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Libye

Un verdict sévère mais sélectif

La justice libyenne a condamné sept personnes à la peine capitale pour les violences meurtrières contre des africains noirs, en septembre 2000. La présence parmi eux de cinq ressortissants d'Afrique subsharienne confirme la volonté de Tripoli de minimiser l'existence d'un racisme anti-immigrés au pays de la Jamahiriya.
C'était au mois de septembre 2000, dans la ville de Zouïa, à une quarantaine de kilomètres de Tripoli. La Libye, décrétée officiellement terre d'accueil pour les immigrés subsahariens par son chef suprême devenu chantre du panafricanisme, connaissait une véritable chasse aux Noirs africains. Officiellement, six personnes, dont un Libyen avaient été tués dans ces violences, dont furent essentiellement victimes des ressortissants d'Afrique noire. Mais de nombreux témoignages font état d'au moins 130 morts.

Ces massacres et l'exode de milliers de Noirs, rapatriés dans leur pays, étaient pour le moins embarrassants à l'heure où le guide de la révolution libyenne venait de lancer sa grande idée d'Union africaine, censée remplacer une Organisation de l'unité africaine (OUA) moribonde. Mouammar Khadafi, qui n'a cessé de nier l'existence du racisme dans son pays, avait donc promis une enquête au terme de laquelle les coupables seraient châtiés.

Cinq africains noirs sur sept coupables

C'est ce que vient de faire la justice libyenne, condamnant sept personnes à mort, dont deux Libyens, quatre Nigérians, dont un par contumace, et un Ghanéen, pour leur implication dans les troubles. Tous les sept ont été reconnus coupables «de comploter contre la politique de la Libye et son rôle dirigeant en Afrique, de saper le projet de la Jamahiriya libyenne de créer un ensemble africain uni et de troubles à l'ordre public». Mais pour les juges du Tribunal du peuple, les cinq ressortissants noirs africains sont, en plus, coupables de «meurtres de citoyens libyens et de vol».

Douze autres africains ont été condamnés à la prison à perpétuité et 165 personnes, dont des libyens, écopent de peines de 6 mois à 15 ans. En tout, 290 libyens et 41 étrangers étaient jugés dans ce procès, dont la dernière séance a eu lieu en présence de nombreux diplomates et journalistes.

La présence d'une majorité d'africains noirs parmi les condamnés à mort risque en tous cas d'accréditer l'idée de responsabilité partagée défendue par Tripoli, alors que la plupart de ceux qui sont sortis indemnes de ces attaques ont parlé à l'époque d'un déchaînement de violence contre les immigrés noirs. La version de Tripoli a toujours été que les violences de septembre ont débuté après qu'un Libyen eut voulu défendre sa s£ur, violée par un Soudanais.

Cette affaire avait aussi révélé à quel point la Libye fait office d'eldorado, avec un million d'immigrés sur une population de six millions d'habitants. Eldorado pour lequel certains sont parfois prêts à prendre des risques inimaginables. Comme ces 140 ouest-africains, venus du Niger, retrouvés, tout récemment, morts de soif dans le désert à la frontière sud de la Libye.



par Christophe  Champin

Article publié le 21/05/2001