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Attentats: la riposte

L'ex-roi Zaher Shah dans les plans américains

Trente ans après avoir été chassé du pouvoir par un coup d'Etat, l'ancien roi d'Afghanistan Zaher Shah, 86 ans, pourrait retrouver un rôle dans son pays. Washington, qui veut déstabiliser le régime des taliban, voit en lui l'homme clé d'une prochaine réconciliation nationale.
Les Etats-Unis envisagent-ils de réinstaller Zaher Shah sur le trône d'Afghanistan ? Certains l'affirment, au moment où les taliban et leur protégé, l'instigateur désigné des attentats Oussama Ben Laden, sont sur le point de subir les foudres de Washington. L'opposant et ancien Premier ministre afghan en exil Gulbuddin Hekmatyar a fait état, la semaine dernière, d'un plan américain pour renverser le régime des taliban et revenir à une monarchie dirigée par l'ancien souverain. Plusieurs analystes ne l'excluent pas non plus. Il est vrai que de nombreux éléments sont venus, ces derniers jours, rendre l'hypothèse plausible, à défaut de la confirmer.

Revenant sur le devant de la scène, le roi, qui vit à Rome depuis son renversement en 1973, a récemment multiplié les interventions médiatiques. Vendredi dernier, sollicité par Washington et Londres, il s'est adressé au peuple afghan sur les ondes de la Voix de l'Amérique et de la BBC, seules radios internationales émettant en langues locales et pouvant être captées clandestinement par des Afghans soumis à l'impitoyable censure des taliban. Zaher Shah a proposé à ses compatriotes la tenue prochaine d'un grand rassemblement des états-généraux du pays (Loya Jirga). Cette assemblée aurait pour mandat d'élire un chef de l'Etat et de constituer un gouvernement de transition. Il s'est fait plus précis, ce lundi, dans un entretien au journal turc Sabah, se déclarant disposé à rentrer dans son pays. «Dès que possible, je veux retourner parmi mon peuple, envers lequel j'ai des obligations. Si je peux être d'une quelconque utilité à mon pays, je suis prêt à retourner en Afghanistan». La veille déjà, il avait tenu des propos similaires au quotidien italien La Repubblica.

Un pays déchiré par les rivalités ethniques

En attendant son éventuel retour, Zaher Shah consulte beaucoup. Redoublant d'activité malgré ses 86 ans, alors qu'on le dit malade, il enchaîne les conversations téléphoniques avec des responsables américains et européens. Outre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, les Nations-Unies appuient la démarche de Zaher Shah. Francesc Vendrell, le représentant spécial pour l'Afghanistan du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan, a été reçu dimanche à Rome par l'ancien monarque. A l'issue de l'entretien, qui a duré près d'une heure, le diplomate a estimé que Zaher Shah «peut jouer un grand rôle dans la réconciliation des forces politiques de son pays». Mais, a-t-il précisé, «cela ne signifie pas automatiquement la restauration de la monarchie dans ce pays. Il appartiendra aux Afghans de décider quelle forme de gouvernement ils veulent».

C'est précisément cette question que l'ancien souverain devrait aborder dans les prochains jours. Il doit rencontrer dans la capitale italienne une délégation de l'opposition armée aux taliban, l'Alliance du Nord, dont le chef, le commandant Massoud, a récemment été victime d'un attentat suicide. Appelée à jouer un rôle important dans la bataille contre les taliban, l'Alliance reste politiquement prudente, consciente de la difficulté de trouver un consensus dans un pays ravagé par la guerre et miné par d'éternelles rivalités ethniques. Le général Bismullah Khan, l'un de ses responsables les plus influents depuis la mort de Massoud, est pour l'instant sur la même ligne que Zaher Shah. «Nous voulons un gouvernement stable. Tous les groupes ethniques doivent participer à sa formation». Et d'ajouter que l'assemblée des tribus, la Loya Jirga, doit être convoquée à cet effet.

L'Alliance du nord, qui vient de reprendre l'offensive dans la province septentrionale de Balkh, espère que Washington lui fournira un soutien logistique et militaire pour en finir avec les taliban. Mais, ne représentant que des ethnies minoritaires, elle sait qu'elle ne peut prétendre incarner l'avenir politique à Kaboul. D'autant que lorsqu'elle était au pouvoir, de 1992 à 1996, elle s'est déchirée dans des guerres de clans, générant une violence et une insécurité que les Afghans n'ont pas oublié. Certains membres de l'Alliance estiment donc que seul Zaher Shah, qui appartient au groupe pachtoune, le plus important d'Afghanistan, peut favoriser un rassemblement national. A Washington, on semble faire le même diagnostic. Zaher Shah peut être une pièce maîtresse du dispositif envisagé par les Américain. En tant que rassembleur, réconciliateur, l'ancien monarque est sans doute en mesure d'être l'homme clé de «l'après taliban». Mais son grand âge lui interdit d'incarner l'avenir.

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par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 24/09/2001