son arrivée «montre que le train de vie de la société, je parle par exemple de frais de voyage ou de représentations des dirigeants, était considérable. Avant mon arrivée, ces dépenses atteignaient 30 millions de francs, je les ai réduites à 6 millions».

Henri Hurant dénonce également le rôle de Pierre Falcone, ce riche hommes d'affaires, dirigeant de Brenco, une société de ventes d'armes. Falcone est écroué depuis le 1er décembre dernier et présenté comme le personnage central de l'affaire dans laquelle Jean-Christophe Mitterrand, fils ainé de l'ancien président, est lui aussi incarcéré, depuis le 21 décembre, entre autres pour «complicité de trafic d'armes».
«Le plus significatif reste l'omniprésence de Pierre Falcone, note l'ancien préfet. La règle générale était que sur chaque marché intervenait un intermédiaire particulier. Or, à partir de 1992, Pierre Falcone est l'unique interlocuteur de la Sofremi. C'est totalement anormal. Il obtient des rémunérations exorbitantes sur chaque opération.(à) La Sofremi a donné beaucoup d'argent à Falcone pour rien. Sans aucun résultat pour l'entreprise. Falcone a utilisé la Sofremi comme paravent pour ses activités personnelles.(...)J'ai la conviction que Falcone a arrosé tout le monde durant des années». Selon Henri Hurant, cela n'a pu se faire qu'avec l'aval des dirigeants de la société. Un ancien directeur général, Bernard Poussier, en poste de 1993 à 1997, est d'ailleurs incarcéré depuis le 14 décembre 2000 pour complicité de trafic d'armes. L'avocat de Bernard Poussier déclare que son client a admis avoir reçu la somme d'un million de francs de la part de Pierre Falcone.

Charles Pasqua et Pierre Joxe, selon Henri Hurant, «ont entretenu des liens étroits avec la Sofremi»

La tutelle, autrement dit le ministre de l'Intérieur, pouvait-elle ignorer les agissements de Falcone ? «Il est évident que le PDG de la Sofremi a toujours rendu des comptes au ministre. Falcone a travaillé sous quatre ministres de l'Intérieur successifs, mais la période la plus significative est celle de Charles Pasqua. Tout le monde sait que celui-ci a toujours suivi de près ce genre de marché internationaux et que c'est lui qui a nommé le tandem Dubois-Poussier à la tête de l'entreprise (Bernard Dubois, président directeur général, fut le supérieur de Bernard Poussier entre 1993 et 1997, NDLR). (à) Charles Pasqua n'est pas le seul ministre de l'intérieur à avoir suivi de très près les activités de la Sofremi. Dans l'histoire, on peut distinguer trois catégories de ministres de l'intérieur: ceux qui ont entretenu des liens étroits avec la Sofremi : c'est donc le cas de Pasqua mais également du créateur de l'entreprise, Pierre Joxe. Ceux qui ne s'en sont pas réellement préoccupés, tels Philippe Marchand et Paul Quilès, et ceux qui s'en sont méfiés. C'est le cas de Jean-Louis Debré

Voilà donc Charles Pasqua, actuel président du Rassemblement pour la France (RPF), à nouveau montré du doigt, à la veille de la déposition de Philippe de Villiers, mercredi 10 janvier 2001, devant le juge Courroye. L'ancien vice-président du RPF, qui a démissionné de ses fonctions en juillet 2000, a dénoncé à plusieurs reprises «l'opacité financière» du mouvement. Qualifié de «délateur» par Charles Pasqua, il doit déposer comme «témoin à charge», selon ses propres termes. Estimant qu'il ne s'agit «en aucun cas d'un règlement de comptes, mais d'un devoir civique», le député de Vendée annonce son intention d'apporter au magistrat «des pistes ou des confirmations, suivant les éléments dont il dispose déjà». Philippe de Villiers déclare être «incapable de dire s'il existe un lien entre l'affaire Falcone et le financement du RPF». En revanche, il estime que «parmi les points sur lesquels des questions peuvent se poser figurent notamment un prêt personnel de 4 millions de francs de Charles Pasqua au RPF, ou encore l'intervention d'une certaine madame Mondoloni». Marthe Mondoloni figurait à la 55ème place sur la liste Pasqua-Villiers, lors des élections européennes de 1999. Selon l'hebdomadaire Le Canard Enchaîné, cette femme, domiciliée à Libreville, la capitale gabonaise, a versé 7,5 millions de francs pour financer la liste, ce qui représente plus de 25% des dépenses totales engagées. Interrogé mardi lors du Forum Sud-Radio-Le Point, Charles Pasqua a estimé que «la mise en cause par la presse, sans qu'aucune accusation précise puisse être portée par la justice en ce qui concerne le mouvement que je préside ou moi-même, n'a rien à voir avec la justice».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 09/01/2001