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Angola

Le «<i>coup de poker</i>» du président dos Santos

Après 22 ans passés à la tête de l'Angola, le président Eduardo dos Santos a annoncé son intention de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Me Manuel Jorge, spécialiste de l'Angola, est professeur de droit et avocat à Paris. Il analyse les enjeux de cette décision.
RFI: Cette décision vous surprend-elle ?

Me Manuel Jorge: Non, absolument pas. Cela fait quelque temps qu'on en parle. M. dos Santos a été, à plusieurs reprises, pressé par de nombreux amis qui estiment qu'il est là depuis bien longtemps puisqu'il a accédé à la présidence en 1979. Certains de ses amis lui disaient qu'il fallait tout de même céder la place à quelqu'un d'autre.

RFI : Un porte-parole de l'UNITA a qualifié à Lisbonne cette décision de «très étrange» et estimé que comme aucune date n'avait été avancée pour l'élection présidentielle, M. dos Santos pourrait très bien être encore au pouvoir dans dix ans. Qu'en pensez-vous ?

Me M.J.: Non, ce n'est pas comme cela qu'il faut analyser la situation. M. dos Santos est pressé de tous les côtés, tout le monde dit qu'il est pratiquement devenu un dictateur, qu'il est là depuis longtemps et qu'il n'organise pas d'élections. Pour répondre à cela, il dit qu'il ne sera pas candidat aux prochaines élections et cela vient après que son parti et lui-même ont déclaré que les élections pourraient avoir lieu en 2002 ou 2003. La question est de savoir si les conditions sont remplies pour qu'il y ait des élections. Normalement, toutes les parties sont d'accord sur le fait qu'il ne peut pas y avoir des élections en Angola s'il n'y a pas la libre circulation des personnes et des biens et que la sécurité de chacun n'est pas assurée. Cela dépend de la guerre. La personne qui en est à la base, on ne peut pas le nier, c'est M. Savimbi, puisque c'est lui qui n'a pas accepté le résultat des élections précédentes et qui a déclenché la guerre. C'est-à-dire que si les démocrates souhaitent la paix et des élections libres en Angola, il faut accepter la décision de M. dos Santos de ne pas se représenter et il faut que de l'autre côté, l'Unita dépose les armes et qu'elle crée les conditions de paix.

RFI : Quel calcul politique se cache derrière cette annonce ?

Me. M.J.: Le calcul de M. dos Santos serait celui-ci: je décide de ne pas me représenter, je déclare à tout le monde que je ne me représente pas et je dis que si les élections peuvent avoir lieu demain ou après-demain, je ne serai pas candidat. Mais est-ce que les élections peuvent avoir lieu demain ou après-demain ? La balle n'est plus dans mon camp, elle est dans le camp de l'Unita. Voilà le calcul. Donc c'est l'Unita qui doit maintenant répondre à cette offre-là. Les choses sont suffisamment claires. Si jamais l'Unita ne veut pas jouer le jeu de M. dos Santos, elle assumera la responsabilité de la poursuite de la guerre. Il n'y a pas d'élections parce que l'Unita continue à avoir des armes et à vouloir une solution par les armes.

RFI: C'est un coup de poker?

Me M.J.: C'est un coup de poker mais qui s'inscrit directement dans le sentiment de la majorité du peuple angolais. Les Angolais veulent la paix à tout prix. Si M. dos Santos quitte le jeu politique, cela n'émeut nullement le peuple angolais, au contraire, tant mieux si cela peut ramener la paix. Le problème est celui-ci: les autres (l'Unita) sont-ils prêts également à déposer les armes pour que les élections aient lieu? C'est la question à laquelle il faut répondre dans les jours qui viennent. C'est une question urgente!



par Propos recueillis par Sylvie  Berruet

Article publié le 26/08/2001