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Italie

La presse européenne vote contre Berlusconi

Comme beaucoup d'hommes politiques Silvio Berlusconi n'a aucune vergogne. Contraint à la démission du fait de l'abandon d'un de ses alliés après seulement sept mois d'exercice du pouvoir en 1994, le voilà reparti sept ans plus tard à la conquête du gouvernement italien avec les mêmes partenaires, l'un issu des rangs néo-fascistes, l'autre d'un mouvement sécessionniste et xénophobe. Et l'histoire semble étrangement se répéter.
Le détenteur de la plus grosse fortune d'Italie n'a toujours pas résolu le conflit d'intérêt majeur qui grève sa candidature. Celui qui oppose l'éventuelle direction d'un gouvernement à la possession de nombreux intérêts privés, allant des médias aux assurances en passant par la banque ou le bâtiment. Comme en 1994, Silvio Berlusconi mène une guerre ouverte contre les juges qui le poursuivent dans de multiples affaires. Comme à l'époque il en appelle systématiquement au complot journalistique, gauchiste, voire terroriste plutôt que d'avoir à répondre à des critiques émanant de journaux ou de courants de pensée opposés au sien.

Pourtant quelque chose a changé. Cette année, des médias européens sont entrés dans la bataille pour dénoncer ouvertement les affaires sales du magnat italien. Et pas des moindres. Puisque le premier à sonner la charge est l'hebdomadaire britannique The Economist, sorte de bible des milieux économiques et financiers. Le journal rappelle les motifs des multiples enquêtes passées ou en cours dont Silvio Berlusconi a été ou est l'objet. Blanchiment d'argent, complicité de meurtre, collusion avec la mafia, évasion fiscale, corruption de politiciens, juges et contrôleurs fiscaux.

Après avoir été condamné à 28 mois de prison pour financement illégal de parti politique l'actuel numéro un dans les sondages a été acquitté pour prescription du délit. Et de conclure: «Son arrivée au pouvoir serait un jour noir pour la démocratie et l'état de droit». Une mise en garde relayée par le quotidien français Le Monde. Tandis qu'une autre salve est tirée par El Mundo, quotidien espagnol libéral proche du gouvernement lui même soutien du magnat italien. Les coups ne viennent décidément pas d'ennemis idéologiques.

El Mundo affirme détenir des preuves d'un détournement de fonds par la holding de Silvio Berlusconi de la chaîne de télévision privée espagnole Tele Cinco qu'elle contrôle via des sociétés situées dans des paradis fiscaux. Le patron de presse européen est également sous le coup d'une information judiciaire menée par le juge espagnol Garzon qui a demandé la levée de son immunité de député européen pour l'instant sans succès.

Toutes ces accusations sont évidemment balayées d'un revers de manche par le candidat de la droite qui les traite d'immondices et compte bien sur un réflexe nationaliste de la part des italiens pour l'adouber encore plus sûrement. Le verdict populaire ira-t-il dans ce sens? Le scrutin le dira. Mais l'élection italienne aura en tout cas participé à la formation d'une opinion publique européenne. L'Europe pour être un grand marché devient aussi un espace judiciaire. Quand on fait des affaires à travers le continent comme Silvio Berlusconi on peut aussi être poursuivi pour malversation sans frontières et en attendant d'être jugé par des magistrats susciter la réprobation ou la condamnation du quatrième pouvoir.





par Valérie  Lainé

Article publié le 02/05/2001