Somalie
Vers une conférence nationale
A l'issue de quatre jours de négociations à Nairobi, le Gouvernement national de transition et les factions somaliennes acceptent le principe d'une conférence de réconciliation alors que les Etats-Unis menacent d'intervenir militairement en Somalie contre les réseaux de soutien au terrorisme.
De notre correspondant à Nairobi
Pour la Somalie, cela devrait sonner comme une promesse. Au terme de quatre jours de discussions à Nairobi, au Kenya, des délégations du Gouvernement national de transition (GNT), l'entité «centrale» qui contrôle seulement certains quartiers de Mogadiscio, et du Conseil somalien de réconciliation et de restauration (CSRR), qui regroupe les principaux chefs de faction somaliens, ont accepté le principe d'une future conférence nationale de réconciliation destinée à organiser le partage du pouvoir et l'établissement d'un véritable gouvernement central en Somalie, le premier depuis la chute de Syad Barre en 1991. Accueillie avec réserve compte tenu des incertitudes qui pèsent encore sur le détail de son organisation, puisque ni la date, ni le lieu, ni le statut exact des différents participants n'ont été fixés, et qu'aucun des poids lourds politiques ou militaires de l'opposition n'étaient présents à Nairobi, cette conférence marque un tournant pour la Somalie.
Le principe même d'une conférence nationale est un progrès inespéré, que le président kenyan Daniel Arap Moi a tenu à encourager en déclarant aussitôt la réouverture de ses frontières avec la Somalie, fermées depuis juin dernier. Jusque ici, le GNT, malgré quelques offres d'ouverture, n'était jamais parvenu à discuter avec ses opposants le principe même d'un partage du pouvoir. Son président, Abdulkassim Salat Hassan, tire sa légitimité de son élection, au cours de l'été 2000, par les membres de la conférence d'Arta, parrainée par Djibouti et certains pays arabes. Or, à Arta, les chefs de guerre de Mogadiscio avaient été écartés du pouvoir. A l'exception de deux de ces derniers, affaiblis et d'ailleurs peu engagés par leur rapprochement avec le GNT puisque leurs miliciens refusent de répondre aux ordres du gouvernement, les principaux chefs de faction somaliens s'étaient alors fédérés dans le CSRR, organisme «d'opposition» sous forte influence éthiopienne. A travers ces deux entités fragiles et sans réel pouvoir que sont le TNG et le CSRR, ce sont donc des pays étrangers qui mènent une partie du jeu somalien. La lutte pour le pouvoir des chefs de faction s'est ainsi transformée en lutte d'influence des puissances régionales, à travers un gouvernement jugé «virtuel» par les diplomates et un regroupement hétéroclite de chefs de guerre allant chercher leurs ordres à Addis-Abeba.
Les Etats-Unis envisageraient une intervention militaire en Somalie
Dans ces conditions, il était difficile de concevoir qu'un accord solide puisse être trouvé. Comment, au terme de quatre jours de discussions à Nairobi, la promesse d'une conférence nationale, impensable hier encore, a-t-elle été arrachée ? La réponse, en grande partie, ne vient pas de Somalie. Selon des sources concordantes, les Etats-Unis envisagent en effet de monter une opération militaire dans le pays avec le concours de l'Ethiopie, à la recherche des membres de cellules de l'organisation al-Qaida d'Oussama Ben Laden ou de leurs complices, et l'intervention aurait toutes les chances de balayer au passage le GNT, jugé trop faible et du reste en rupture totale de paiement. Abdulkassim Salat Hassan s'en est ouvert aux diplomates qu'il a rencontré à Nairobi en marge des discussions. Il leur a avoué sans ambages qu'il savait le GNT au bord de la disparition, et s'est aussi efforcé de convaincre les Etats-Unis de sa bonne volonté pour lutter contre le «terrorisme». La réunion de Nairobi s'est terminée sur une avancée lorsque l'Ethiopie a accepté, en fait, d'accorder un sursis au GNT sur la promesse de voir arriver au pouvoir à Mogadiscio ses propres alliés somaliens.
Un véritable accord est encore loin d'être sur les rails. Le jour même de la conclusion des pourparlers de Nairobi, la parution d'un article du Washington Post, est venu rappeler qu'une opération militaire pourrait bouleverser bientôt ces perspectives. Le quotidien américain, citant des sources haut placées dans l'administration Bush, désigne en effet la Somalie comme une cible prioritaire pour les Etats-Unis après l'Afghanistan. Avant même d'avoir commencé, la guerre «contre le terrorisme», en Somalie, risque de faire une première victime: le processus de paix somalien.
