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Argentine

Jorge Videla victime du Plan Condor

Le général argentin Jorge Rafael Videla est le premier dictateur latino-américain poursuivi devant les tribunaux pour sa participation au Plan Condor, réseau militaire constitué en 1975 pour éliminer l'opposition de gauche dans le Cône sud. Il a été inculpé et placé en détention préventive mardi 10 juillet et encourt une peine de 5 à 20 ans de prison.
La décision, prise par le juge argentin Rodolfo Canicoba Corral, de poursuivre l'ancien dictateur argentin, Jorge Rafael Videla, fait suite à une plainte déposée en novembre 1999 contre seize militaires sud-américains membres du Plan Condor. Parmi eux figurent l'ancien putschiste argentin, le chilien Augusto Pinochet ainsi que le paraguayen Alfredo Stroessner.

Lancé en 1975 à Santiago du Chili, le Plan Condor a instauré un étroit réseau d'entraide et de coopération des dictatures pour traquer, enlever, torturer et éliminer leurs opposants de gauche en Amérique Latine. Les juntes latino-américaines du Chili, d'Argentine, d'Uruguay, du Paraguay, du Brésil et de la Bolivie ont participé à cette alliance des années 70 aux années 80. La découverte par un avocat paraguayen, en 1992, des archives du Plan Condor à Asunci=n a permis de reconstituer l'histoire de cette sinistre organisation. Ces «archives de la terreur» (cinq tonnes) font l'objet d'analyses minutieuses de la part de juges, d'avocats et d'organisations de défense des droits de l'Homme. Certaines de ces archives ont d'ores et déjà permis au juge espagnol Baltazar Garzon d'étayer son dossier pour obtenir l'arrestation à Londres, en octobre 1998, du général chilien Augusto Pinochet. De nombreuses enquêtes sur les milliers de disparitions déclarées en Amérique Latine sont en cours d'instruction.

Poursuivi jusqu'en Europe

Nommé chef de l'armée en 1975, Jorge Rafael Videla a renversé la présidente argentine Isabel Peron le 24 mars 1976, ouvrant une période de dictature militaire qui allait durer jusqu'à 1983 et faire, selon les organisations humanitaires 30 000 morts et 900 000 disparus dans le pays. L'arrestation de Jorge Rafael Videla a fait l'objet de nombreux rebondissements. Condamné en 1985 par un tribunal civil à réclusion à perpétuité pour «homicides aggravés, arrestations illégales, tortures et vols», il a bénéficié des lois d'amnistie dites «Point Final» et «Obéissance due», à l'instar de l'ensemble des militaires et policiers, qui avaient été votées en 1986 et 1987 sous le régime du président Raul Alfonsin. En 1990, l'ancien dictateur, de nouveau poursuivi, a profité du pardon de l'ancien président Carlos Menem. L'ancien dictateur a ensuite été maintenu en résidence surveillée grâce à une loi sur les détenus âgés de plus de 70 ans après une nouvelle arrestation le 9 juin 1998.

Pourtant, l'ex-dictateur argentin est poursuivi jusqu'en Europe. Le juge espagnol Garzon l'a inculpé pour des délits de torture, de terrorisme et de génocide, à la suite de plusieurs dépôts de plaintes par des associations de défense des droits de l'Homme en 1996. Le juge espagnol a alors lancé un mandat d'arrêt international. Mais, en mai 2000, l'Argentine a refusé de l'extrader vers l'Espagne. Un juge français et un juge italien ont également consulté les «archives de la terreur» dans le cadre de leur enquête sur les disparitions de Français et d'Italiens sous le régime de dictature en Argentine. Après de nouvelles poursuites en 1999, le juge argentin Gabriel Cavallo a fini, au mois de mars dernier, par déclarer «inconstitutionnelles, invalidées et nulles» les deux lois d'amnistie dites «Point Final» et «Obéissance due». C'est ainsi que le jugement de l'implication présumée de Jorge Rafael Videla dans le Plan Condor est rendu possible après vingt ans de tentative. Jugement qui pourrait avoir des répercussions dans tous les pays du Cône sud concernés par le réseau Condor.



par Nathalie  Rohmer

Article publié le 11/07/2001