Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Pakistan

Musharraf n'attire pas les foules

Ne voulant pas laisser les mouvements fondamentalistes monopoliser la rue, le gouvernement pakistanais a organisé jeudi une journée de soutien à la politique de coopération avec Washington adoptée par Islamabad après les attentats aux Etats-Unis.
De notre envoyé spécial à Islamabad

Des manifestations ont eu lieu dans les grandes villes du pays, qui n'ont guère rassemblé plus de monde que celles menées à l'initiative des mouvements fondamentalistes opposés au choix pro-américain d'Islamabad. Les autorités pakistanaises avaient pourtant adopté la même technique que leurs adversaires intégristes, à savoir aller chercher en bus le banc et l'arrière-banc de vagues supporters pour faire nombre. Sur le passage des cortèges, c'est l'indifférence qui dominait. Les gens continuaient de vaquer à leurs occupations comme si de rien n'était. «La majorité silencieuse des Pakistanais approuve ce choix pro-américain du gouvernement, même si c'est plus la raison que le c£ur qui parle. Cela pourrait changer en cas de frappes américaines sur l'Afghanistan», veut croire l'éditorialiste Imtiaz Alam.

«L'Islam est une religion de paix»

«Unité, foi, discipline» ; «La priorité : un Pakistan fort et en sécurité». Ce sont quelques-unes des bannières qui étaient déployées dans les cortèges. Présents partout : le nationalisme -des drapeaux pakistanais vert et blanc flottaient tous les trois mètres- et la défense de l'islam, avec des slogans tels que «L'islam est une religion de paix, non de terreur». Plutôt qu'appeler les gens à manifester individuellement, le gouvernement pakistanais s'est reposé sur les associations et organisations professionnelles, comme pour mieux prouver que la diversité de la société civile le soutient. On a ainsi vu défiler côte à côte la Chambre de Commerce d'Islamabad et Amnesty International, l'Association des Chrétiens du Pakistan et des mouvements d'anciens combattants. Pourtant interdits depuis le coup d'Etat du 12 octobre 1999, les partis politiques -la Ligue musulmane de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif comme le Parti du Peuple Pakistanais de Benazir Bhutto- ont apporté leur caution à cette journée. Commencée par un défilé des enfants des écoles, la journée s'est achevée à Islamabad par une retraite aux flambeaux pour la paix. Un esprit un peu «boy-scout» en soutien au choix politique le plus difficile à ce jour du président Pervez Musharraf.

«Un choix déterminé, mais contraint» pour reprendre l'expression d'un observateur à Islamabad. Le pari du n°1 pakistanais est en effet risqué. «Que des civils soient touchés par les frappes américaines et que les télévisions montrent les images d'enfants afghans éventrés, et la réaction de l'opinion publique pakistanaise sera très négative», avertit l'ancien secrétaire d'Etat à la Défense, Talat Masood. C'est pourquoi Islamabad a défini les limites de sa coopération avec Washington : oui à la participation à une coalition internationale contre le terrorisme ; non à des actions hostiles contre l'Afghanistan. «La destinée de nos deux pays est trop étroitement liée pour que nous participions directement à une action militaire contre Kaboul», a déclaré le porte-parole du gouvernement pakistanais. Les deux voisins partagent en effet 2500 kilomètres de frontières, la même religion, un même groupe ethnique -les Pashtouns- et 2,5 millions de réfugiés Afghans vivent sur le territoire pakistanais, parfois depuis plus de vingt ans. «Nous ne pouvons pas changer la géographie. Nous devons entretenir de bonnes relations avec l'Afghanistan», soutient Talat Masood.

Cette réserve est néanmoins interprétée par certains comme la première fissure dans la coopération entre Washington et Islamabad. Cela d'autant que mercredi Abdul Sattar, le ministre pakistanais des Affaires étrangères, a déconseillé à tout pays d'apporter à l'Alliance du nord l'aide militaire que celle-ci réclame pour lutter contre les Talibans. C'est pourtant cette stratégie qu'envisageraient les Etats-Unis et leurs alliés pour chasser les «étudiants en théologie» du pouvoir à Kaboul. Néanmoins il serait encore prématuré de parler de différents sérieux entre Islamabad et Washington.



par Jean  Piel, à Islamabad

Article publié le 28/09/2001