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Drogue

La nouvelle «guerre de l'opium»

La culture du pavot a chuté de façon vertigineuse en 2001 dans les territoires contrôlés par les Taliban, et le prix de l'opium - comme de l'héroïne - ne cesse de faire le yo-yo sur les marchés mondiaux. Mais la «guerre de l'opium» ne fait que commencer.
Les chiffres rendus publics par le Programme de l'ONU pour le contrôle des drogues, ne laisse pas l'ombre d'un doute : la production de l'opium en Afghanistan a chuté de façon très spectaculaire, entre 2000 et 2001. Elle est passée de 3 276 tonnes à 187, selon le rapport annuel du PNUCID publié le 17 octobre. Ces données concernent, bien entendu, la saison 2000-2001 de la culture du pavot et ne prennent pas en compte ce qui est en train de se passer à l'intérieur du pays depuis les attentats du 11 septembre.

Pour le PNUCID cette réduction drastique - et inattendue - de la culture du pavot a provoqué la «disparition du marché» de pas moins de 3 100 tonnes, soit 75% de la production mondiale. L'Afghanistan, qui était jusqu'en 2000 le premier producteur au monde ne produit plus aujourd'hui que 10% du total, très loin derrière la Birmanie et le fameux «triangle d'or».

Ce changement radical est à l'évidence le résultat de la décision du régime des Taliban d'interdire la culture du pavot et de la faire appliquer par tous les moyens, notamment à partir de juillet 2000, sous la pression de la communauté internationale, selon ce rapport de l'ONU. Ainsi, sur le territoire contrôlé par le mollah Omar, on peut désormais dire que l'opium est de facto presque éradiqué, car l'essentiel de la culture du pavot provient, pour la saison 2000-2001, presque exclusivement dans les districts du nord-est que contrôle les moudjahiddines de l'Alliance du Nord. C'est en effet dans la région du Badakhstan que la culture du pavot a le plus progressé, en passant de 2 458 hectares en 2000 à 6 342 en 2001.


Le yo-yo des prix de l'héroïne

La conséquence presque immédiate de cette chute radicale dans la production de l'opium a été une augmentation vertigineuse de celui-ci - mais aussi de l'héroïne vendue les marchés européens et américains. Le kilo d'opium est ainsi passé de 30 à 301 dollars, en Afghanistan comme au Pakistan. Début septembre dernier il avait même atteint les 600 dollars sur le marché local pakistanais ou afghan.

Comment expliquer la décision des Taliban d'interdire la culture du pavot, en juillet 2000 comme de nouveau cet été, alors que, jusque-là, ils ne semblaient intéressés que par la perception d'une simple dîme, au demeurant fort juteuse, de 10% sur le prix de base ? Selon Alain Labrousse, un expert de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, jusqu'à ces derniers mois on estimait que l'interdiction décrétée en juillet 2000 par le mollah Omar «était motivée par la nécessité d'écouler les volumineux stocks d'opium afin de ne pas faire chuter les prix», au lendemain de la récolte exceptionnelle de 1999, lorsque l'Afghanistan avait produit plus de 4 600 tonnes d'opium.

Cette hypothèse a été en partie confirmée par la remontée spectaculaire des prix en 2001, ou plutôt jusqu'aux événements du 11 septembre, qui ont aussitôt inversé la tendance des marchés, notamment au Pakistan.

En effet, à partir de cette date, de nombreux fermiers - et sans doute quelque gros trafiquants - qui avaient gardé chez eux de l'opium des récoltes précédentes, se sont aussitôt rués vers les marchés locaux pour tenter de se défaire de leur stock et obtenir de l'argent liquide, en vue d'un éventuel exode et d'une guerre de plus en plus probable. Ces ventes massives des vieux stocks d'opium ont aussitôt provoqué une chute vertigineuse des prix au Pakistan comme en Afghanistan. De 600 dollars le kilo en août dernier, son prix est passé d'abord à 180 et, tout dernièrement, à 90 dollars seulement.

On a toutefois remarqué tout dernièrement, notamment à partir de la campagne de frappes aériennes anglo-américaines, que de nombreux agriculteurs afghans ont déjà labouré leurs champs en vue de nouvelles semences de pavot. Il s'agit de champs qui doivent être parcourus de sillons creusés à intervalles réguliers permettant d'inonder les semences, un peu comme pour les champs de maïs. Ce qui est facilement repérable depuis les satellites d'observation qui sillonnent quotidiennement le ciel afghan.

On voit mal comment le régime des Taliban pourrait empêcher ces paysans de reprendre leurs cultures de pavot, notamment dans deux régions du sud - le Helmand et le Mangarhar - où vivent deux importantes communautés pachtounes que - selon Alain Labrousse - «ni les Talibans ni les forces alliés n'ont intérêt à embêter» ; mais plutôt à caresser dans le sens du poil alors que se joue l'avenir d'un régime obscurantiste que l'ont dit sur le point de tomber comme un fruit mûr et d'une coalition qui semble de plus en plus fragile jour après jour.



par Elio  Comarin

Article publié le 30/10/2001