Pour la Somalie, cela devrait sonner comme une promesse. Au terme de quatre jours de discussions à Nairobi, au Kenya, des délégations du Gouvernement national de transition (GNT), l'entité «centrale» qui contrôle seulement certains quartiers de Mogadiscio, et du Conseil somalien de réconciliation et de restauration (CSRR), qui regroupe les principaux chefs de faction somaliens, ont accepté le principe d'une future conférence nationale de réconciliation destinée à organiser le partage du pouvoir et l'établissement d'un véritable gouvernement central en Somalie, le premier depuis la chute de Syad Barre en 1991. Accueillie avec réserve compte tenu des incertitudes qui pèsent encore sur le détail de son organisation, puisque ni la date, ni le lieu, ni le statut exact des différents participants n'ont été fixés, et qu'aucun des poids lourds politiques ou militaires de l'opposition n'étaient présents à Nairobi, cette conférence marque un tournant pour la Somalie.
Le principe même d'une conférence nationale est un progrès inespéré, que le président kenyan Daniel Arap Moi a tenu à encourager en déclarant aussitôt la réouverture de ses frontières avec la Somalie, fermées depuis juin dernier. Jusque ici, le GNT, malgré quelques offres d'ouverture, n'était jamais parvenu à discuter avec ses opposants le principe même d'un partage du pouvoir. Son président, Abdulkassim Salat Hassan, tire sa légitimité de son élection, au cours de l'été 2000, par les membres de la conférence d'Arta, parrainée par Djibouti et certains pays arabes. Or, à Arta, les chefs de guerre de Mogadiscio avaient été écartés du pouvoir. A l'exception de deux de ces derniers, affaiblis et d'ailleurs peu engagés par leur rapprochement avec le GNT puisque leurs miliciens refusent de répondre aux ordres du gouvernement, les principaux chefs de faction somaliens s'étaient alors fédérés dans le CSRR, organisme «d'opposition» sous forte influence éthiopienne. A travers ces deux entités fragiles et sans réel pouvoir que sont le TNG et le CSRR, ce sont donc des pays étrangers qui mènent une partie du jeu somalien. La lutte pour le pouvoir des chefs de faction s'est ainsi transformée en lutte d'influence des puissances régionales, à travers un gouvernement jugé «virtuel» par les diplomates et un regroupement hétéroclite de chefs de guerre allant chercher leurs ordres à Addis-Abeba.
Les Etats-Unis envisageraient une intervention militaire en Somalie
Dans ces conditions, il était difficile de concevoir qu'un accord solide puisse être trouvé. Comment, au terme de quatre jours de discussions à Nairobi, la promesse d'une conférence nationale, impensable hier encore, a-t-elle été arrachée ? La réponse, en grande partie, ne vient pas de Somalie. Selon des sources concordantes, les Etats-Unis envisagent en effet de monter une opération militaire dans le pays avec le concours de l'Ethiopie, à la recherche des membres de cellules de l'organisation al-Qaida d'Oussama Ben Laden ou de leurs complices, et l'intervention aurait toutes les chances de balayer au passage le GNT, jugé trop faible et du reste en rupture totale de paiement. Abdulkassim Salat Hassan s'en est ouvert aux diplomates qu'il a rencontré à Nairobi en marge des discussions. Il leur a avoué sans ambages qu'il savait le GNT au bord de la disparition, et s'est aussi efforcé de convaincre les Etats-Unis de sa bonne volonté pour lutter contre le «terrorisme». La réunion de Nairobi s'est terminée sur une avancée lorsque l'Ethiopie a accepté, en fait, d'accorder un sursis au GNT sur la promesse de voir arriver au pouvoir à Mogadiscio ses propres alliés somaliens.
Un véritable accord est encore loin d'être sur les rails. Le jour même de la conclusion des pourparlers de Nairobi, la parution d'un article du Washington Post, est venu rappeler qu'une opération militaire pourrait bouleverser bientôt ces perspectives. Le quotidien américain, citant des sources haut placées dans l'administration Bush, désigne en effet la Somalie comme une cible prioritaire pour les Etats-Unis après l'Afghanistan. Avant même d'avoir commencé, la guerre «contre le terrorisme», en Somalie, risque de faire une première victime: le processus de paix somalien.
par A Nairobi, Jean-Philippe REMY
Article publié le 06/11/2001