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Attentats

L'attaque bactériologique, un scénario probable

Depuis l'attentat au gaz sarin commis en 1995 dans le métro de Tokyo, les gouvernements et le grand public savaient qu'une attaque biologique ou chimique ne relevait plus de la fiction. Aujourd'hui, les actions terroristes de New York amènent désormais les experts à envisager le pire, non comme une hypothèse, mais comme une certitude.
Dans son journal du soir, une chaîne de télévision américaine annonce qu'une maladie non identifiée a fait une vingtaine de morts dans la région de Washington. Rapidement, le virus est identifié: la variole, une affection contagieuse et mortelle, disparue des Etats-Unis depuis 1949. Des cas identiques sont signalés en Pennsylvanie et en Géorgie. Le sixième jour, on compte 300 morts et 2000 personnes infectées. Bientôt, le même phénomène se développe au Mexique, au Canada, et en Grande-Bretagne. Le système de santé américain est submergé, les 12 millions de vaccins épuisés, la panique s'empare de la population américaine, des émeutes se déclenchent devant les hôpitaux. Deux mois après, le nombre des victimes atteint un million, certains Etats de l'Union ferment leurs frontière, l'économie est paralysée, le président envisage d'imposer la loi martiale.

En juillet dernier, ce scénario d'apocalypse était présenté par des parlementaires américains devant la commission de la sécurité nationale de la Chambre des représentants. Leur rapport faisait suite à la simulation informatique d'une attaque bactériologique baptisée «Dark Winter» (sombre hiver). L'un des auteurs du rapport, l'ancien secrétaire à la Défense John Hamre, a estimé devant la Chambre des représentants qu'un tel désastre «paralyserait les Etats-Unis. Il faut réfléchir aux moyens de sauver la démocratie en Amérique». Selon le républicain Benjamin Gilman, des scénarios comme celui-là ne relèvent plus de la science fiction. «Malheureusement, des attentats comme ceux survenus ces dernières années, en 1993 à New York (une bombe a fait 6 morts au World Trade Center, ndlr) et à Oklahoma City en 1995 (une voiture piégée a fait 168 morts), ont transformé le débat sur le bio-terrorisme, en le faisant passer du si...au quand ?».

«Les Etats-Unis ne sont pas du tout préparés»

Ces propos, tenus deux mois avant les attaques sans précédent du 11 septembre, prennent aujourd'hui un relief particulièrement inquiétant. Les récents attentats aériens ont conduit les responsables américains à auditionner, ces derniers jours, nombre d'experts et de scientifiques. Ces derniers sont quasi unanimes à juger inéluctable une action terroriste à l'arme chimique ou bactériologique, capable de faire des centaines de milliers de morts. En 1995 à Tokyo, des membres d'une secte ont dispersé du gaz sarin dans le métro, faisant 12 morts et de nombreux blessés. Ce bilan relativement limité est dû, selon les spécialistes, aux difficultés de manipulation et de dosage de ce produit toxique. Mais les réseaux terroristes, qui tendent a développer leurs capacités techniques, à modifier leur tactique et leur stratégie, pourraient être en mesure de maîtriser certaines substances et de frapper prochainement. Un physicien de l'université américaine de Stanford estime qu'«il existe de nombreux microbiologistes sous-payés de par le monde, qui pourraient être tentés de travailler pour des clients peu scrupuleux, produisant des maladies incurables comme l'anthrax ou bien des virus dits silencieux, qui infectent l'organisme mais restent passifs jusqu'à ce qu'ils soient réveillés par une substance d'ordinaire inoffensive». Et d'ajouter: «si quelqu'un disséminait le virus de la variole dans le système d'aération d'un vol international, où les gens respirent l'air recyclé, cela infecterait beaucoup de passagers qui, à leur tour, pourraient infecter de nombreuses personnes au sol».

Comment parer à une telle éventualité ? Actuellement, les grands pays occidentaux, cibles potentielles de ce bio-terrorisme, sont extrêmement vulnérables. Selon Michael Levy, directeur de la fédération des scientifiques américains (FAS), «les Etats-Unis ne sont pas du tout préparés à faire face à une attaque bactériologique» contre des villes américaines, faute de vaccins ou de services adéquats de protection sanitaire. Certes, New York est doté d'un plan d'urgence depuis quelques années. Suffirait-il ? La mégapole imagine le pire: compte tenu de la densité de sa population, «l'impact d'un attentat à l'arme bactériologique ou chimique y serait particulièrement dévastateur», explique John Hauer, ancien responsable du Bureau de gestion des urgences de la ville. Depuis l'effondrement du World Trade Center, les Américains sont avides d'informations sur toutes les formes de terrorisme. En tête des commandes, un livre à paraître signé Judith Miller, journaliste au New York Times et spécialiste du Proche-Orient: Germs: America's secret war against biological weapons (La guerre secrète de l'Amérique contre les armes biologiques).



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 20/09/2001