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Comores

La fin du feuilleton séparatiste ?

Réconciliation amorcée entre les îles s£urs, retour annoncé à la légalité constitutionnelle, reprise officielle de la coopération internationale. Les militaires au pouvoir affirment, malgré les réticences affichées par l'opposition nationale, que le pays va enfin sortir de la crise. Une réunion extraordinaire du Comité de suivi de l'accord de réconciliation a eu lieu dimanche 6 mai, sous l'égide de l'OUA, dans le but de mettre fin à la double crise institutionnelle et séparatiste.
Azali donne l'impression de jouer la carte de la bonne volonté désormais. Le chef de la junte militaire en place à Moroni vient d'annoncer qu'il ne sera pas candidat aux futures élections du nouvel Etat comorien, prévues en décembre prochain suite à l'accord-cadre signé à Fomboni il y a deux mois. Il compte cependant mener le processus de paix jusqu'à terme, unique raison pour laquelle il s'est emparé du pouvoir en 1999 selon son entourage. Mieux encore : il se déclare prêt à rendre le pouvoir aux civils en janvier 2002, période qui coïnciderait, selon le calendrier établi, avec la mise en route des nouvelles institutions. Seule ombre au tableau, l'opinion publique se rappelle encore la promesse faite et non tenue par le même Azali de rendre le pouvoir aux civils «au plus tard le 14 avril 2000».

Un accord à redéfinir

Les Comores de retour dans «la normalité constitutionnelle». L'expression est du putschiste Colonel Azali en personne. Fini la mise en quarantaine du pays par la communauté internationale, la junte se pose en garant incontestable de la légalité dans les trois îles indépendantes de l'Archipel. «Je gère la transition vers la démocratie» a ajouté le président. Fini la crise séparatiste, Anjouan veut bien revenir parmi les siens : «Le problème est de définir l'autonomie à accorder aux îles» a-t-il aussi précisé. Un accord-cadre a été signé à Fomboni sur le sol mohélien en février avec la bénédiction des représentants de l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine) et de l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), médiateurs qui ont largement £uvré pour la réconciliation nationale entre les îles s£urs dans le respect de l'intégrité territoriale et des frontières héritées de la colonisation. Cet accord prévoit la construction d'un «nouvel ensemble comorien», avec de larges prérogatives dévolues à chacune de ces composantes (seules Anjouan, Grande Comore et Mohéli étaient représentées à la table des négociations). Rien de précis pour l'instant. Mais le Colonel Azali pense que c'est une manière de laisser la porte ouverte à un éventuel retour de Mayotte dans l'ensemble. Car si chaque île peut, comme il l'a souhaité, concevoir «au mieux de ses intérêts, la forme de pouvoir qui lui convient», tout en faisant partie d'un Etat comorien, cela donne une relative liberté à chaque île qui pourrait séduire à l'en croire les Mahorais.

Un souhait qui laisse songeurs les autres membres du comité de suivi, chargé de mettre en pratique les suggestions de cet accord. Nombre d'entre eux pensent qu'il ne représente en fait qu'un préalable aux contours limités, qu'il va falloir vite redéfinir dans les jours qui viennent. «L'accord en effet ne dit pas les choses dans le détail», s'inquiète un proche du cabinet présidentiel. «Autrement dit, estime notre interlocuteur, tout est possible. La dynamique peut s'arrêter comme elle a commencé. La bonne volonté doit être partout présente pour éviter de raviver les tensions. Ce qui est loin d'être évident». A commencer par la position du président lui-même, qui exige la direction du comité de suivi. Ce qui est complètement remis en cause par l'union de l'opposition : dix-neuf partis réunis sous la houlette de l'ex-Premier ministre Abbas Djoussouf, «celui-là même qui a été évincé du pouvoir par le coup d'Etat d'Azali en 1999 et qui l'a toujours considéré comme un petit Pinochet». Celle-ci demande à la communauté internationale de désigner un coordinateur neutre pour mener ce travail à terme à la place du Colonel Azali. Si ce n'est pas le cas, l'opposition menace de se retirer de la table des négociations. «Or Azali veut rester maître à bord pour se doter d'une image d'artisan de la paix. C'est une manière pour lui de prendre sa revanche sur la communauté internationale, qui n'a pas voulu de lui à cause de son coup de force. Nous sommes donc en phase test. Tout peut basculer pour une question de principe. On ne sait donc pas ce qui adviendra des accords de Fomboni demain» conclut notre interlocuteur. D'autant plus que le chef séparatiste anjouanais Saïd Abeid n'a pas encore dit son dernier mot. Le comité de suivi pour la paix s'est par conséquent constitué sur des bases fragiles que seuls les médiateurs étrangers semblent pouvoir renforcer, à moins que l'opinion publique, usée par quatre années d'insurrection séparatiste, ne se prononce à son tour.



par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 07/05/2001